« L’adrénaline des transactions »
Dominique Tardif
2016-06-22 14:15:00
En fait, j’ai appliqué auprès de trois universités différentes, dans trois secteurs différents, à savoir en communications, management et droit. Étant acceptée dans les trois domaines, j’ai suivi le conseil de ceux qui m’incitaient à commencer par le droit, sachant qu’il s’agissait d’une formation assez générale, qu’il n’était pas facile d’être accepté dans le programme et que cela pouvait mener aux autres domaines par la suite. J’avais par ailleurs un intérêt pour la lecture et pour l’aspect intellectuel lié à cette discipline, aux lois et à la réglementation.
Dès le début du baccalauréat, j’ai beaucoup aimé les cours et le domaine. J’étais d’abord intéressée par le droit fiscal, puis ai bifurqué vers le droit des affaires général chez Stikeman. J’ai tout simplement adoré l’adrénaline liée aux transactions! Le droit des affaires est, encore aujourd’hui, un travail qui me permet d’apprendre tous les jours et de rencontrer de nouvelles personnes.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Je pense spontanément au dernier procès que nous venons de gagner mais, de façon plus générale, je répondrais plutôt que mon plus grand défi en carrière, à ce jour, vient du poste que j’occupe actuellement.
En effet, les choses n’allaient pas de soi au départ, comme le poste n’existait pas avant que je ne l’occupe. En joignant Tarkett Sports, je devenais vice-présidente et chef des affaires juridiques d’une société de construction ayant 90% d’activités nord-américaines. Il s’agissait d’intervenir quant à des domaines de droit que je ne connaissais que peu, dont la propriété intellectuelle et le litige. Il fallait aussi établir ma crédibilité au sein de l’entreprise et auprès d’équipes de vente dispersées partout en Amérique, de façon à les mettre en confiance et à créer chez eux le réflexe de me consulter, moi, l’avocate interne. Il s’agissait aussi de mettre en place la structure et d’établir des processus internes, tout en passant d’une pratique canadienne à une pratique américaine. Je devenais donc en charge de tout cela, bénéficiant de l’aide précieuse de conseillers externes, mais devant ultimement prendre moi-même les décisions.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je trouve difficile de constater à quel point la justice n’est que peu accessible, et ce, en raison de plusieurs facteurs, dont les taux et les délais. Le citoyen ordinaire n’a souvent pas vraiment, en réalité, la possibilité de faire valoir ses droits s’il est victime d’une injustice puisque c’est tout simplement trop long et trop cher. En effet, et dans bien des cas, arriver à la résolution d’un litige prend des années. Cela ne vaut par ailleurs pas toujours la peine de contester quand les montants en jeu ne sont pas élevés.
Si j’avais une baguette magique, c’est donc ce que je changerais. Un effort concerté des avocats de pratique privée, ainsi qu’un encouragement à ce que les avocats donnent plus de leur temps à la population, aideraient certainement.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était à vos débuts en pratique?
Je ne vois pas beaucoup de changement quant à la perception du public envers la profession. Des journaux ont récemment fait état du fait que certains avocats ont eux-mêmes de la difficulté à gagner leur vie. Cela change-t-il la perception pour autant? Je ne le crois pas…à mon avis, les avocats sont, malheureusement et jusqu’à un certain point, vus comme un mal nécessaire, qu’on le veuille ou non!
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant un jour se retrouver à la tête des affaires juridiques d’une entreprise? Quel est le truc pour y arriver?
Je pense qu’une des clés du succès est de travailler dès le départ dans un environnement pourvu d’une certaine structure et donnant accès à un mentor. La rigueur est essentielle, en effet, pour faire du bon travail et pour connaître le succès. Suivre quelqu’un d’expérience permet, de son côté, d’évoluer, est inspirant et nous apprend une façon de penser et de voir les choses. J’ai eu pour ma part la chance de côtoyer des gens très brillants et qui avaient beaucoup de succès, et cela m’a beaucoup guidée par la suite quant à ma façon de travailler.
Les livres qu’elle nous recommande – Le héros discret (auteur : Mario Vargas LLosa) et Catcher in the Rye (auteur : JD Salinger).
· Le dernier bon film qu’elle a vu – Hateful Eight (Quentin Tarantino)
· Ses dictions préférés – No risk, no reward (ou “Qui risque rien n’a rien”) et, de Thomas Jefferson: “I find that the harder I work, the more luck I seem to have”.
· Son péché mignon – Le chocolat noir!
· Son restaurant préféré – Lucille’s Oyster Dive (Avenue Monkland).
· Elle aimerait…visiter l’Équateur et retourner en Russie ou à Bali.
· Si elle n’était pas avocate, elle serait… journaliste à l’étranger. C’est qu’elle adore voyager!
Elle supervise une équipe de conseillers internes et externes quant aux actitivés de l’entreprise à travers le monde, notamment quant à de nombreuses ententes de coentreprises (joint ventures) et accords commerciaux aux États-Unis et en Europe, Asie et Afrique. Me Nantel est également chargée d’assurer la conformité globale de l’entreprise en regard de la législation et réglementation applicables, et d’intervenir dans le cadre de réclamations, négociations ou dossiers judiciarisés complexes. En 2016, elle fut finaliste aux Canadian General Counsel Awards dans la catégorie Litigation Management.
Avant de joindre les rangs de Tarkett Sports, Me Nantel a travaillé comme consultante pour plusieurs compagnies de renom, dont ABB, Uniboard et la Caisse de Dépôt et Placement du Québec. Elle a fait ses débuts en pratique privée, et a été associée chez Norton Rose Fulbright (alors Ogilvy Renault) en droit des affaires. Elle est membre du Barreau du Québec depuis 1993.