Analyse du jugement de la Cour d’appel
Julie Couture
2013-11-14 11:15:00
Dans un jugement de 28 pages, l’appel présenté par Me Michel Pennou était limité à des questions de droit uniquement.
Sans reprendre le tout de façon exhaustive, nous nous concentrerons dans ce texte, d’en ressortir les grandes lignes, puisque le jugement vient d’être publié.
L’honorable juge Lebel dans Bouchard Lebrun écrivait que la présence d’une intoxication ne rend pas nécessairement la défense de troubles mentaux impossible. Mais il faut se demander par contre quel a été l’impact de l’intoxication sur la maladie mentale.
L’erreur commise par l’honorable juge David est de ne pas avoir instruit le jury sur cette distinction, de sorte que le jury ne s’est jamais questionné sur les effets de l’intoxication.
La Cour d’appel détermine que les questions que le jury devait se poser sont les suivantes :
«Est-ce le trouble mental ou l’intoxication ou encore une combinaison des deux qui est la source de l’incapacité de l’intimé ? Si c’est l’intoxication, il va de soi que la défense de troubles mentaux ne peut réussir. S’il y a combinaison des deux, le jury doit examiner le rôle contributif de chacun et en déterminer l’ampleur pour savoir si, par exemple, les effets de l’intoxication sont tels qu’elle est la véritable source de l’état d’incapacité de l’intimé ou au contraire si les troubles mentaux pouvaient, à eux seuls, causer cette incapacité. » (Paragraphe 98 de la décision)
Et ces questions sont toujours dans le contexte «où la preuve indique que l’idée d’amener les enfants avec lui dans la mort survient après l’intoxication.»
L’honorable juge de première instance n’avait pas lors du prononcé des directives au jury l’arrêt Bouchard Lebrun, rendu postérieurement au jugement.
Il avait par contre l’article 33.1 du Code criminel qui stipule que l’intoxication volontaire ne peut constituer un moyen de défense. Or, la Cour d’appel insiste: « On ne peut savoir quel aurait été le verdict du jury s’il s’était astreint à cette analyse supplémentaire, mais il fallait au moins lui demander de réfléchir à cette question, ce que le juge n’a pas fait. » (paragraphe 111)
Vers un nouveau procès
La question qui se pose est la suivante : comment obtenir un jury impartial avec l’indignation que le verdict de non-responsabilité a suscité?
Même si la Cour d’appel a conclu que l’article 16 pouvait s’appliquer dans le cas de Turcotte et que la défense de troubles mentaux satisfaisait au critère de la vraisemblance, les expertises soumises ont démontré que «ce trouble mental», dans les directives, ne renvoie qu’au trouble d’adaptation, décrit précédemment, alors que les experts ont tous soutenu qu’il fallait tenir compte non seulement du trouble d’adaptation, mais aussi de la crise suicidaire et de l’intoxication pour comprendre la condition mentale de l’intimé.
En somme, le jury n’a pas été instruit sur une question importante qu’il devait trancher, à savoir si c’est le trouble mental ou l’intoxication qui a rendu l’intimé incapable d’un jugement rationnel.
C’est une grande victoire pour le ministère public et également pour Isabelle Gaston qui a crié haut et fort qu’elle souhaitait un nouveau procès.
Il ne serait pas étonnant que les frères Poupart s’adressent à la Cour suprême du Canada.
Passionnée par le droit criminel et engagée dans sa corporation, Me Julie Couture a siégé sur un comité au Barreau du Québec qui concernait la conciliation travail-famille.
Membre du Barreau de Laval, elle a longtemps été membre du Barreau de Longueuil où elle a lancé son cabinet d’avocats.
Me Couture est reconnue comme étant une avocate n’ayant pas froid aux yeux et depuis novembre 2011, elle est également chroniqueuse au Journal de Montréal.