Le retour des fusions et acquisitions
Rene Lewandowski
2009-09-10 10:15:00
Pour l'instant, ce sont surtout les gigantesques transactions internationales qui ont fait les manchettes, mais aucun doute, l'activité en fusions-acquisitions a également repris du poil de la bête au Canada après 18 mois d'hibernation.
«Nos clients recommencent à examiner des projets d'acquisition», dit l'avocat Francis Legault, associé chez Ogilvy Renault, à Montréal. En fait, souligne ce spécialiste en fusions et acquisitions, le nombre de projets présentement à l'étude chez Ogilvy Renault a doublé depuis un mois.
«Ça bouge, les clients reprennent confiance», renchérit l'avocat Peter Mendell, associé senior chez Davies Ward Phillips & Vineberg, à Montréal. Il explique que plusieurs clients qui étaient encore en attente il y a quelques semaines à peine envisagent désormais de reprendre leur partie de chasse, en congé durant la crise. Traduction: ils veulent faire des acquisitions.
Deux facteurs sont à l'origine de ce regain d'optimisme: le retour du financement et les prix des entreprises cibles, en forte baisse par rapport à leur sommet de 2007.
Paralysé durant des mois, il semble que le marché du crédit se soit refait une santé. Les banques américaines, qui avaient durant la crise coupé net les prêts qui financent ce type d'opérations, sont aujourd'hui beaucoup plus ouvertes. Or, explique Francis Legault, si les banques américaines disent oui, les banques canadiennes vont suivre.
L'offre de Kraft sur Cadbury en est un bel exemple, souligne Peter Mendell. «L'an dernier, je ne suis pas certain que Kraft aurait obtenu le financement pour cette transaction», dit-il.
John Godber, chef national du groupe droit des affaires chez Borden Ladner Gervais (BLG), souligne lui aussi que les banques sont plus ouvertes que l'an dernier. «Mais tout de même moins qu'en 2007», précise-t-il. Il explique qu'au plus fort du boom, les institutions financières pouvaient financer jusqu'à 70% du prix d'une transaction, et parfois plus. «Aujourd'hui, c'est 60% maximum», dit-il.
Si les acheteurs sont de nouveau en mode emplettes, c'est aussi parce qu'ils veulent profiter des aubaines. Les multiples - et donc les prix - ont considérablement baissé depuis 2007, et certains y voient l'occasion de distancer leurs concurrents. «Ils veulent être les premiers sur le coup!» dit Peter Mendell.
Stabilité des marchés
Évidemment, le rebond boursier des derniers mois n'est pas étranger à cet élan d'optimisme. En fait, c'est moins la hausse qui rassure les acheteurs que la stabilité des marchés. «Des marchés boursiers plus stables, ça veut dire davantage de certitude sur les prix d'achat», explique l'avocat Warren Katz, nouveau coprésident du groupe de fusions et acquisitions chez Osler, à Montréal.
Sans surprise, au Canada, c'est encore le secteur des ressources qui attire le plus d'acheteurs. Les Chinois ont soif de pétrole et d'énergie et ne manqueront pas de miser gros dans les prochains mois. Mais étonnamment, à peu près tous les secteurs semblent soudainement devenus attirants. Autant le domaine manufacturier, désuet aux yeux de plusieurs, que la haute technologie, trop risquée pour d'autres, attirent les acquéreurs potentiels aux poches profondes.
Même les banques ne sont pas à l'abri d'une transaction. En juin dernier, Davies a représenté la banque chinoise Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), la plus grande banque du monde (en termes de capitalisation boursière), lors de son acquisition des opérations canadiennes de la Bank of East Asia, une petite transaction de 73 millions de dollars US.
Chose certaine, même si l'activité semble reprendre, il ne faut sans doute pas espérer un redémarrage en flèche. Aux États-Unis, la valeur des fusions-acquisitions depuis janvier sont de 40% inférieurs aux sommes atteintes sur les huit premiers mois de 2008.
Et ce que l'on constate par ailleurs, notamment au Canada, c'est que les montants des transactions en cours sont bien moins élevés que par le passé. Dans les grands bureaux d'avocats de Montréal, les professionnels planchent sur des transactions variant de 10 à 100 millions de dollars, quelques fois plus, mais très rarement. On est loin des 52 milliards lors de la vente avortée de BCE...