Jurisprudence

Jugement et rétractation: les revirements d’une action sur compte

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Emeline Magnier

2015-06-18 10:10:00

Poursuivant une ancienne cliente pour honoraires impayés, un cabinet a été rabroué par un juge pour défaut d'inscription de sa cause au mérite, avant d’obtenir la rétractation du jugement. Mise à jour...
Me Dominique Bougie
Me Dominique Bougie
Les clients qui paient leurs honoraires en temps et lieu sont précieux mais aussi de plus en plus rares. Dans le cas contraire, les cabinets d'avocats doivent alors prendre une action sur compte afin de récupérer les sommes dues pour les services juridiques rendus.

Mais le chemin procédural est parfois long et parsemé d’embûches. C’est ce qu’a expérimenté le cabinet Crochetière Pétrin.

Contexte factuel

Le 14 janvier 2013, le cabinet d’avocats a signifié à une ancienne cliente une action sur compte pour services professionnels impayés et devait en conséquence inscrire la cause pour le procès avant le 22 juillet suivant.

Le 10 mai 2013, cette action a été réunie avec un autre dossier par le greffier spécial. Le 30 août, les inscriptions au mérite ont été déposées dans les deux affaires, mais parce qu'elle était faite hors délai pour l’action sur compte, l'inscription a alors été refusée.

C'est ce qu’on peut lire dans la requête déposée par Crochetière Pétrin en mars 2015 pour être relevé du défaut de produire l'inscription pour enquête et audition, conformément à l'article 110.1 du Code de procédure civile.

« La demanderesse a été dans l'impossibilité d'inscrire la présente cause pour enquête et audition en raison de l'erreur de ses procureurs lesquels ont omis d'inscrire avant l'échéance du délai d'inscription, et ce notamment, en raison d'une confusion avec le dossier (…) avec lequel il était réuni.»

Motifs

Dans une décision rendue le 9 avril dernier, le juge Daniel Dortélus de la Cour du Québec a rejeté la requête du cabinet Crochetière Pétrin.

Le tribunal rappelle d'abord qu'il ne peut relever le cabinet de son défaut que s'il administre la preuve de son impossibilité d'agir, ce que, selon son appréciation, il n'est pas parvenu à faire.

Le juge note que Crochetière Pétrin n'a produit qu'un affidavit non détaillé signé par Me Dominique Bougie, qui a présenté la requête mais qui n’est pas celle qui aurait commis l’erreur.

Pour le magistrat le fait d’avoir attendu 19 mois pour demander, en mars 2015, d'être relevé de son défaut d'inscrire, qui expirait le 22 juillet 2013 « est un indice de mauvaise gestion du dossier qui s'apparente plus à la négligence grossière qu'à l'erreur », laquelle ne permet pas de relever le cabinet de son défaut.

Rétraction

Mais le cabinet Crochetière Pétrin n’en restera pas là. Le 17 avril dernier, la juge Nathalie Chalifour entend une nouvelle requête présentée par le cabinet pour obtenir la rétractation de la décision rendue par le juge Dortélus, sur le fondement de l’article 483 paragraphe 7 C.p.c lequel dispose :

« (...) le jugement contre lequel n'est ouvert aucun autre recours utile peut être rétracté par le tribunal qui l'a rendu, à la demande d'une partie (...) Lorsque, depuis le jugement, il a été découvert une preuve, et qu'il appert: (...) qu'elle ne pouvait pas, avec toute la diligence raisonnable, être découverte en temps utile. (...) »

La juge Chalifour retient que le 28 août 2014, la juge Louise Comeau a fixé le procès des deux instances jointes à la même date après avoir entendu les représentations de Me Chauvin, l’avocat qui représentait alors Crochetière Pétrin.
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« (...) une erreur a mené la demanderesse (NDLR: Crochetière Pétrin) en cette instance à faire une requête pour être relevée du défaut d’inscrire devant le juge Dortélus en date du 26 mars 2015; cette démarche n’étant pas nécessaire vu le jugement rendu par la juge Comeau au mois d’août 2014 », souligne le tribunal.

Crochetière Pétrin aurait eu connaissance de sa « bévue », indique la juge Chalifour, le lendemain de la décision du juge Dortélus et aurait également été mis en possession d’une lettre adressée par Me Chauvin à un avocat du cabinet aujourd’hui retraité.

Relevant qu’il n’y avait donc pas lieu de présenter une requête pour être relevé du défaut d’inscrire, que le rejet de cette même requête créerait une injustice et que le jugement de la juge Comeau est passé en force de chose jugée, le tribunal accueille la requête en rétractation de jugement de Crochetière Pétrin et remet les parties où elle étaient avant le jugement rendu par le juge Dortélus.

NDLR: Un premier article est paru temporairement hier sur Droit-inc ne faisant pas état du jugement rendu sur la requête en rétractation de jugement, lequel n’est pas publié pour le moment dans les bases de données publiques en ligne. Mais Droit-inc vous y donne accès ici.
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