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Hôpital de Rivière-Rouge : la FIQ se joint à la bataille juridique

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Didier Bert

2024-02-15 10:15:44

Me Carl-Éric Therrien et Me Andréanne Lavoie. Source: Therrien Lavoie
Grosse nouvelle : La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec entre dans la bataille juridique pour le maintien du service d’urgence de l’hôpital de Rivière-Rouge…

La FIQ rejoint la Ville de Rivière-Rouge et une patiente dans leurs procédures pour garder ouvert le service d'urgence de l'hôpital local de 20h à 8h.

La FIQ a déposé mercredi 14 février une demande d’autorisation à se joindre au débat prévu lundi 19 février devant la Cour d’appel. Elle présente ses arguments ce jeudi matin devant le tribunal.

Alors que l’hôpital de Rivière-Rouge devait fermer ses portes chaque soir, le cabinet Therrien Lavoie avocats a convaincu la Cour d’appel du Québec d’ordonner un sursis permettant le maintien des services jusqu’au 19 février.

L’urgence devait fermer de 20h à 8h à partir du 1er février, en vertu d'une décision prise en décembre dernier par le Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (CISSSL), qui invoquait un manque de personnel.

Pour les résidents de Rivière-Rouge, cela signifie parcourir près de 60 kilomètres pour se rendre aux urgences les plus proches à l’hôpital de Mont-Laurier, voire encore davantage pour se rendre à celui de Ste-Agathe. La municipalité compte 13 000 habitants permanents, et même 26 500 habitants en comptant les résidences secondaires.

La décision de fermeture a suscité de l'incompréhension parmi la population. Une pétition de 8 500 noms a été déposée à l'Assemblée nationale pour demander le maintien complet du service d'urgence.

Me Léa Champagne-Mercier et Me Annie St-Pierre. Source: LinkedIn
La Cour supérieure confirme la fermeture…

La Ville de Rivière-Rouge et plusieurs citoyens se sont tournés vers la Cour supérieure pour obtenir un sursis à cette fermeture. Ils ont déposé une injonction interlocutoire provisoire, dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision du CISSSL.

Les demandeurs sont représentés par Me Carl-Éric Therrien et Me Andréanne Lavoie du cabinet Therrien Lavoie avocats, basé à Mirabel.

Le CISSSL est représenté par les avocats de son contentieux, Me Léa Champagne-Mercier et Me Annie St-Pierre. Quant au gouvernement du Québec, il est représenté par Me Pierre-Luc Beauchesne et Me Anne-Marie Fontaine.

Le 29 janvier, la juge Élise Poisson de la Cour supérieure a rejeté la demande pour l’émission d’une injonction interlocutoire provisoire, au motif que seuls trois des quatre critères nécessaires étaient démontrés.

La juge a reconnu que le critère d’urgence de la situation était satisfait. Elle a également constaté que certains arguments des demandeurs présentent une apparence de droit ou soulèvent des questions sérieuses. Les demandeurs avaient notamment avancé que l'hôpital est tenu par la loi de fournir des soins d'urgence à toute personne qui se présente. Ils alléguaient également que la fermeture du CISSSL entraîne la violation des droits fondamentaux protégés par les Chartes canadienne et québécoise.

De plus, la juge Poisson a aussi conclu que le critère de l’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable est satisfait, puisque la réduction des heures du service d'urgence ne pourrait pas être compensée financièrement ni corrigée par le jugement final, si un usager subissait des conséquences graves de cette diminution.

Me Pierre-Luc Beauchesne. Source: Archives

Cependant, la juge Élise Poisson n'a pas retenu le critère de la prépondérance des inconvénients. La Cour supérieure constate la présence de deux aspects de l'intérêt public. D’une part, le CISSSL fait valoir que sa décision « se justifie par la nécessité d’éviter de subir les conséquences néfastes découlant de fermetures non planifiées et non organisées qui peuvent s’avérer préjudiciables pour la population », indique la décision. Mais, les demandeurs avancent que la fermeture du service d’urgence « entraînera des inconvénients sérieux pour les usagers et des effets préjudiciables qui ne pourront pas être remédiés par le jugement final. Ils soutiennent agir également dans l’intérêt public pour protéger la santé et la sécurité de la population desservie. »

La juge Poisson présume que décision des CISSSL est prise dans le respect des dispositions législatives applicables. Selon la juge, « au stade d’une demande pour injonction interlocutoire provisoire ayant l’effet d’un sursis à l’égard de la décision attaquée, il y a lieu de favoriser l’intérêt public découlant de la décision du CISSSL. »

La juge Élise Poisson. Source: Lavery
… la Cour d’appel offre un sursis

Dès la décision rendue par la Cour supérieure le 29 janvier, Me Therrien et Me Lavoie ont déposé une requête pour permission d’appeler devant la Cour d’appel du Québec, au nom de Martine Riopel, une résidente de Rivière-Rouge atteinte d’un cancer du sein et qui reçoit des traitements de chimiothérapie.

« Nous avions un très court délai pour aller en appel », explique Me Carl-Éric Therrien. C'est qu’il ne restait que 48 heures avant que le CISSSL procède à la fermeture du service d'urgence le soir et la nuit.

Me Therrien et Me Lavoie décident alors de se baser sur l'affaire des cerfs de Longueuil. « La Cour d’appel avait octroyé un sursis dans la perspective de faire un débat sur les différentes questions juridiques », explique Me Therrien.

Le 1er février, la partie requérante a réussi à convaincre le juge Martin Vauclair de la Cour d’appel du Québec, qui a accueilli la permission d’appeler. La cour a jugé que l'urgence de l'hôpital de Rivière-Rouge devra rester ouverte 24 heures sur 24.

« Cette fermeture partielle cause un préjudice irréparable et (…) ce préjudice concerne la santé de la requérante et de la population desservie par le Centre hospitalier. Par conséquent, il y a lieu de maintenir le statu quo jusqu’à ce que la formation de la Cour saisie de l’appel en décide autrement », écrit le juge Martin Vauclair dans sa décision.

« Il est rarement arrivé qu'un tribunal émette une ordonnance de sursis pour maintenir en place un service d'urgence de soir et de nuit. Cela donne espoir à nos clients », explique Me Carl-Éric Therrien.

Cette ordonnance intérimaire prévoit que les parties retourneront débattre devant une formation de trois juges de la Cour d'appel le 19 février. D’ici là, le service d’urgence de l’hôpital de Rivière-Rouge reste ouvert.

Le 19 février, le débat portera sur le jugement de la Cour supérieure concernant le critère de la prépondérance des inconvénients, qui est le seul critère que la juge Poisson n'avait pas retenu. « Nous prétendons que la juge s'est trompée en droit, et qu'une injonction provisoire aurait dû être émise », souligne Me Andréanne Lavoie.

Le juge Martin Vauclair. Source: Cour d’appel
Des plaintes d’infirmières

En attendant, une nouvelle partie vient de rejoindre la bataille juridique. La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) a déposé une demande auprès de la Cour d’appel afin de l'autoriser à participer au débat prévu lundi 19. Représentée par sa procureure Me Isabelle Boivin, la FIQ entend appuyer la demande de sursis.

La FIQ affirme que des infirmières ont proposé de donner un coup de main au service de l’urgence de l'hôpital de Rivière-Rouge depuis le 1er février, mais que leur offre n’a pas été prise en compte. « Nous avons reçu des plaintes d'infirmières qui offraient leurs disponibilités depuis le 1er février, sans que l'employeur ne donne suite à leur offre. Dans cette situation où les infirmières comblent les besoins par du temps supplémentaire, tous les bras sont pourtant les bienvenus », pointe Me Isabelle Boivin.

Quoi qu'il en soit, l'affaire se poursuivra devant la Cour supérieure, devant laquelle les avocats des demandeurs entendent poursuivre le débat afin d'expertiser le service d’urgence. « Nos clients évaluent la possibilité de mandater un expert pour évaluer l'urgence de soirée de nuit, et que des recommandations soient émises », explique Me Andréanne Lavoie.

Une telle expertise ne peut qu'avoir lieu alors que le service d'urgence reste ouvert, ajoute Me Therrien. « Comme dans l'affaire des cerfs de Longueuil, il faut éviter que le débat devienne théorique: si on ferme l'urgence avant d'avoir le débat final, comment fera-t-on pour ramener l'équipe soignante et reconstruire le service ? On veut maintenir ce qui existe et bâtir autour », précise-t-il.

Contacté, le CISSS des Laurentides n'a pas souhaité émettre de commentaires sur ce dossier. Le ministère de la Justice n'a pas répondu à notre demande de commentaires.

Mise à jour

Ce jeudi, la Cour d’appel a autorisé la FIQ à se joindre au débat du 19 février devant une formation de trois juges de ce même tribunal.

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