Interdiction de fumer sur scène : « une violation de la liberté d’expression »
Sonia Semere
2024-06-12 13:15:03
La Cour supérieure a donné raison à trois théâtres qui contestaient l'interdiction de fumer sur scène. Droit-inc a discuté avec leur avocat.
Trois théâtres québécois avaient fait appel en octobre 2023 de la décision de la Cour du Québec qui leur avait interdit d'effectuer le geste de fumer du tabac sur scène.
Le 29 mai dernier, le juge Jean-François Émond de la Cour supérieure du Québec leur a finalement donné gain de cause.
«On affirmait qu'une activité expressive artistique de cette nature-là, c'est une activité qui est au cœur des valeurs qui soutiennent la liberté d'expression et qui mérite un plus haut degré de protection constitutionnelle», confie Me Louis-Philippe Lampron, l’avocat des trois théâtres, à Droit-inc.
Chaque théâtre avait reçu un constat d’infraction de 500 $ pour avoir contrevenu à la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
Les faits reprochés? Entre 2017 et 2019, ils avaient laissé un comédien fumer une cigarette de sauge sur les planches.
Le juge de première instance, Yannick Couture, avait alors estimé que fumer sur scène ne constituait pas un geste expressif.
Selon Me Lampron, le fait de fumer sur scène est une démarche résolument expressive, car il s’agit d’une décision qui peut découler du choix de l'auteur, du metteur en scène ou du scénographe afin de représenter la réalité.
Tout l’objet de la démarche des théâtres visait à soustraire le contenu artistique présenté sur scène des dispositions de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
Un point de vue partagé par le juge de la Cour supérieure du Québec.
Dans sa décision, il soutient que «les atteintes à la liberté d’expression artistique sous toutes ces formes sont préoccupantes, qu’elles soient directes ou indirectes» et qu’elles ne sauraient « être considérées avec légèreté, même en présence de préoccupations de la santé publique ».
Par ailleurs, le juge a invalidé l’interdiction de fumer dans les lieux publics, culturels ou artistiques que l’on trouve dans la loi qui régit le tabagisme.
D’après Me Lampron, cette décision va avoir un impact très intéressant dans la mesure où le juge affirme clairement que la liberté d'expression artistique est une forme d'activité expressive qui doit bénéficier du maximum de protections spéciales en droit québécois et canadien.
« Dans ce sens-là, je pense que c'est une décision qui est vouée, peut-être pas à faire précédent, mais à renforcer la place prépondérante qu'on doit donner à l'art et à l'expression artistique dans la jurisprudence sur le fondement de la mise en œuvre de la liberté d'expression ».