Expulsé du pays à cause d’une erreur judiciaire
Jean-Francois Parent
2019-08-01 10:15:00
Sauf que la Cour fédérale vient de rappeler la Section d’appel de l’immigration à l'ordre, dans un jugement rendu le 26 juillet dernier.
Résident permanent depuis 2002, Bilal Habou el-Hassan a perdu son statut après avoir plaidé coupable à un crime… qui n’en était finalement pas un.
Tout commence quand le Libanais d’origine plaide coupable en 2013 pour utilisation de faux passeport. Comme cette infraction criminelle est passible de 14 ans d’emprisonnement, on prononce contre lui une interdiction de territoire pour grande criminalité, en février 2014.
Il fait appel de cette décision et, dans les semaines suivantes, quitte le pays pour retourner au Liban, pour finalement se désister de son appel en janvier 2017.
Sauf qu’il y a eu méprise, et que l’infraction à laquelle il a plaidé coupable ne s’applique qu’aux passeports canadiens. Bilal Habou el-Hassan utilisait un faux passeport libanais, et l’article 57 du Code criminel, sur lequel repose l’infraction qui a mené à son expulsion du pays, ne s’applique pas dans ce cas.
En 2018, M. el-Hassan obtient donc un acquittement par la Cour d’appel du Québec et, fort de ce jugement, il fait appel de son expulsion devant la Section d’appel de l’immigration.
Justice naturelle
N’eût été sa culpabilité erronée, il n’aurait pas perdu son statut de résident permanent.
L’article 67 de la Loi sur l’immigration permet au demandeur de faire appel sur la base d’un manquement au principe de justice naturelle. Sans compter que l’article 71 dispose qu’un étranger qui n’a pas quitté le pays peut faire appel de son expulsion, encore une fois sur la base d’un manquement au principe de justice naturelle.
Que nenni, rétorque la Section de l’immigration ; monsieur est devenu un étranger, d’autant qu’il a quitté le pays. L’article 71 ne s’applique donc pas. On refuse donc de rouvrir la procédure d’appel.
Sauf que les règles d’appel de l’Immigration prévoient qu’on puisse rouvrir un appel s’il y a manquement au principe de justice naturelle, et qu’il est dans l’intérêt de la justice de le faire.
C’est du moins ce que soutient le procureur du demandeur, Joseph Daoura, de Ferland Marois Lanctôt à Montréal, dans sa requête en Cour fédérale.
Cette cour est d’avis que l’appel doit être rouvert, notamment parce la Section d’appel de l’immigration n’a pas appliqué ses propres règles. On a pour l’essentiel rejeté la demande de réouverture sur la base d’arguties réglementaires: le demandeur n’invoque par les règles, le tribunal administratif de l’immigration n’a donc pas à les appliquer dans la présente cause.
La demande n’invoquait qu’une disposition des règles pour soutenir sa cause, mais cela ne veut pas dire que les autres règles ne s’appliquent pas, dit en substance le juge fédéral René Leblanc.
Alors que plusieurs dispositions auraient dû intervenir dans l’analyse de la demande faite de la Section de l’immigration, celle-ci n’en a évalué qu’une seule pour motiver son refus. « Pourtant, elle est « présumée connaître la loi qu’elle est chargée d’appliquer », lit-on dans la décision qui permet la réouverture de l’appel de Bilal Habou el-Hassan.
Parce qu’on omet d’interpréter les relations entre les articles d’une même loi, on compromet «l’intelligibilité et la transparence» de la décision de rejeter la demande de rouvrir l’appel, estime le juge Leblanc.
Le demandeur est victime d’une erreur judiciaire, il est donc « impératif que la forme ne l’emporte pas sur le fond », poursuit le juge Leblanc.
Ce jugement se distingue par l’interprétation et l’intégration des notions du manquement aux principes de justice naturelle et de l’intérêt de la justice », précise Me Joseph Daoura. Selon lui, la décision de la cour fédérale insiste sur l’importance pour la SAI « d’être plus vigilante dans son champ d’expertise ».