Droit autochtone: plus d’intérêt… plus d’argent?
Delphine Jung
2017-11-08 15:00:00
Aujourd’hui, 25 avocats de BLG exercent dans ce domaine spécifique du droit, au niveau national.
« Nous représentons tant les gouvernements, organismes et entreprises autochtones que l’industrie en générale lorsqu’il s’agit de les aviser sur toute question juridique touchant les questions autochtones. Nos bureaux à l’est du pays ont une pratique mixte, alors que nos bureaux de Calgary et Vancouver concentrent leur pratique au service de l’industrie et même des gouvernements », précise Me André.
Cette année aussi, Langlois a créé un groupe de pratique dédié au domaine. « J’ai été embauchée en mai et j’ai vu un grand intérêt pour le droit autochtone de la part du cabinet », explique Me Kateri Vincent, elle-même membre de la communauté huronne-wendat.
D’autres gros cabinets ont développé cette pratique, parmi lesquels Gowling WLG. Mais ce n’est pas d’hier: sur son site, on peut lire que depuis les années 1950, le cabinet « joue un rôle de premier plan en ce qui concerne le droit autochtone au Canada » et se targue d’avoir collaboré avec les Premières Nations, de même qu’avec les Métis et les Inuits du Canada, dans le cadre d’affaires historiques.
Me John Hurley, associé et chef du groupe de droit autochtone au bureau de Montréal se souvient des débuts au Québec. « À l’époque, Mes Robert et Johanne Mainville, d’un cabinet boutique, travaillaient pour les Cris de la Baie-James qui venaient de négocier la paix des Braves et cherchaient un plus gros cabinet qui leur donnerait un support nécessaire. C’est là qu’ils sont arrivés chez Gowling », résume Me Hurley.
Ainsi, le groupe de droit autochtone a vu le jour en 2002. Depuis, sept avocats y travaillent à Montréal à temps plein et s’allient parfois avec des confrères d’autres groupes sur certains dossiers. Le cabinet représente les entitées régionales, le gouvernement cri ou encore la Commission scolaire crie.
Son voisin de pallier, le cabinet Dentons a aussi quelques atouts dans sa manche puisque depuis plusieurs années, deux avocats s’occupent à temps plein de droit autochtone. Au total, 13 avocats prennent en charge des dossiers qui concernent ces communautés, donc neuf « vraiment spécialisés », détaille Me Ann Bigué, chef du groupe à l’est, épaulé par Me Alexandre-Philippe Avard.
« Nous représentons l’industrie, les promoteurs, dans des affaires variées comme les ressources naturelles et les infrastructures, et ce, toujours dans un souci de réconciliation », ajoute l’avocate.
Même les universités s’y mettent. Ainsi, en janvier 2017, l’Université McGill a mis sur pied un cours intensif en droit autochtone, pour répondre à l’appel lancé par la Commission de vérité et réconciliations du Canada.
Me Kateri Vincent a remarqué en tout cas un intérêt croissant pour ce domaine du droit de la part des étudiants.
Un engouement qui a plusieurs explications
Pour expliquer cet engouement, Me André rappelle que « les entreprises autochtones représentent 16 milliards de dollars en termes de revenu. Ça devient donc un marché intéressant et convoité ».
Mais aussi, la volonté de réconciliation affichée par le gouvernement fédéral inspire les cabinets. « Cela suit la tendance qu’on voit à travers le pays, mais aussi dans la jurisprudence du Canada qui reconnaît un droit de regard aux peuples autochtones », ajoute Me Hurley. En effet, l’article 35 de la loi constitutionnelle leur reconnaît entre autres l’existence de droits ancestraux.
« Pour investir de façon responsable sur les territoires autochtones, les industries doivent prendre en considération les droits dont ces peuples disposent », appuie Me Avard.
Ces gros cabinets vont-ils peu à peu représenter une concurrence pour les cabinets boutiques spécialisés en droit autochtone ?
Pas vraiment, affirme Me Paul Dionne, du cabinet Dionne Schulze. « Les gros cabinets ont souvent couvert des domaines comme tout ce qui est corporatif, fiscal et commercial… pas les plus petits cabinets. Nous représentons plutôt les autochtones en Cour suprême, lorsqu’il est question de leurs droits fondamentaux », explique-t-il.
C’est ainsi que le cabinet Dionne Schulze a déjà représenté des groupes autochtones dans des dossiers contre le gouvernement ou dans des dossiers de discrimination à l’égard des femmes autochtones.
Chacun reste pour le moment cantonné à ce qu’il fait de mieux…