L’impartialité de l’expert
Karim Renno
2020-05-13 13:15:00
Il n'est donc pas surprenant que la Cour voit d'un mauvais œil l'expert qui déclare qu'il désire faire valoir les droits de la partie qui l'a engagé.
L'affaire Plante c. Municipalité du Canton d'Orford (2020 QCCS 1075) offre une belle illustration de ce principe.
Dans cette affaire, l'Honorable juge Line Samoisette est saisie de la contestation d'un rapport de bornage. Les parties au litige produisent toutes deux une expertise sur la question centrale au litige.
La juge Samoisette doit donc analyser la preuve d'expert afin d'en venir à une décision dans cette affaire. Elle note que l'expert du Demandeur - malheureusement - ne fait pas preuve du degré d'impartialité et d'indépendance requis. En effet, il est manifeste de l'analyse de la preuve que ledit expert s'est donné pour mission de défendre la thèse du Demandeur et pas d'éclairer objectivement la Cour:
(63) L’expert a pour mission d’éclairer le tribunal et il doit agir avec objectivité, impartialité et rigueur. L’expertise a pour but d’éclairer le tribunal et de l’aider dans l’appréciation d’une preuve.
(64) En l’espèce, l’arpenteur-géomètre Grondin n’a pas bien saisi son rôle à titre d’expert puisque, contre-interrogé, il répond spontanément qu’il doit « faire valoir les droits de M. Plante relativement à l’occupation qu’il exerce et qu’il a exercé depuis 1967. »
(65) Aussi, il a été difficile de connaître la date exacte où il a accepté son mandat. Il dit avoir pris connaissance des témoignages en janvier 2019 après avoir accepté le mandat.
(…)
(69) En somme, l’arpenteur-géomètre Grondin s’est collé aux faits relatés par Plante et n’a pas tenté de les corroborer. Par exemple, il a retenu qu’il n’y avait pas de chemin devant le terrain de Plante alors que l’acte de vente M-11 réfère à un chemin privé.
(70) Il n’a pas non plus communiqué avec un représentant de la Municipalité, ce qui surprend.
(71) Il limite son analyse aux titres portant sur le lot de Plante et fait abstraction de certains éléments de l’article 977 C.c.Q. Il analyse le titre de Plante sans examiner d’autres titres de l’auteur commun, tous antérieurs au titre de Plante, pour déterminer l’intention de l’auteur commun.
Sur l’auteur
Karim Renno est associé fondateur du cabinet Renno Vathilakis Inc. Il est le fondateur et rédacteur en chef du Blogue À bon droit où il publie régulièrement des billets de jurisprudence. Durant la crise que nous traversons, il partagera ses réflexions avec les lecteurs de Droit-inc.com sur un sujet d'actualité juridique.