Jean-François Malo invoque des délais déraisonnables pour faire arrêter son procès
Radio-canada Et Cbc
2024-07-19 09:20:20
Accusé de tentative de meurtre, le promoteur Jean-François Malo multiplie les requêtes en justice pour reporter la tenue de son procès.
Quatre ans après le crime allégué, Jean-François Malo a déposé une énième requête, cette fois-ci pour délais déraisonnables. La cause est entendue en cour aujourd’hui.
Le 26 mars 2020, en plein confinement lié à la pandémie de COVID-19, l'avocat civiliste Nicholas Daudelin (devenu juge depuis) écoute un radiothéâtre dans le calme de sa maison de Saint-Hilaire, en Montérégie. On sonne à sa porte. Il s'approche et, à travers la porte vitrée, il voit un homme noir, puis un deuxième qui fait feu dans sa direction.
L'avocat est atteint à la jambe.
Une enquête d'envergure se met en branle et, trois mois plus tard, la police arrête les deux hommes de main présumés ainsi que le commanditaire allégué de cette tentative de meurtre, le promoteur immobilier Jean-François Malo, qui venait de perdre un litige en cour d'appel contre le Mouvement Desjardins, représenté par l'avocat Nicholas Daudelin.
Le procès de l'homme d'affaires de Joliette a eu lieu en mars dernier, mais il a avorté lorsque le juge au dossier s'est récusé après des semaines de procédures.
Un nouveau procès doit s'amorcer le 2 septembre prochain alors que plusieurs requêtes pour en contester des aspects sont en marche, y compris une demande d'arrêt des procédures en vertu de l'arrêt Jordan en raison des délais déraisonnables.
La cour devra déterminer qui est responsable des délais et si ceux-ci sont déraisonnables.
Procès des trois coaccusés
Depuis l'arrestation des suspects, en juin 2020, l'affaire suit son cours devant le tribunal. Initialement, le procès des trois hommes devait s'ouvrir en février 2022.
Cependant, une première surprise a plombé le dossier : l'avocat de Jean-François Malo, Me Karl-Emmanuel Harrison, a cessé de représenter l'accusé puisque son client ne payait pas ses honoraires, faute d'argent.
Pourtant, l'homme d'affaires était à la tête d'un parc immobilier d'une valeur de 25 millions de dollars, dont il a dû se départir, plaide-t-il, en raison de ses nombreux démêlés judiciaires devant les tribunaux civils.
C'est sa mère de 77 ans qui a racheté une grande part de ses actifs par le truchement de compagnies à numéro et de fiducies dont l'écheveau est impossible à démêler, a dit un juge en 2023.
Pour éviter de retarder le dossier, la cour a alors choisi (en février 2022) de retirer Jean-François Malo du groupe et de tenir le procès des deux hommes de main, qui ont été reconnus coupables et condamnés au terme du processus à des peines de 9 et 10 ans de prison.
De son côté, le promoteur immobilier, qui a visiblement trouvé le moyen de payer son avocat puisque celui-ci a été de retour à ses côtés dès juin 2022, a multiplié les requêtes (en arrêt de procédures, en divulgation de la preuve, en exclusion de la preuve et en abus de procédures).
Avortement de procès
Cette cascade a été momentanément stoppée par le début de son procès pour tentative de meurtre, le 11 mars 2024, quatre ans après les faits.
Le procès, avec ses 69 témoins, est d'une ampleur et d'une complexité incontestables, mais les audiences se sont déroulées au rythme prévu jusqu'à ce que le 4 avril en après-midi, le juge Christian Jarry informe les parties de sa décision de se récuser.
Le magistrat venait de s'apercevoir « qu'il existait un lien étroit entre lui et des membres de sa famille et un ou une témoin et des membres de sa famille ».
Toutefois, le juge Jarry n'en a pas dit davantage et a déposé les motifs détaillés de sa décision sous scellés.
Le mystère plane sur cette étonnante décision. C'est la stupéfaction. Alors que le procès était sur ses rails après tant d'embûches, voilà que tout était à recommencer.
À Longueuil, le bureau de la coordination de la Cour du Québec a réuni toutes les parties, le jour même, pour trouver de nouvelles dates afin de recommencer le procès le plus vite possible.
La semaine du 15 juillet a été retenue pour entendre de nouvelles requêtes préliminaires.
On a réservé cinq semaines pour tenir le procès à compter du 2 septembre.
Contestation
Dès ce moment, les avocats de Jean-François Malo – ils sont maintenant trois – ont contesté la nomination d'une juge gestionnaire de l'instance et ont exigé que les requêtes soient débattues devant le juge qui allait présider le procès. L'affaire est maintenant en Cour d'appel.
Les avocats ont déposé une deuxième requête pour délais déraisonnables (arrêt Jordan), la première ayant été rejetée en début d'année. Après avoir dénoué un méli-mélo d'horaires et de dates de vacances, la requête sera entendue aujourd'hui.
Comme le faisait très justement remarquer mardi matin la juge Dannie Leblanc, chargée d'entendre les requêtes : « La requête Jordan devrait être celle qui est d'abord entendue. Puisque vous plaidez les délais, on va se garder d'en créer d'autres. Il y a urgence. »
La défense de l'accusé Malo a annoncé une 21e requête puisque Me Harrison entend aussi demander la levée des scellés sur les motifs de la récusation du juge Jarry.
Vingt et une requêtes, ce n'est pas un record. Il y en a eu davantage dans le mégaprocès des motards en 2002, mais ce procès réunissait 17 coaccusés qui faisaient face à des accusations de gangstérisme, de meurtre et de complot.
Cependant, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n'a pas manqué de souligner qu'une telle quantité de requêtes préliminaires dans un même dossier, c'est extrêmement rare.
Le temps presse puisque la juge doit ensuite rendre ses décisions avant le 2 septembre prochain.