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Décès d’un avocat des droits humains

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Didier Bert

2024-08-07 15:00:52

Un avocat, au riche parcours en défense des droits humains et en droit de l’emploi, est décédé. Qui était-il?

L’avocat à la retraite Giuseppe Sciortino s'est éteint dans sa soixante-quatorzième année.

Giuseppe Sciortino - source : Memoria

Né à Cattolica Eraclea, en Sicile, Giuseppe Sciortino quitte l'Italie à l'âge de 16 ans quand sa famille vient s’établir au Québec.

Alors qu’il s’apprête à retourner en Italie pour étudier, il apprend qu’il est admis aux études en droit à l’Université de Montréal. Mais l'étudiant dispose de si peu de moyens, qu'il ne peut même pas acheter les livres de droit qui lui sont nécessaires. Il se rend donc à la bibliothèque universitaire pour… arracher les pages qui lui sont indispensables à la préparation de ses examens, confie sa fille Carmelina Sciortino, elle-même avocate.

Admis au Barreau en 1975, Me Giuseppe Sciortino accomplit ses premiers pas d’avocat auprès de Me Bernard Mergler, avocat précurseur des droits civils, politiques, sociaux et économiques.

C'est d'abord en droit pénal et de l'immigration que Me Giuseppe Sciortino œuvre, en représentant des réfugiés venus du monde entier. Après la fin de la guerre au Vietnam, il a représenté de jeunes étudiants vietnamiens, accueillis au Canada pendant la guerre et considérés ensuite comme des agents d'une puissance étrangère.

Me Sciortino a aussi représenté le journaliste salvadorien Victor Regalado, que le gouvernement canadien présumait être un danger pour la sécurité de l’État. Dans cette cause, l’avocat va jusqu’en Cour suprême et devant le comité des droits civils et politiques de l’ONU. Victor Regalado est finalement autorisé à demeurer au Canada.

Lorsque le Chili est sous la dictature Pinochet, Me Sciortino représente des prisonniers politiques, en se rendant lui-même au Chili à plusieurs reprises.

Giuseppe Sciortino ne se mettait pas en avant, malgré ses engagements hors normes en faveur des droits humains. « Mon père n’en parlait pas », relate Carmelina Sciortino, qui explique que c’est sa mère qui lui apprenait ce que son père avait fait. « Alors je demandais à mon père: pourquoi tu ne m'en as pas parlé ? »

Me Giuseppe Sciortino a aussi œuvré en droit du travail, comme associé fondateur du cabinet Melançon Marceau Grenier et Sciortino, spécialisé dans la défense des personnes salariées.

Le cabinet a été créé en 1972 à l’initiative de Me Claude Melançon, Me Georges Marceau, Me Pierre Grenier et Me Giuseppe Sciortino, dans le contexte des années 1970 où de nombreux affrontements survenaient entre patrons et syndicats.

Il consacre une bonne partie de sa pratique aux accréditations, négociations, arbitrages, plaintes devant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) et le Tribunal administratif du travail. Durant sa carrière, il a plaidé devant presque tous les tribunaux québécois et fédéraux.

L'avocat a représenté la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) en 1999, durant un conflit entre les camionneurs indépendants du Québec et le gouvernement provincial. Trois ans plus tard, il est l'avocat d’étudiants de l'Université Concordia, opposés à un moratoire sur les manifestations liées aux conflits au Proche-Orient.

Lors de la grève étudiante de 2012, Me Sciortino fait partie des avocats des associations étudiantes qui faisaient face à des demandes d’injonction. L’avocat a représenté Gabriel Nadeau-Dubois, condamné pour outrage au tribunal en Cour supérieure, mais acquitté en 2017 par la Cour d’appel et par la Cour Suprême.

Après 45 années de carrière, Me Giuseppe Sciortino était devenu avocat-conseil pour la firme Novum Legal, où travaille son fils François-Joseph Sciortino, conseiller principal au développement des affaires de l’entreprise. Sa fille, Carmelina Sciortino, est elle aussi avocate en droit de l’emploi et du travail, chez Deloitte. « Toute ma vie j'ai voulu faire quelque chose de différent, mais tout ce que j'aimais c'est ce qu'il faisait », dit-elle.

Parallèlement à son parcours d’avocat, Giuseppe Sciortino s'était engagé en politique, d'abord au Nouveau parti démocratique (NPD), avant de rejoindre le Parti québécois (PQ).

Un des grands combats qu’a mené Giuseppe Sciortino était la bataille pour l’inclusion. « Quand il a immigré ici, il a subi un certain racisme envers les Italiens. Depuis, le racisme s'est transféré vers d'autres populations venues d'autres continents, et cela le préoccupait beaucoup », explique sa fille, qui salue « un père exceptionnel qui nous a donné absolument tout ».

Giuseppe Sciortino laisse dans le deuil son épouse Elda Verrillo, et ses trois enfants, Lucrezia, François-Joseph et Carmelina.

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