Le juge Robert a trouvé du boulot
Rene Lewandowski
2012-02-17 13:15:00
«Ça fait 50 ans que je fais du droit, je n'avais pas envie d'arrêter complètement», dit le volubile homme de loi de 74 ans.
BCF, rappelons-le, a récemment fait les manchettes lorsqu'il fut révélé que 46 de ses avocats avaient contribué à la caisse de la Coalition avenir Québec (CAQ). Mario Charpentier, associé-directeur du cabinet, est membre du comité exécutif de ce nouveau parti.
En ce mardi midi, Michel Robert reçoit le journaliste de La Presse dans une salle de conférence de son nouvel employeur au centre-ville de Montréal. Il a l'air en pleine forme, après cinq mois de quasi-retraite où il en a profité pour faire de la voile, de l'ébénisterie et de l'aquarelle, ses autres passions outre le droit.
«Non, Me Charpentier ne m'a pas demandé de contribuer à la CAQ et je n'ai aucune intention de le faire!», dit en riant ce libéral de longue date, ajoutant que cela ne le dérange pas du tout qu'une majorité de ses nouveaux collègues aient contribué au parti de François Legault.
Il faut dire que, pour cette première entrevue, il a à ses côtés l'associé André Ryan, libéral comme lui, qui plus est l'avocat de BCF qui a défendu Jean Charest lors de la Commission Bastarache. Me Ryan et Mario Charpentier - un libéral et un caquiste - ont courtisé le juge au cours des dernières semaines pour qu'il se joigne à leur équipe. Ils n'ont pas eu à le convaincre bien longtemps: les discussions ont commencé à la mi-janvier, au début de février, tout était réglé.
Il est vrai que, dans la tête de Michel Robert, il était clair qu'il redeviendrait avocat. En fait, le 1er septembre 2011, le jour même de son départ de la Cour d'appel, il avait déjà réintégré le Barreau du Québec. S'il a pris quelques mois pour rebondir, c'est que sa remplaçante à la plus haute Cour du Québec n'a été nommée que quelques semaines après son départ et qu'il a dû, en quelque sorte, assuré la transition jusqu'en novembre.
Un cabinet jeune
Plusieurs cabinets s'intéressaient à lui - sept ou huit firmes l'ont pressenti -, mais, s'il a choisi BCF, c'est en raison du dynamisme du cabinet.
«Les associés sont jeunes, le cabinet semble prêt à innover, et il est bien ancré au Québec; tout cela me plaît», dit-il.
Chez BCF, on se félicite de cette nouvelle prise. Plusieurs grands cabinets de Montréal ont un ancien juge dans leurs rangs - Jean-Louis Baudouin est chez Fasken, Pierre Michaud chez Norton Rose, etc. -, mais BCF n'avait pas encore le sien.
«Nous sommes honorés que Me Robert se joigne à notre équipe. Sa grande expérience est un atout inestimable pour nous et surtout pour nos clients», dit Mario Charpentier.
«La venue de Me Robert arrive à un moment clé de notre croissance», dit André Ryan, coresponsable de l'équipe stratégique de litige commercial. Il souligne qu'avec 175 professionnels, le cabinet a atteint une masse critique suffisante, au point où il était devenu important d'aller chercher un «mentor et un juge exceptionnel».
Trois rôles
Même s'il n'a pas encore commencé, son mandat est déjà bien défini et se décline en trois volets: coaching, formation, développement des affaires.
Auprès des jeunes avocats du cabinet - surtout ceux qui travaillent en litige -, il aura pour rôle de les conseiller sur divers aspects: stratégie (comment plaider une cause), révision des textes de mémoire. examen de la position du client, etc.
Il aura aussi le mandat de bien préparer les avocats et les conseillers juridiques d'entreprise - clients du cabinet - à la réforme prochaine du code de procédures civiles.
«Si le projet de loi est adopté, ça va changer la culture juridique et la façon de faire du litige», dit Michel Robert, passionné par le sujet. Car l'accent sera davantage mis sur la prévention et le règlement des conflits plutôt que sur l'affrontement devant les tribunaux. Les avocats, dit-il, seront donc appelés à devenir des négociateurs et des médiateurs avant que d'être des plaideurs.
Enfin, le cabinet compte sur sa notoriété de l'ex-juge en chef pour attirer des clients. «Moi, si j'étais un client, je serais rassuré de savoir que mon cabinet compte dans son équipe un avocat qui a 50 ans de carrière en droit et qui a été juge en chef de la Cour», dit Me Robert.
Les mauvaises langues diront qu'un ex-juge de la Cour d'appel n'est pas nécessairement un plus pour un cabinet d'affaires. En 2008, le ''Globe and Mail'' avait souligné que la très grande majorité des décisions en matière commerciale de la Cour d'appel avait été renversée par la Cour suprême, dont celle concernant la vente de BCE.
Une opinion que respecte Michel Robert, mais qui ne le disqualifie pas du tout à ses nouvelles fonctions, selon lui. D'autant plus qu'il a aussi beaucoup d'expérience en litige commercial comme avocat, acquise du temps où il était l'un des membres fondateurs du cabinet Langlois Robert - devenu Langlois Kronström Desjardins - et dont il a été l'associé directeur entre 1990 et 1995, avant de devenir juge.
Certes, ses nouveaux collègues ne semblent pas en faire grand cas. «La compétence de Me Robert en droit des affaires est exceptionnelle, dit André Ryan. Nous, on en est convaincus.»