Quel est le meilleur modèle de cabinet en litige ?
Sophie Ginoux
2024-11-06 15:00:41
Voici la question cornélienne que nous avons posée à plusieurs avocats, pour ce dernier volet de notre dossier spécial sur le litige civil et commercial.
Comme nous l’avons indiqué d’entrée de jeu dans cet article, le litige civil et commercial est une des pratiques, sinon la pratique la plus commune au Québec. À l’exception de ceux spécialisés dans un autre domaine, une bonne partie des cabinets, quelle que soit leur dimension, disposent donc d’avocats qui réalisent du litige.
Toutefois, comment se positionnent-ils sur le marché ? Selon notre analyse réalisée à partir du palmarès 2025 des meilleurs plaideurs en litige civil et commercial de Best Lawyers, deux modèles semblent particulièrement se distinguer dans cette spécialité : les grands cabinets nationaux généralistes (75.4% des avocats reconnus), et les cabinets boutiques (24.6% des avocats reconnus).
Qu’en pensent les avocats eux-mêmes ?
Les forces des grands cabinets
Chez Fasken comme chez McCarthy, les avocats en litige civil et commercial ne cachent pas que de travailler pour de grands cabinets comporte plusieurs avantages.
« Comme nous sommes nombreux, nous pouvons monter des équipes dédiées à une niche très en demande, comme les facteurs ESG ou les technologies », confirme Me Isabelle Vendette, associée chez McCarthy Tétrault.
« Nous disposons également de ressources à l’interne dans toutes les disciplines, si bien que nous pouvons être épaulés par nos collègues sur des dossiers qui nécessitent plusieurs expertises », ajoute Me Sébastien Richemont, associé chez Fasken.
Par exemple, pour le seul dossier de Northvolt, dont les enjeux touchent le litige, mais aussi le droit public, le droit municipal et le droit de l’environnement, une équipe multidisciplinaire a été formée par le cabinet pour les besoins de son client.
L’avocat estime d’ailleurs que pour des dossiers de cette envergure, seuls les grands cabinets peuvent répondre à l’appel. « Réunir autant d’expertises, c’est moins évident pour des cabinets de moins de 10 avocats, soyons honnêtes », dit-il.
Le rôle fondamental des cabinets boutiques
Les boutiques spécialisées en litige civil et commercial se démarquent particulièrement sur le marché pour une raison bien simple à la base : l’évacuation des conflits d’intérêts.
« Les grands cabinets nationaux sont fantastiques, ils font un travail remarquable, note Me Karim Renno, associé et cofondateur de Renno & Vathilakis. Mais ils sont aussi conscients de la valeur ajoutée que nous représentons dans les cabinets boutiques, dès qu’ils sont en conflits d’intérêts entre deux de leurs clients. Il est évident qu’ils ne peuvent pas, par exemple, représenter Mastercard s’ils représentent également VISA. »
Mais la popularité des boutiques en litige n’est pas seulement liée à cette raison, comme le prouve le cabinet Woods, qui s’est hissé au 3e rang du palmarès Best Lawyers 2025, juste derrière Fasken et Norton Rose Fulbright.
Selon Me Richard Vachon, qui y est associé et président du Comité de direction, un ensemble de facteurs contribuent au succès manifeste de ce cabinet : « Je crois tout d’abord que depuis presque 30 ans, Woods a réussi à maintenir une image et des valeurs d’excellence, de respect de d’appréciation importante de l’art de la plaidoirie. »
L’avocat ajoute que son cabinet dispose d’une équipe de plaideurs très solide, dont plusieurs sont d’ailleurs devenus juges. « Nous formons un groupe de 45 avocats qui partagent la même passion pour le litige. C’est pour cette expertise incomparable sous un même toit que les grands cabinets nous font confiance. Ils savent que nous gérerons les dossiers qu’ils nous réfèrent de manière irréprochable, sans nuire à leurs relations avec leurs clients » soutient-il.
Le modèle d’avenir des cabinets en litige
Alors, finalement, quel est le meilleur modèle de cabinet en litige ? Me Renno et Me Vachon estiment que les grands cabinets nationaux et les cabinets boutiques sont tous deux très efficaces et complémentaires en litige civil et commercial, ce qui en fait des valeurs sûres pour le futur.
« C’est peut-être le modèle qui se situe entre les deux, à savoir les cabinets généralistes de petite ou de moyenne dimension, qui pourraient à l’avenir se faire un peu plus de souci », remarque de son côté Me Richemont.
Toutefois, comme le rappelle toutefois Me Vachon, « L’enjeu principal des cabinets, quel que soit leur modèle, c’est avant tout l’attraction et la rétention de talents, grâce auxquels la réputation d’un bureau se bâtit. En fait, je crois que c’est la seule vraie compétition entre les cabinets. » Qu’en pensez-vous ?