L’acquittement de Jaggi Singh aurait pu être évité, dit un avocat
Radio -Canada
2020-01-17 11:22:00
« La Ville de Québec aurait pu (...) demander l’assistance du Directeur des poursuites criminelles et pénales (ou) demander l’assistance d’un avocat de la pratique privée », a soutenu l'ancien procureur de la Couronne en entrevue à l'émission Isabelle Richer jeudi.
Selon lui, les avocats de la Municipalité auraient « certainement pu demander » un report du procès, le temps de trouver un procureur qui s’exprime en anglais.
« La Ville de Québec peut parfois donner des mandats à des avocats de l’extérieur pour agir dans différents dossiers. »
Jaggi Singh a été acquitté mercredi des accusations d’entrave à un agent de la paix et de supposition de personne qui pesaient contre lui.
Le juge Pierre Bordeleau a pris cette décision après avoir constaté l’absence de la procureure responsable du dossier, en congé de maternité, et l’incapacité du procureur en chef municipal à plaider en anglais.
Préparation insuffisante
René Verret est d’avis que la Ville de Québec aurait dû être mieux préparée, et ce, même si les procès en anglais se font plus rares à Québec.
« On savait que le procès devait se tenir hier (mercredi). À quel moment on a réalisé qu’on n’avait pas de procureur? On aurait dû le prévoir peut-être un mois ou deux à l’avance (en mandatant) un avocat du privé pour agir. »
Jaggi Singh avait été arrêté à Québec le 20 août 2017 en marge d’une manifestation organisée par le groupe La Meute contre l'« immigration illégale ».
Situation « ridicule »
Le célèbre militant altermondialiste et antifasciste a lui-même qualifié la situation de « ridicule », tout en rejetant les motifs évoqués.
« La vraie raison est qu'ils avaient besoin d'un moyen d'éviter le procès, et ils ont trouvé cette technicalité, de peur de perdre lors d'un procès de grande envergure qui allait finalement se produire », a-t-il réagi dans une missive transmise aux médias jeudi.
« C'est l'équivalent d'un élève qui prétend que son chien a mangé ses devoirs », a dénoncé le militant.
Une situation à laquelle il faut remédier
L’absence de procureur pouvant plaider en anglais à la Ville de Québec est « absolument triste », affirme pour sa part l’avocat Julius Grey.
Joint par Radio-Canada, il se dit étonné de la situation en raison de la situation démographique de la ville de Québec.
« Si effectivement la Ville de Québec n’a pas quelqu’un qui est capable de fonctionner en anglais, elle devrait en faire l’embauche sans délai », a-t-il déclaré.
« Les accusés ont le droit d’avoir un procès en français ou en anglais. »
Selon lui, l’absence d’avocats bilingues est un problème institutionnel qui toucherait bien des grandes villes au pays. « Si on regarde les autres villes comparables (à Québec) au Canada anglais, on trouvera une pénurie (d’avocats francophones). »
Interrogé sur les déclarations de Jaggi Singh, voulant que la Ville de Québec ait voulu saboter son procès, l’avocat Julius Grey n’a pas voulu les commenter précisément.
« J’ai tendance à croire les explications qu’on me donne, dit-il en revanche. Je présume que (les explications de la Ville de Québec) étaient vraies. Si elle ne voulait pas procéder, la Ville (aurait pu) tout simplement (évoquer) le Nolle prosequi, (soit) le refus de continuer. J’imagine donc qu’ils ont dit la vérité. »
La Ville de Québec n'a, pour sa part, pas voulu commenter le dossier.
« La Ville s’en tient aux commentaires faits par le procureur en chef en cour hier (mercredi). Nous ne ferons aucun autre commentaire sur le sujet », a déclaré le porte-parole de la Municipalité, David O’Brien, par courriel.