Les avocats asiatiques entre mythe et réalité

Daphnée Hacker-B.
2013-11-26 15:00:00

Celle qui a fait ses débuts comme avocate à Montréal chez Norton Rose en 2007, pour ensuite rejoindre l’équipe de Bombardier il y a un an, admet que ses pairs doivent être plus proactifs et faire preuve d’entraide, s’ils veulent accéder au titre d’associé ou à des postes hauts placés en entreprise.
Cela fait seulement 10 ans que cette jeune femme a immigré au Canada, où elle a d’abord atterri dans la ville de Québec pour y faire ses études en droit et apprendre du même coup la langue de Molière.
Elle a rapidement découvert que les valeurs « occidentales », portées sur le sens de l’initiative et l’affirmation de soi, détonnaient grandement de celles préconisées dans son pays natal.
« Encore aujourd’hui, je m’adapte continuellement à la culture d’ici. Je prends régulièrement la parole sur la place publique et au travail, j’amorce des conversations lors d’activités de réseautage… autant de choses que je n’aurais jamais faites naturellement. »
Les stéréotypes persistent
Selon Me Lai-King Hum, membre du CA de Federation of asian canadian lawyers (FACL), même si des avocats tels que Me Zhou réussissent à faire leur place dans la profession, les stéréotypes « asiatiques » demeurent un grand défi à surmonter.

Afin de discuter de ces enjeux dans le cadre de la conférence annuelle de la FACL, Me Hum a invité Don Liu, directeur juridique et secrétaire général de la société Xerox, à venir témoigner de son expérience le 10 novembre dernier à Toronto.
L’avocat qui travaille aux États-Unis a dévoilé plusieurs chiffres éloquents sur le peu d'avocats d’origine asiatique occupant un poste de cadre dans le milieu juridique.
Il y a environ 10 ans, celui-ci a constaté que les chances pour un asiatique d’avoir le titre d’associé dans les 200 plus grandes firmes étaient de 1 sur 6 (pour chaque tranche de 6 individus asiatiques, un seul devient associé), alors que les Afro-Américains avaient une chance de 1 sur 5 et les individus d’origine hispanophone 1 sur 3.
Paradoxalement, les chances de gravir les sommets pour les avocats asiatiques ont diminué depuis lors, passant à un taux de 1 sur 8, alors que les autres groupes ont maintenu des chiffres similaires.
Autre constat déplorable, lors de la récession, entre 2008 et 2009, environ 5 800 avocats ont perdu leur emploi, dont 9% étaient asiatiques.
Les Américains asiatiques ont été le groupe culturel le plus touché par les congédiements. Quel est le problème ? Selon Don Liu, trop d’effort est mis sur la performance académique et pas assez sur l’acquisition de qualités sociales nécessaires au succès professionnel.
Renverser la tendance
Même si de telles statistiques ne sont pas disponibles au Canada, le Barreau du Québec a toutefois recensé en 2008 que parmi ses 22 575 membres, on comptait 6% d’origine chinoise, 9% d’Asie du Sud-Est et 9% asiatiques du Sud, Coréens et autres, totalisant 24%.
« La communauté est de plus en plus nombreuse dans toutes les provinces du pays, elle peut développer des outils pour mieux s’intégrer dans les hautes sphères », pour Lai-King Hum.
« Dans plusieurs cas, les avocats asiatiques qui occupent déjà des positions intéressantes, n’ont pas vraiment tendance à aider leur confrère ou consœur à se faire connaître. Cela est regrettable et c’est l’un des mandats de notre fédération de renverser cette tendance », conclut Me Hum.