Pas de chômage en droit du travail
Rene Lewandowski
2009-01-30 10:15:00
«Nous sommes très occupés», dit bien humblement Marc-André Laroche, associé chez Le Corre&Associés, de Laval. Ce cabinet compte une vingtaine d'avocats, tous spécialisés en droit du travail.
Depuis le début de l'année, conséquence de la crise ou de l'apocalypse annoncées, ces pros en droit du boulot sont inondés de demandes de conseils de la part de leurs clients, des PME, pour la plupart, syndiquées ou non, mais aussi des sociétés des secteurs public et parapublic. Leurs dirigeants sont inquiets et veulent connaître leurs droits et obligations au cas où ils auraient de douloureuses décisions à prendre prochainement.
«Ils sont en train d'évaluer toutes sortes de scénarios, alors ils nous consultent», explique Me Laroche.
Ces scénarios, on les retrouve plein les journaux et dans les bulletins télévisés: restructurations, mises à pied, licenciements massifs, réductions des quarts ou des heures de travail, fermetures d'usines, réouvertures de conventions collectives... Sauf que, avant d'en arriver là, mieux vaut consulter un avocat pour éviter les poursuites.
«À chaque récession c'est la même histoire, nous avons un surplus de travail», dit Claude Le Corre, le fondateur du cabinet, qui en a vu d'autres depuis qu'il pratique dans le métier.
Aux États-Unis, c'est encore pire, ou mieux, selon le point de vue. Là-bas, les avocats en droit du travail n'ont jamais été aussi «populaires» et sont débordés comme à la belle époque des années 80. Et avec les récentes annonces de licenciements, on s'attend à une hausse importante du nombre de poursuites.
Une situation propre au Québec
Au Québec, on n'en est pas encore là. Mais en raison de la situation particulière de la belle province en matière de relations de travail (taux de syndicalisation le plus élevé en Amérique du Nord, nombreuses règles qui régissent les relations de travail), les avocats ne manquent pas de boulot.
«On commence à ressentir les effets de la crise, mais la situation est pour le moment sous contrôle», dit Gilles Touchette, associé principal à Montréal chez Ogilvy Renault, qui pratique en DET (Droit du travail) depuis 1970.
Chez Ogilvy Renault, on compte avec Heenan Blaikie sur l'un des plus importants groupes en DET au Canada. Seulement à Montréal et à Québec, ils sont 45 à travailler dans ce secteur. Il s'agit en fait d'une situation propre au Québec; ailleurs au Canada et aux États-Unis, le nombre d'avocats en DET dans les cabinets est beaucoup moins important.
Pour les prochains mois, Gilles Touchette s'attend à une hausse de travail en raison du ralentissement de certains secteurs, notamment celui de l'énergie et des services financiers.
Déjà, dans certains cabinets, on s'aperçoit que le secteur financier est particulièrement touché. Chez Loranger Marcoux, un cabinet-boutique de Montréal qui compte 14 avocats en DET, on remarque une recrudescence des demandes de consultation de la part de cols blancs récemment licenciés: analystes financiers, cadres, etc.
Jean-Claude Turcotte, l'associé-directeur de ce cabinet, note également une hausse des consultations en provenance de dirigeants et membres de conseils d'administration.
«Ils veulent savoir leurs droits et obligations dans le cas où leur entreprise devrait déclarer faillite», explique Me Turcotte. Dans certains cas, rappelons-le, les dirigeants peuvent être tenus personnellement responsables des obligations envers les salariés.
Chez Rivest, Schmidt, un cabinet de Montréal d'une dizaine d'avocats, on est occupé, mais pas plus que l'an dernier. Normal, en fait, car ce cabinet pratique en DET mais uniquement pour le compte des salariés.
«Ce que l'on remarque, c'est surtout un déplacement d'un type de travail vers un autre», explique l'associé et fondateur, Marcel Rivest. En ce moment, soutient-il, ses avocats sont occupés à représenter des salariés qui, lors d'une faillite par exemple, réclament leur salaire, leurs vacances, leurs indemnités, etc. Alors qu'en période de croissance économique, les juristes font surtout de l'arbitrage de griefs.
À ce sujet, Jean-Claude Turcotte, qui lui représente exclusivement des employeurs, remarque que les syndicats sont beaucoup moins proactifs ces temps-ci. Contrairement à leurs habitudes, dit-il, ils ne sont pas pressés pour renouveler leur convention collective, même si dans certains cas elle est échue depuis des mois, car ils savent bien qu'ils n'obtiendront pas d'augmentations de salaire en temps de crise.
«En fait, ajoute-t-il, en ce moment, ce sont plutôt les patrons qui courent après les syndicats!»