« Talent 20%, effort 80% »
Dominique Tardif
2014-03-26 14:15:00
Le fait que je sois devenu avocat est vraiment le fruit d’une coïncidence. En effet, il n’y avait pas d’avocat dans la famille et je n’étais pas du tout certain de ce que je voulais faire. A priori, je me dirigeais vers une carrière en mathématiques ou en physique.
Mon père avait entendu parler d’un orienteur, un psychologue à la retraite du nom de Léopold Grenon, et me l’a fait rencontrer. J’ai certainement passé l’équivalent de huit heures avec lui, à faire toutes sortes de tests. Deux semaines plus tard, je l’ai revu avec le résultat de ses analyses… Il m’a alors presque obligé à devenir avocat! « Tu as trois choix : avocat, avocat ou avocat! », m’a-t-il dit! Selon lui, les forces que j’avais pourraient être utilisées à leur maximum en choisissant cette profession, alors que mes faiblesses ne m’affecteraient que peu. C’est ainsi que j’ai donc appliqué en droit.
J’ai lu, des années plus tard, un article sur Monsieur Grenon dans le journal au moment de son décès : il semble qu’il avait changé la vie de bien des gens, comme pour moi.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Sans l’ombre d’un doute, il s’agit du dossier Vidéotron que nous représentions contre Bell. La cause était très complexe à tous égards : quant à la faute, au quantum et au lien de causalité, sans compter la durée du procès. Ce dossier a mené à un procès de 57 jours entre septembre 2011 et janvier 2012. C’était un défi colossal, à un moment où j’avais des jumelles de deux ans à la maison. Je travaillais comme un fou avec mes trois autres collègues, ce qui n’était, cela dit, pas difficile tellement le dossier était passionnant! Jugement a été rendu en juillet 2012 et, même si notre cliente a gagné, nous en avons appelé du quantum, alors que la partie adverse en appelle quant à sa condamnation.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si je le pouvais, je sanctionnerais plus sévèrement la prise de position abusive ou déraisonnable. En effet, les parties prennent parfois des positions qui ne font pas de sens et qui, pourtant, ne sont pas sanctionnées… et je ne parle pas ici que de l’article 54.1, mais de façon plus large.
Selon moi, une partie qui reçoit une offre de règlement, qui ne la considère pas, qui se rend à procès et qui obtient par jugement le même montant que celui proposé dans l’offre devrait être sanctionnée. Une telle règle éviterait beaucoup de procès qui ne devraient pas avoir lieu et diminuerait les coûts, en améliorant par ricochet l’accès à la justice. Les gens qui, autrement, agiraient de façon déraisonnable risqueraient certainement de moins le faire en ce cas.
Il existe d’ailleurs une règle en ce sens en Ontario. La partie qui reçoit une offre de règlement, la décline et qui est condamnée au même montant ou moins est responsable des honoraires extrajudiciaires. Le juge n’a évidemment pas accès à l’offre pendant le procès, mais peut éventuellement en prendre connaissance et décider, si elle avait du mérite, de sanctionner la partie en conséquence. S’il est jugé, à l’inverse, que l’offre était déraisonnable, alors c’est celui qui fait l’offre qui peut être condamné aux dépens.
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
J’ai l’impression que les choses sont un peu mieux aujourd’hui qu’il y a quinze ans. En effet, les avocats sont à mon avis davantage perçus comme des conseillers d’affaires et comme des gens qui sont en mesure d’éviter des conflits plutôt que d’en créer. Pour ma part, je suis de plus en plus souvent consulté pour « éviter une chicane » plutôt que pour en régler une. Je crois qu’il s’agit là d’une démonstration du fait que les gens ont plus confiance qu’avant en les avocats.
5.Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un amorçant sa carrière et voulant suivre le même chemin que vous?
D’abord, je dis souvent à ceux qui m’entourent de ne pas se fier à leur intelligence. Quand tu travailles dans des dossiers d’un certain niveau, tes adversaires sont souvent très forts. Le résultat est donc fonction du talent à 20%, et fonction du travail et de l’effort à 80%. En effet, le talent ne te donne pas, dans ses circonstances, un avantage suffisant si tu ne travailles pas, et est négligeable si tu n’es pas aussi - ou plus - préparé que l’autre partie.
Je crois aussi qu’il est important de ne pas se limiter à un secteur de pratique trop pointu, une fois choisi son domaine de pratique, qu’il s’agisse du droit des affaires ou encore du litige. C’est, selon moi, un gage de succès et une façon de devenir un meilleur avocat. Si l’on choisit le litige, pourquoi ne pas faire de la construction, des valeurs mobilières autant que des disputes entre actionnaires, question d’éviter qu’une vision trop étroite de nos dossiers puisse autrement nous nuire? L’économie ayant des hauts et des bas, il est au surplus risqué de souffrir des cycles économiques si l’on se spécialise trop.
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’il a lu – le Rapport de Brodeck, de Philippe Claudel
• Le dernier bon film qu’il a vu – Ernest et Célestine, un film d’animation pour enfants qui fait changement des princesses de Disney! (Réalisé par Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier)
• Sa chanson fétiche – Bohemian Rhapsody (Queen)
• Son expression préférée – A cœur vaillant, rien d’impossible
• Son péché mignon – Le caviar d’esturgeon, dont il se délecte à l’occasion depuis son voyage en Russie en 2005
• Son restaurant préféré - Ferreira
• Le pays qu’il aimerait visiter – Le Népal
• Le personnage historique qu’il admire le plus (et pourquoi?) – René Lévesque, non tant pour ses convictions politiques, mais parce qu’il est toujours resté fidèle à ses idées.
• S’il n’était pas avocat, il serait - …professeur de mathématiques au cégep ou à l’Université!
Me Ouellet pratique au sein du cabinet Woods s.e.n.c.r.l. depuis janvier 2002 et y est associé depuis 2006. Il est membre du barreau du Québec depuis 1999. Sa pratique est concentrée dans les domaines de l’arbitrage et du litige commercial, corporatif et civil. Il pilote plusieurs dossiers d’envergure et possède une expertise particulière en matière de litige en valeurs mobilières, en télécommunications, en recours collectifs, en construction et en matière de conflits entre actionnaires.
Il est régulièrement nominé dans les sondages annuels du magazine Lexpert dans les domaines du litige commercial et corporatif, du litige en valeurs mobilières et des recours collectifs. En 2012, il fut désigné par le magazine Lexpert comme l’un des meilleurs avocats de moins de 40 ans au Canada. Il est également classé par Benchmark Canada comme une étoile québécoise du litige en valeurs mobilières, du litige commercial, des recours collectifs et des litiges en matière de construction.
Me Ouellet est également très impliqué dans le milieu communautaire montréalais, étant l’actuel président du Conseil d’administration de l’Accueil Bonneau, organisme de bienfaisance jouant un rôle essentiel auprès de la population itinérante de Montréal depuis 1877. Me Ouellet est également un des membres fondateurs de la Fondation Accueil Bonneau, mise sur pied en 2011.
Me Ouellet a enseigné le droit pour les architectes et les ingénieurs à l’Université McGill de 2002 à 2012 et enseigne le droit de la preuve à l’École du Barreau depuis 2010. Il donne régulièrement des conférences sur divers sujets, incluant le litige en valeurs mobilière et le litige corporatif.
Il est le fier papa de jumelles de quatre ans et d’un petit garçon d’un an.