A mon compte pour élever mes enfants !
Natacha Mignon
2009-11-23 14:15:00
Un passé de workaholic
Martine Renaud, 37 ans, a démarré sa carrière d’avocate sur les chapeaux de roues. Après un cursus brillant à l’UQAM, ponctué de prix et récompenses, elle entre tout droit en pratique privée au sein d’un bon bureau, celui de Lapointe et Rosenstein. La jeune avocate y exercera en droit commercial, franchise, financement bancaire et capital-risque de 1995 à 1998.
L’appel d’une chasseuse de tête, qui n’est nulle autre que Caroline Haney, la font basculer en entreprise. Pas n’importe où mais chez Bombardier.
« J’ai adoré mon travail dans cette entreprise », dit l’avocate.
Il faut dire que dans la description, il y a de quoi mettre des paillettes dans les yeux à bon nombre d’avocats.
Me Renaud s’est retrouvée à moins de 30 ans en charge de tout l’aspect légal et de toutes les ententes commerciales relatives au réseau de distribution des produits marins au niveau international de Bombardier. Promotion interne, elle fut aussi impliquée au niveau de la sécurité des produits et chargée de représenter la multinationale auprès des gardes-côtes américains et canadiens, ainsi qu’auprès d’autres agences gouvernementales.
Toutes ces responsabilités à l’international font que l’avocate n’était pas souvent chez elle, mais plus souvent à l’hôtel.
Alors patatra, quand en 2003, elle termine son congé maternité, après la naissance de sa première fille, Martine Renaud se retrouve tiraillée au moment de reprendre du service.
« Bombardier a été correct, mais c’est moi qui ai eu peur de ne pas pouvoir tout concilier, dit-elle. Je ne voulais plus de déplacement car mon cœur de maman saignait à l’idée de laisser mon enfant ».
Le temps des enfants
C’est ce déchirement qui pousse certaines femmes à suspendre leur vie professionnelle, quitte à rendre incertain un retour ultérieur à une vie active. Me Renaud, dont le conjoint avait une bonne situation, aurait pu choisir cette option.
Elle ne le fera pas. Son défi sera d’être maman et de se réaliser professionnellement. Pour cela, une seule solution : se dessiner des plans de travail sur mesure.
« J’ai choisi m’établir à mon compte, mais de ne travailler que deux jours par semaine pour être présente auprès de ma fille ».
Ses amis qui connaissent, son coté workaholic, ne croient pas à son pari. Et pourtant, elle va tenir.
« Il y a eu des choix, au départ. J’ai du considérablement amputer mon salaire. Mais, c’était le prix à payer pour rester le plus possible avec son enfant ».
Me Renaud, aura un deuxième enfant, et continuera jusqu’en septembre dernier à un rythme partiel.
Là encore, ce n’est pas le travail qui va dicter son retour au temps plein, mais l’entrée à l’école de ses deux filles, qu’elle parvient à aller chercher tous les jours.
Regard sur le temps partiel
« Une des difficultés a été d’aller trouver des clients dans le milieu des affaires en annonçant mon temps partiel ».
Pourtant, l’avocate y parvient. C’est même à partir du moment où elle décide de ne plus cacher son statut d’avocate à mi- temps et ses obligations familiales que les clients vont suivre.
Elle approche un ancien client, un franchiseur national qui cherche un service plus personnalisé et à moindre coût que celui offert en grand bureau.
Il accepte son agenda. Pour que son pari fonctionne, elle ne peut pas le décevoir et va travailler d’arrache-pied.
« Travailler 2 jours par semaine aura été un sport extrême, exigeant une discipline et une organisation incroyables, outre des heures de travail le soir, une fois les enfants couchés ! »
Depuis 2003, plusieurs entreprises qui s’étaient trouvées face à elle dans des dossiers lui ont offert de belles opportunités de carrière. « A chaque fois, cela m’a valorisé, mais je n’ai pas hésité à dire non, pour ne pas remettre en cause l’équilibre famille-travail que je me suis construit ».
Quand vous parlez à Martine Renaud vous comprenez que ce qu’elle a fait pour elle, elle voudrait que le voir accessible à d’autres. Peut-être ouvrira-t-elle un jour un cabinet de femmes, où chacune, avocates et adjointes, pourraient être à temps partiel.