La grande messe des actions collectives!
Camille Dufétel
2023-11-15 15:00:00
Me Anne Merminod, associée chez BLG, est à la tête cette année du comité organisateur, dont elle faisait déjà partie lors des dernières éditions. Elle succède à Me Jean Saint-Onge de BLG.
« C’est un domaine dans lequel j’exerce depuis plus de dix ans, ma pratique est vraiment dévouée à l’action collective, je suis une grande passionnée de ce domaine », pointe-t-elle. Elle se dit très fière de suivre les pas de Me Saint-Onge, qui a porté ce colloque depuis le tout début.
Ce dernier fait d’ailleurs toujours partie du comité organisateur. Mes Valérie Beaudin, Jean-Philippe Lincourt, Luciana Brasil et Myriam Brixi le composent également.
Me Merminod a récemment participé à une conférence à Paris de l’International Bar Association, et pour elle, si on voit que l’action collective prend plusieurs formes à travers le monde, le Québec ou du moins l’Amérique du Nord est en avance.
« C’est un véhicule procédural d’avenir dans des domaines qui s’y prêtent, ajoute-t-elle. Cette année, les domaines qu’on a choisis pour les conférences touchent le droit de l’environnement, le droit des Premières Nations, les valeurs mobilières, le droit de la consommation… »
Dossiers nombreux, domaines nouveaux
D’après elle, pas de doute, le domaine des actions collectives au Québec est en pleine évolution. Me Merminod explique que dans la province, les dossiers d’actions collectives étaient principalement toujours en droit de la consommation auparavant. Avec le temps, les domaines de droit ont changé.
D’autres types d’actions collectives sont aujourd’hui déposées, certaines poursuivent l’État, et l’associée indique qu’on en voit énormément.
« On sort ainsi de l’action collective en droit de la consommation avec un petit montant par personne pour une fausse représentation, par exemple, sur une étiquette », remarque l’avocate. Les montants sont beaucoup plus importants et le fardeau de la preuve est différent. Ce genre de dossiers nécessite selon elle beaucoup de temps et d’énergie.
« Par rapport au nombre, on voit cette année juste à Montréal qu’il y a plus de 250 dossiers d’actions collectives au mérite, qui ont donc dépassé le stade de l’autorisation », souligne l’associée. Elle rappelle que dans une action collective, il y a deux étapes. La première portion étant la demande d’autorisation qui fait l’objet d’une audition. Il s’agit d’après elle d’un filtrage pour déterminer si oui ou non, une action collective devrait procéder.
« Ce genre de procédure nécessite énormément de temps et de ressources, ajoute-t-elle. Plus de 250 ont passé ce stade simplement à Montréal et tout autant de dossiers sont à l’étape de l’autorisation. Imaginez donc le nombre de dossiers et d’avocats qui sont impliqués, mais aussi le nombre d’heures qui doivent être consacrées par la Cour pour ce genre de dossiers! C’est énorme. »
Le colloque sera précisément l’occasion d’échanger sur ces récents enjeux. Si on se fie aux années précédentes, plus de 250 personnes sont attendues, aussi bien des avocats dans ce domaine que des étudiants, des clients intéressés à avoir la perspective d’avocats experts dans le domaine, des juges, des organismes comme Éducaloi, ou encore des journalistes.
Côté intervenants, plus d’une quarantaine de personnes seront au rendez-vous, et certains avocats viennent de loin! Plusieurs d’entre eux pratiquent à Vancouver, New York ou Londres. Des juges interviendront également. Une trentaine de commanditaires permettent d’offrir ce programme.
« L’objectif, c’est vraiment de créer des panels avec des experts qui ont fait ce genre de dossiers, qui ont des choses à dire et qui peuvent apprendre aux autres, note Me Merminod. La conférence sert vraiment notre développement professionnel à nous tous, qui contribuons d’une manière ou d’une autre à ce domaine de pratique. »
Les Premières Nations
Plusieurs avocats offriront par exemple un aperçu des actions collectives entreprises au nom des peuples autochtones au cours des dernières années, « en mettant en lumière les principaux enjeux qui les définissent et en examinant l’issue de ces dossiers ».
Me Joséane Chrétien de McMillan animera le tout, en présence de Me Catharine Moore du Ministère de la Justice du Canada (Ottawa), de Me David Schulze de Dionne Schulze et de Me Stuart Wuttke, avocat général à l’Assemblée des Premières Nations (Ottawa).
Ce sujet a déjà été abordé il y a quelques années, selon Me Saint-Onge, dans le cadre de recours touchant les écoles résidentielles. Cette année, la conférence englobe toute forme d’action collective impliquant les Premières Nations.
Contacté par Droit-inc, Me Schulze précise que tous les intervenants reviendront leur expérience en la matière. « On va parler de ce qui est particulier aux recours collectifs dans ce domaine », explique-t-il. En l’occurrence, même si cela dépend, il s’agit de la taille du groupe, qui peut être très importante, de même que le montant en jeu. Beaucoup de dossiers concernent des abus sexuels ou des abus physiques et certains dossiers ont une portée temporelle extrêmement vaste.
Ce type d’actions collectives est devenu, en termes de taille, de personnes impliquées et d’importance sociale, une part importante du paysage judiciaire, selon l’avocat.
Les facteurs ESG
Me Josée Cavalancia d’Aequo Services d'engagement actionnarial et d’INF Avocats, animera pour sa part une conférence sur les actions collectives en lien avec les facteurs ESG, en présence de Me Julie Girard de Davies, de Me Gerald L. Maatman, Jr. de Duane Morris L (New York), et de Me Céline Barnwell de Pogust Goodhead (Londres, Royaume-Uni).
Ce panel offrira aux participants un tour d’horizon des actions collectives instituées dans ces domaines dans plusieurs juridictions à travers le monde. « Il analysera aussi la situation actuelle et à venir au Québec et au Canada que ce soit en matière environnementale, incluant l’écoblanchiment, en valeurs mobilières, de même que sur des questions relatives au travail, à la diversité et à la santé sécurité », est-il précisé.
Me Merminod remarque que beaucoup d’actions collectives sont déposées aux États-Unis sur ce sujet. Or, les États-Unis sont selon elle « notre boule de cristal ».
« Tout ce qui est ESG, ‘E’ pour l’environnement, ‘S’ pour tout ce qui est social et ‘G’ pour gouvernance, sont des sujets d’avenir », d’après l’associée. « Au Québec, le fardeau pour passer le filtrage est plus bas et on peut imaginer qu’il y aura plus de dossiers, notamment en ce qui concerne l’écoblanchiment. Ce sont des sujets importants pour les Québécois et la charte québécoise des droits et des libertés comprend un article spécifique au respect de la biodiversité », souligne-t-elle notamment.
Une autre tendance qu’on n’a pas encore vue au Québec, selon Me Merminod, mais qui commence à se voir aux États-Unis, ce sont les actions collectives concernant le domaine de l’intelligence artificielle et tout ce qui a trait à la propriété intellectuelle.
La révolution de l’intelligence artificielle sera d’ailleurs abordée le 23 novembre, sur l’heure du dîner.
Fardeau de la preuve, immunités…
Une autre thématique abordée sera celle du fardeau de la preuve dans le contexte des dossiers évoluant sur le fond impliquant des allégations de fausses représentations. Me Saint-Onge rappelle que les recours, une fois autorisés, procèdent au fond.
Me Vincent de l'Étoile de Langlois animera cette conférence en présence de Me Mathieu Charest Beaudry de Trudel Johnston & Lespérance, de Me Stéphane Pitre de BLG, et de Me Jonathan Foreman de Foreman & Co (London, Ontario).
Le colloque sera par ailleurs l’occasion d’aborder des pistes de réflexion sur les immunités de l’État au stade de l’autorisation. « On parle d’immunités qui impliquent les recours intentés contre la Couronne, tant provinciale que fédérale », détaille Me Saint-Onge.
Elle sera animée par Me Audrey Boctor d’IMK, en présence de Mes Alexandra Hodder et Gabriel Lavigne de Bernard, Roy (Justice Québec), et de Me Caroline Laverdière de Justice Canada.
Panel des juges
« Des juges de différentes juridictions canadiennes livreront leurs observations sur la gestion des actions collectives et les enjeux qu’elles soulèvent en termes d’économie des ressources judiciaires et d’accès à la justice », est-il par ailleurs noté. Me Sylvie Rodrigue de Torys animera le tout, en présence de Donald Bisson de Cour supérieure du Québec à Montréal, de Paul Crampton de la Cour fédérale à Ottawa, de Paul Perell de Cour supérieure de justice de l’Ontario, et de Sharon Matthews, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique à Vancouver.
« Parfois, on a un panel des juges des Cours d’appel, mais cette année, c’est donc un panel des juges des Cours supérieures dans différentes juridictions », explique Me Saint-Onge.
La façon de tracer la ligne entre le recouvrement collectif et le recouvrement individuel sera aussi abordée. La conférence, animée par Me Kristian Brabander d’Osler, aura lieu en présence de Me Jacques R. Fournier de BLG, de Me Marie-Pier Nadeau de Fasken, et de Me Pierre Boivin de Kugler Kandestin. « Il s’agit d’un sujet plus pratique », pointe Me Saint-Onge.
Jurisprudence et concepts
Une revue annuelle de la jurisprudence au Québec est prévue dès le début du colloque. Elle sera animée par Me Lincourt, en présence de Me Faiz Lalani de Davies et de Me Jean-Marc Lacourcière de Trudel Johnston & Lespérance. S’ensuivra une revue annuelle de la jurisprudence dans les provinces de Common Law, animée par Me Eliot N.Kolers de Stikeman, en présence de Me Luciana Brasil de Branch MacMaster (Vancouver), et de Me Cheryl M. Woodin de Bennett Jones (Toronto).
Selon Me Saint-Onge, les développements jurisprudentiels sont nombreux. Ce dernier note des décisions importantes de la Cour d’appel du Québec notamment, mais aussi dans d’autres juridictions canadiennes. Pour lui, il est ainsi nécessaire de se tenir à jour. Droit civil et common law sont au programme de ce début de colloque donc, qui sera bilingue.
Me Michel Gagné de McCarthy animera pour sa part une conférence baptisée « le concept de ‘reliance’ dans le contexte des actions collectives dans le domaine des valeurs mobilières - une approche comparée », en présence de Me Michael J. Miarmi de Lieff Cabraser Heimann & Bernstein (New York), de Me Emilie B. Kokmanian, Scott + Scott, (New York), de Me Caroline Larouche de NRF, et de Me Jonathan S. Carter de Sullivan & Cromwell (New York).
Les valeurs mobilières sont un sujet récurrent, d’après Me Saint-Onge. « Ça faisait quelques années qu’on ne l’avait pas traité, donc on l’a mis au programme cette année », souligne-t-il.
Être plus créatif!
Les moyens préliminaires qui peuvent être soulevés au stade de l’autorisation sont limités. Comment peut-on être plus créatif? La question sera également soulevée. Me Brixi de Lavery animera la conférence durant laquelle interviendront Me Jeff Orenstein de Consumer Law Group, Me Claude Marseille de Blakes, et Me Timothy Pinos de Cassels (Toronto).
Sylvain Lussier de la Cour supérieure du Québec animera une autre conférence sur les développements récents portant sur la conduite des actions collectives multiterritoriales en présence de Me Maxime Nasr de Belleau Lapointe, de Me Emmanuelle Rolland d’Audren Rolland, et Me Michelle Segal de Camp Fiorante Matthews Mogerman (Vancouver).
Comment doit-on évaluer la qualité d’un représentant? Dans quelle mesure doit-il s’investir personnellement pour assurer le succès du recours? Me Yves Martineau de Stikeman sera l’animateur de cette conférence durant laquelle on retrouvera Me Laurence Bich-Carrière de Lavery et Me David Bourgoin de BGA Inc.
« On a également invité pour la première fois cette année M. Jean Samoisette (note: représentant du groupe dans le dossier Samoisette c. IBM Canada Itée), qui va venir nous parler de son expérience », détaille Me Saint-Onge, qui croit que le sujet risque d’être très intéressant.
Pas de doute en tout cas, pour Me Merminod, le secteur des actions collectives est « un domaine du présent et un domaine d’avenir ». Personnellement, elle aime le fait qu’il s’agisse d’un domaine en mouvance, s’adaptant à la société en fonction des préoccupations principales des citoyens.
Me Saint-Onge, qui pratique depuis environ 25 ans dans ce domaine, souligne enfin une nouveauté de cette année, à la fin du jour 2: un cocktail de réseautage. « Il ne faut pas oublier que c’est un petit monde, et les avocats dans ce domaine ici s’entendent très bien et ont des rapports sereins »!