Une gestionnaire de haut niveau
Dominique Tardif
2016-03-30 14:15:00
Si j’avais pu faire dix carrières dans ma vie, j’en aurais fait dix!, dit-elle dans un rire. J’ai, à l’époque, hésité entre le droit, la médecine et les mathématiques. J’ai finalement opté pour le droit, avec pour objectif de défendre la veuve et l’orphelin. Le côté à la fois intellectuel et humain de la discipline m’attirait beaucoup.
J’ai, avec le temps, bifurqué vers le droit financier. C’est dire que la vie, parfois, décide un peu pour nous! Embauchée par un grand cabinet, j’ai découvert le droit des affaires. Assignée temporairement par mon cabinet chez Gaz Métro, j’y ai réalisé que j’aimais beaucoup travailler « de l’interne », comme je m’y sentais plus proche du résultat. Gaz Métro m’a par la suite embauchée et j’ai continué, depuis, à travailler pour des compagnies qui sont à la fois bonnes en affaires mais aussi pour leurs employés et leur clientèle. Le fait de travailler pour une entreprise qui agit comme un bon citoyen corporatif est, en effet, très important pour moi.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi a été d’occuper, très vite en carrière, un poste de gestion de haut niveau. Avec à peine trois ans de pratique à mon actif, je me suis retrouvée vice-présidente et secrétaire à la Banque Nationale.
Il faut dire que les choses étaient beaucoup moins complexes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Il n’empêche que les fonctions incluaient le secrétariat, les financements nationaux et internationaux, le transactionnel / réglementaire et par la suite divers services corporatifs et la responsabilité de plusieurs comités dont celui de l’avancement des femmes, ce qui constituait tout un défi dans ce milieu d’hommes à ce moment-là.
J’étais non seulement très jeune, mais j’étais aussi une femme. Je devais donc me prouver, tout en prenant soin ne pas faire d’erreurs, dans le but d’ainsi éviter de prêter flanc à la critique. Je supervisais par ailleurs des gens qui, pour certains, étaient non seulement plus âgés que moi, mais qui avaient postulé sur mon poste. Heureusement, tout s’est bien passé. Il s’agissait néanmoins d’un très gros défi!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je crois qu’il y a eu une amélioration énorme du droit et chez les avocats, de façon générale. Le stéréotype de la prima donna, notamment, est bien moins présent qu’avant. Les bureaux, de leur côté, se sont beaucoup adaptés et rapprochés des besoins du client, alors que les avocats ont progressivement pris plus de place au sein des entreprises. De façon générale, nous avons donc ‘trouvé notre modus operandi’.
En effet, les avocats de pratique privée comprennent mieux les clients et respectent l’avocat interne, qu’ils prennent sur un pied d’égalité. Ils saisissent aussi très bien les impératifs d’efficacité et de coûts raisonnables qu’ont les entreprises. Les relations sont donc généralement très bonnes.
Cela dit, si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte d’inculquer aux étudiants en droit une partie plus pratique, qui corresponde davantage à la réalité des choses…sans évidemment oublier de leur apprendre à penser! Je crois que la formation pourrait encore être améliorée à ce chapitre et mieux préparer les jeunes avocats au milieu du travail.
4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était à vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je crois que la perception est, dans un sens, meilleure, en ce sens qu’on entend bien moins qu’avant de mauvaises farces sur les stéréotypes d’avocats et leur côté sordide ou abusif. Certains scandales dans les dernières années ont par contre causé du tort…c’est désolant et ne démontre pas, chez les principaux concernés, le niveau d’intégrité qu’une telle profession requière.
Dans l’ensemble, je crois quand même que la perception s’est améliorée et qu’elle est plus positive que par le passé.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un voulant être, un jour, à la barre des affaires juridiques d’une grande entreprise et y connaître du succès?
Évidemment, les qualités professionnelles de base doivent être présentes. Mais plus enocore : il faut mettre l’emphase sur la formation, se tenir constamment à jour sur tout, avoir de la vision et savoir inculquer cela aux autres.
Ensuite, le fait d’avoir le sens des affaires est évidemment nécessaire : c’est ce que le client et les compagnies demandent.
Ensuite, et pour gérer une équipe, il faut avoir l’esprit jeune, être très ouvert et accepter qu’il puisse exister des différences marquées entre les générations et les types de gens. Ce n’est pas toujours facile, bien sûr. Je suis, cela dit, d’avis que nous avons une relève extraordinaire et qu’il faut la soutenir. Les jeunes avocats ont, c’est vrai, souvent besoin de plus d’attention que dans mon jeune temps, où la situation se résumait plus ou moins à ‘travailler, un point c’est tout’. La jeune génération, elle, veut faire partie des objectifs, et je suis certainement d’accord avec cela.
· Le dernier bon livre qu’elle a lu – The Peacok Emporium (auteure : Jojo Moyes).
· Le dernier bon film qu’elle a vu – Brooklyn (réalisateur : John Crowley)
· Elle écoute… beaucoup de musique classique et aime l’opéra.
· Son leitmotiv : « On ne peut pas se changer complètement, mais on peut toujours s’améliorer. »
· Ce qui la fait craquer – les enfants! C’est qu’elle adore son petit neveu et sa petite nièce!
· Son restaurant préféré – Le Toqué (Place Jean-Paul-Riopelle) et…Guy La Patate (Grande-allée, à St-Hubert)! Note aux lecteurs : selon elle, ils ont la meilleure poutine!
· Un pays qu’elle aimerait visiter – La Chine.
· Le personnage historique qu’elle admire le plus, et pourquoi : le Dalai Lama actuel parce qu’il reste bon et ouvert malgré l’adversité.
· Si elle n’était pas avocate, elle serait…probablement médecin ou mathématicienne!
Avant de se joindre à Intact Corporation Financière, Me Guénette a occupé divers postes de direction dans le domaine des affaires juridiques, notamment à la Banque Nationale du Canada, à la Laurentienne générale, chez Provigo et chez Bell Canada. En tout début de carrière, elle est nommée Chef des affaires juridiques par intérim chez Gaz Métropolitain.
Outre ses fonctions au sein de ces différentes compagnies, incluant pour certaines les services de communication, de traduction et de sécurité de même que la gestion des risques et le lobbying, Me Guénette a enseigné les assurances à l’Université de Montréal et elle est présentement administratrice de l'établissement. Elle a été gouverneure de l’Université du Québec de 1988 à 1992 et a occupé divers postes au Conseil de la conservation et de l’environnement du Québec entre 1988 et 1993, notamment celui de présidente du conseil en 1992-1993.
Françoise Guénette détient un diplôme en droit de l’Université McGill. Elle est membre du Barreau du Québec depuis 1977 et membre du Barreau de l’Ontario depuis 2001.