Les confessions de Michel Doyon
Dominique Tardif
2015-09-23 15:00:00
En fait je n’ai pas décidé, après l’obtention de mon baccalauréat ès arts, d’entreprendre des études en droit, mais plutôt de poursuivre des études en histoire. Mon intérêt pour le droit vint de mon désir d’acquérir de plus amples connaissances du fonctionnement de l’état et des ententes internationales aux fins de mon enseignement.
Or, pendant toutes mes études, je travaillais quelque peu au sein de l’entreprise de mon beau-père. C’est là que j’ai acquis un intérêt pour le droit commercial. Reçu avocat, je devais effectuer la plus grande partie de ma carrière en droit commercial et corporatif. Un changement pour le moins radical pour celui qui croyait faire de l’enseignement sa carrière.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?
Le défi quotidien, je crois, consiste à savoir s’adapter, en acceptant les éléments positifs et négatifs de chaque situation et en faisant face aux obstacles que l’on peut rencontrer.
La décision de faire des études en droit, par exemple, impliquait pour moi de laisser un emploi permanent alors que je venais d’acquérir une maison et que j’étais père depuis quelques mois à peine. Il me fallait relever les défis qu’entrainait cette décision. Je me souviens de m’être dit qu’il n’y avait plus de retour possible et qu’il me fallait réussir.
Mon expérience comme bâtonnier, quant à elle, a été pour moi enrichissante et agréable: il s’agissait, encore ici, de savoir m’adapter et répondre à une nouvelle réalité.
Mes fonctions de lieutenant-gouverneur seront probablement celles qui m’apporteront les plus grands défis. En effet, je n’aurai plus la possibilité d’exprimer publiquement mes opinions et devrai me comporter de la même façon qu’avant, tout en sachant que ma liberté ne sera plus ce qu’elle était antérieurement. Il me faudra dorénavant maintenir l’équilibre entre la simplicité et la dignité de la fonction. Pour les gens que je connais bien, je resterai le même…mais sans faire les mêmes farces ! (rires). Étant une personne très ouverte, c’est probablement ce devoir de réserve qui constituera mon plus grand défi professionnel.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit ?
Je simplifierais au maximum le droit, qui est aujourd’hui devenu très complexe avec sa multitude de lois, de règlements et de décrets. La complexification du droit nuit à sa compréhension et à son accessibilité, non seulement pour les justiciables, mais aussi pour les avocats ! On ne s’y retrouve parfois plus, même pour nous avocats.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique ? Et pourquoi, à votre avis ?
Je ne crois pas que la perception ait beaucoup changé. De tout temps, les avocats ont été perçus en partie négativement par le public. Du temps de la Nouvelle-France, les avocats étaient même interdits ! Ils n’ont d’ailleurs obtenu leur droit de pratique que sous le Régime anglais, étant perçus comme trop chicaniers, contrairement aux notaires qui, eux, semblaient mieux favoriser une approche non conflictuelle.
Les gens, encore aujourd’hui, consultent généralement un avocat lorsqu’ils ont un problème. La profession va pour plusieurs de pair avec un monde de confrontation et de défense des droits, dont certains droits sont difficiles à comprendre pour le public, comme dans le cas de la défense de criminels. En outre, la profession donne également à croire qu’il peut y avoir, en certaines occasions, des abus de droit.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant avoir un parcours semblable au vôtre ? Quels sont les « trucs » pour réussir sa carrière?
Apprendre et connaitre. Le pouvoir, c’est la connaissance. Quelqu’un qui sait quelque chose de plus qu’un autre possède un avantage sur ce dernier, quel que soit le métier qu’il exerce.
Les jeunes avocats doivent voir à toujours améliorer leurs connaissances. Pour ma part, j’ai toujours cru qu’il valait mieux acquérir des connaissances parallèles par le biais d’un autre baccalauréat ou d’études dans une autre discipline, plutôt que s’en tenir à un savoir très particulier et trop ciblé.
Un praticien de droit des affaires comprendra peut-être mieux ses clients, leurs activités et les investissements qui sont faits en acquérant des connaissances en finance, en comptabilité ou fiscalité alors que le criminaliste peut avoir intérêt à étudier la philosophie en vue de mieux défendre les droits de l’homme.
En bref, il m’est toujours apparu que savoir un peu de tout, mais rien d’une seule chose, nous permet de mieux savoir qu’on ne connait rien, comme le soulignait Socrate.
En vrac…
● Il a beaucoup aimé lire…Les mémoires d’Hadrien (auteur : Marguerite Yourcenar).
● Dernier bon film qu’il a vu …Les oiseaux de passage, un film pour enfant, qui raconte l'aventure vécue par deux petites filles et un caneton.
● Il aime les chansons de Vera Lynn, en raison de l’émotivité qu’elles dégagent.
● Son expression ou diction préféré – celle de Jean-Étienne-Marie Portalis sur le bonheur : « Le bonheur, c’est la permanence de l’éphémère ».
● Un restaurant où il se sent comme chez lui et où il aime se détendre avec des amis : Faks Café (Avenue Maguire)
● Il aime aller…en France.
● Le personnage historique qu’il admire le plus – Napoléon, alors qu’il était consul (plutôt qu’empereur), la majorité des grandes réformes de Napoléon datant du Consulat.
● S’il n’était pas avocat, il serait…définitivement historien !
Après avoir obtenu un Baccalauréat ès arts (B.A.) de l’université Laurentienne de Sudbury, il entreprend des études en histoire à l’Université Laval de Québec où il obtient une Maîtrise ès arts (M.A.), puis une Licence en droit (LL.L) et un Doctorat d’université en histoire (Ph. D.). Il a également complété sa scolarité de Doctorat en philosophie auprès de cette même université. Il a été nommé Conseiller de la Reine en 1992 et Avocat Émérite du Barreau du Québec en 2009.
Me Doyon, avant d’entreprendre la pratique du droit, enseigne l’histoire à la Commission scolaire des Découvreurs, au CÉGEP de Sainte-Foy de même qu’à l’Université Laurentienne de Sudbury, à titre de professeur invité, au cours des étés 1967 et 1968. Admis au Barreau du Québec en 1972, il débute sa pratique au sein du cabinet L’Heureux, Philippon, Garneau pour se joindre par la suite, en 1984, au cabinet Gagné, Letarte, où il exerce toujours sa profession d’avocat.
Il agit de 1972 à 1974 à titre de conférencier en droit des compagnies à l’École du Barreau du Québec, puis de 1975 à 1988, à titre de professeur. Il a également été chargé de cours à la faculté de droit de l’université Laval en informatique et droit.
Bâtonnier de Québec en 2003, il participe activement à de nombreux comités du Barreau, notamment le comité administratif, le comité des finances, le comité des requêtes en réadmission, et le comité sur l’avenir de la profession. Me Doyon devient bâtonnier du Barreau du Québec en 2007 et négocie pour le Barreau différentes ententes, une entente de collaboration avec le Barreau de la Louisiane et un arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles entre le Barreau du Québec et le Conseil National des Barreaux de France.
Me Doyon s’implique aussi activement au sein de nombreuses organisations et siège au sein de plusieurs conseils d’administration. Il est membre du conseil d’administration de la Société Radio-Canada de 1988 à 1998 et il occupe, à ce titre, les fonctions suivantes : président et membre du Conseil de fiducie de la Caisse de retraite des employés de Radio-Canada, membre du Comité exécutif, président et membre du Comité de vérification, membre du Comité de programmation de langue anglaise et de langue française de même que membre du Comité des finances.
Me Doyon a reçu au cours de sa carrière plusieurs distinctions, dont la Médaille du 125e anniversaire de la Confédération canadienne, la Médaille du 50e anniversaire du Jubilé de la Reine Elizabeth II et la Médaille du Jubilé de diamant de la Reine Élizabeth II. Il obtient, en 2014, le Prix du Centenaire du Jeune Barreau de Québec. Colonel honoraire de la 3e Escadre, Bagotville, de 1999 à 2005, il est fait membre de l’Ordre de St-Jean de Jérusalem en 2003.