Deux nouveaux recours contre des congrégations
Jean-Francois Parent
2022-04-22 13:15:00
Alors que le gamin chante, le frère Charles s’approche de lui, l’attrape avec force et colle son sexe contre lui.
Le gamin réussit à se dégager et à s’enfuir.
Stupeur : le gamin est convoqué le lendemain par le directeur de l’école, qui lui inflige un châtiment corporel pour avoir défié l’autorité, la veille.
Le frère Charles reprendra son manège au moins une autre fois avec le gamin, qui sera battu par son père quand ce dernier apprend que son fils s’est fait agresser sexuellement.
Le gamin, dont seules les initiales M. J. sont dévoilées, et le représentant inscrit dans la demande d’autorisation d’intenter une action collective déposée le 21 avril dernier contre les Frères de l’instruction chrétienne.
C’est là le récit des événements allégués dans la demande d’autorisation déposée le 21 avril, dont Droit-Inc a obtenu copie.
Selon Me Justin Wee, du cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, qui pilote les demandes, « il y a actuellement une trentaines d’autres victimes, en plus du demandeur, qui ont déjà dénoncé des agressions sexuelles commises par des membres de la congrégation des Frères de l’instruction chrétienne en nous contactant », explique-t-il.
Une autre demande d’intenter une action collective a été déposée concurremment, cette fois visant une autre congrégation, les Pères Montfortains.
Pour cette dernière, les événements donnant lieu à la demande de recours se seraient produits à Drummondville, à l’hiver 1982, Cette fois, le demandeur A. B. était un adolescent de 15 ans à l’époque, et participait à un camp vocationnel où il était jumelé à un novice, Yvon Côté. Ce dernier s’est livré à une fellation sur l’adolescent pendant qu’il dormait, ce qui l’a réveillé en sursaut.
Il a protesté et fait cesser l’agression, pour ensuite passer le restant de la nuit sur ses gardes. Le lendemain, il se plaignait au supérieur du novice, qui a finalement jugé qu’il était préférable que l’adolescent quitte le camp, en plus d’entamer une correspondance avec son agresseur.
Aux Frères de l’instruction chrétienne, qui continuent d’« organiser, administrer et maintenir une congrégation dont les fins sont la charité, l’enseignement, l’éducation, la religion ou le bien-être », selon ses statuts, la demande réclame 10 millions de dollars en dommages punitifs, en plus de sommes à déterminer pour chacune des victimes.
Dommages à déterminer
Quant aux Pères Montfortains, toujours actifs dans « l’organisation, l’administration et le maintien d’une congrégation », le quantum des dommages reste à déterminer. Cette congrégation dirigeait plusieurs établissements, dont la Maison Marie-Reine des-Coeurs, à Drummondville, le Séminaire Montfort à Papineauville, en Outaouais, le Scolasticat Saint-Jean à Ottawa et le Noviciat Sainte-Marie à Nicolet.
« Dans l’immédiat, il y a trop de variables qui restent inconnues pour nous permettre de déterminer quels dommages nous allons réclamer », poursuit Me Wee. Il précise que dans ce type de dossier, il faut prendre le temps d’identifier les victimes et les agressions quelles afin de préciser les réclamations.
Dans les deux requêtes, les demandeurs souhaitent représenter « toutes les personnes (…) ayant été agressées sexuellement au Québec, par tout préposé et/ou membre et/ou employé de la congrégation religieuse » depuis le 1er janvier 1940 jusqu’au moment où le tribunal tranchera l’affaire.
Une telle durée inscrite à la demande ne présuppose pas qu’il y aurait encore des victimes contemporaines à la demande, mais plutôt que l’éventail des victimes peut être large et distribué dans le temps. L’expérience démontre en effet que les victimes de ces situations sont souvent nombreuses.
Outre ces deux dossiers, Arsenault Dufresne Wee mène des actions collectives pour agressions sexuelles entre autres contre la congrégation de Sainte-Croix et l’Oratoire Saint-Joseph, les Oblats de Marie-Immaculée, les Frères des écoles chrétiennes, les Frères de Saint-Gabriel, les Religieux de Saint-Vincent de Paul, les Clercs de Saint-Viateur, les Frères de la Charité et les diocèses de Montréal, Longueuil, Joliette, Saint-Hyacinthe, Québec, Amos et Trois-Rivières.
Il y a plus de 1 250 victimes inscrites dans ces différents recours.
« Il n’y a pas de recours s’il n’y a pas de victimes qui nous font confiance », explique Justin Wee, ajoutant que cette confiance est pour lui une importante gratification professionnelle.
Toutes les victimes potentielles de ces deux congrégations peuvent s’inscrire de façon gratuite et confidentielle directement auprès du cabinet Arsenault Dufresne Wee.