Le constat web par huissier: comment ça marche?
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Jean-Francois Parent
2017-10-18 10:15:00

Il confie donc le mandat à son avocat de documenter la chose en établissant qu'untel a bel et bien commis des écrits qui nuisent à la réputation de M. Black.
La preuve, pour s'étayer, requiert donc souvent les services d'un huissier pour établir un constat web.
« C'est un exemple parmi d'autres de situations où l'on peut avoir besoin d'un constat web », explique l'huissière Marie-Claude Drapeau, associée à Montréal chez Paquette et associés en charge de l'exécution des constats web.
Car une preuve virtuelle ne se documente pas n'importe comment. À l'ère des fausses nouvelles et du vol d'identité, établir la faute nécessite plus qu'une simple copie d'écran.
Il faut par exemple s'assurer que l'adresse IP de laquelle le commentaire diffamatoire provient est bien celle du fautif et toutes sortes d'autres considérations techniques qui s'ajoutent aux obligations légales auxquelles sont soumises les huissiers dans la préparation de constats.
Bref, il faut ouvrir le « capot » et scruter le moteur, poursuit Mme Drapeau : « ça va dans l'utilisation du matériel utilisé, l'architecture du réseau, il faut synchroniser l'heure de l'ordinateur avec l'heure internationale, etc. ».
Encore peu utilisé
Au Québec, il existe peu de jurisprudence concernant l'utilisation des constats web. « On les utilise surtout pour éviter les litiges et pour les régler rapidement, en documentant une faute pour laquelle on veut réparation », dit-elle.
La vitesse de réaction est essentielle : la grande fluidité du web fait que les informations peuvent rapidement disparaître.
En France, on a codifié la documentation de la preuve web avec les balises de l'Association française de normalisation, la norme AFNOR.
Celle-ci propose des paramètres techniques pour la collecte d'informations. On doit décrire le matériel utilisé, l'adresse IP de l'ordinateur ayant servi au constat, il faut supprimer les fichiers temporaires et l'historique de navigation, et désactiver la connexion proxy, entre autres.
La norme AFNOR n'est pas obligatoire et son admission relève du juge. Cependant, la jurisprudence française fixe les bonnes pratiques à respecter pour les constats web, pratiques reprises par la norme AFNOR.
« C'est la norme que nous suivons au Québec », selon Mme Drapeau.
S'il n'y a pas vraiment de « cause célèbre » concernant les constats web au Québec, Marie-Claude Drapeau n'en donne pas moins un cas de figure qui illustre la nature des services qu'elle offre.
« Une compagnie pharmaceutique voulait démontrer que l'auteur d'un site web critique de ses médicaments faisait de la diffamation. Alors qu'il soutenait que les antidépresseurs qu'il prenait lui causaient des effets secondaires, nous avons documenté ce qu'il écrivait sur sa page web au moment des faits allégués : il prenait du bon temps et racontait ses vacances, comment tout allait bien, que la vie était belle... »
Le dossier s'est réglé rapidement au bénéfice de l'assureur.