La condamnation pour génocide de Désiré Munyaneza est confirmée

Emeline Magnier
2014-05-08 12:10:00

« La Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre consacre l’exercice par le Canada d’une compétence universelle qui lui permet de poursuivre toute personne – peu importe sa nationalité – retrouvée au Canada et soupçonnée d’avoir commis – peu importe où – l’un des graves crimes internationaux visés par la loi », a rappelé Me Pascal Paradis, directeur général d’ASFC, qui acceuille avec satisfaction la décision de la Cour d’appel.
Le juge André Denis, de la Cour supérieure, l'avait trouvé coupable de sept chefs d'accusation.
Il s'agissait de:
- deux chefs de crimes de génocide, l'un commis par meurtres et l'autre par atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale;
- deux chefs de crimes contre l'humanité, l'un commis par meurtres intentionnels et l'autre par actes de violence sexuelle;
- trois chefs de crimes de guerre, le premier commis par meurtres, le deuxième par actes de violence sexuelle et le troisième par pillages.
Désiré Munyaneza dirigeait une milice hutu dans le sud du Rwanda lors du génocide de 1994 au cours duquel on estime que 800 000 citoyens de l'ethnie tutsie ont été massacrés.
Il avait été mêlé à une série d'exécutions, de viols et de pillages commis à Butare.
Il s'était rendu au Canada en 1997 et avait été appréhendé par la GRC à Toronto en 2005 après cinq ans d'enquête.
Le procès s'était déroulé au palais de justice de Montréal mais s'était également déplacé en Afrique et en Europe pour entendre certains des 66 témoins présentés par la défense et la Couronne.
Le général à la retraite Roméo Dallaire, qui dirigeait une mission des Nations-Unies au Rwanda lors du génocide, avait été au nombre des témoins appelés à la barre.
Le verdict et la sentence avaient aussitôt été portés en appel par Munyaneza qui invoquait, outre des questions de droit sur la validité des accusations, la commission d'irrégularités par le juge, une interprétation erronée de ce dernier de certains éléments de preuve et l'absence de crédibilité des témoins de la poursuite.
Les trois juges de la Cour d'appel ont cependant statué unanimement que les motifs d'appel n'étaient pas fondés.
Ils notent que la quasi-totalité des témoins de la poursuite ont affirmé que Désiré Munyaneza a assumé un rôle de leader durant le génocide, que le juge Denis avait eu raison de conclure qu'il était "à l'avant-scène du mouvement génocidaire" et qu'il a participé activement au génocide.
De plus, ils soulignent que la preuve avait démontré que l'accusé avait distribué des armes et des uniformes aux miliciens hutus, démontrant ainsi qu'il "était animé de l'intention de s'en prendre spécifiquement aux Tutsis et qu'il était à l'avant-scène du conflit armé dans la préfecture de Butare."
Quant à la crédibilité des témoins, le tribunal rappelle qu'il peut y avoir certaines contradictions mais souligne que, dans certains cas, les événements s'étaient déroulés "dans une atmosphère pour le moins chaotique, impliquant des centaines de personnes" et qu'il est "normal que les témoins n'aient pas tout vu ni tout entendu et que leurs versions puissent diverger sur certains détails."
Le jugement note aussi que certaines contradictions "s'expliquent par l'écoulement du temps et les conditions difficiles dans lesquelles se trouvaient les témoins au moment des faits"., mais que cela ne porte en rien atteinte aux conclusions tirées de la preuve en général.
« Par sa décision unanime, la Cour d’appel du Québec a posé un jalon important dans le développement d’une jurisprudence étoffée en matière de droit international pénal au Canada. Elle envoie un signal fort à l’effet que les personnes qui se sont livrées à des crimes de l’ampleur et de la gravité de ceux dont Désiré Munyaneza a été trouvé coupable ne peuvent espérer échapper à la justice ou trouver au Canada une
immunité de poursuite », conclut Me Paradis.
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