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Les Mères mohawks déboutées à la Cour suprême

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Radio-Canada Et Cbc

2025-01-20 10:30:51

Kahentinetha, une des mères mohawks, a toujours soutenu qu’elles avaient l’obligation de protéger les enfants des générations passées, présentes et futures. Source : Radio-Canada / Simon Filiatrault
Kahentinetha, une des mères mohawks, a toujours soutenu qu’elles avaient l’obligation de protéger les enfants des générations passées, présentes et futures. Source : Radio-Canada / Simon Filiatrault
Les travaux de McGill iront de l’avant…

Après un long et éprouvant combat judiciaire, la Cour suprême du Canada a finalement décidé qu'elle n'entendrait pas l'appel de six femmes kanien’keha:ka (mohawks) concernant les travaux sur le site de l'ancien hôpital Royal Victoria, à Montréal. Les Mères mohawks maintiennent depuis plusieurs années que de possibles sépultures d’enfants autochtones se trouvent sur le chantier.

Celles qui se nomment « Kanien’keha:ka kahnistensera » en appelaient d’un arrêt de la Cour d’appel du Québec rendu le 16 août dernier. Celui-ci avait pour effet de permettre la poursuite des travaux d'excavation de l’Université McGill et de la Société d’infrastructures du Québec (SQI) sur le site de l'ancien hôpital Royal Victoria et l'institut Allan Memorial, sans supervision externe.

Le nœud du problème réside dans la présence potentielle à cet endroit de sépultures anonymes d’enfants autochtones décédés à la suite d'expériences psychiatriques menées entre 1954 et 1963 dans le cadre du projet MK-Ultra de la CIA. Outre les pratiques négligentes à l’endroit des patients devenus malgré eux cobayes, le programme aurait appliqué diverses techniques de torture, des électrochocs et des lobotomies.

« L'excavation du site, en l'absence d'une recherche adéquate et d'une surveillance autochtone, risque de faire disparaître les injustices du passé et de traumatiser à nouveau les survivants », peut-on lire dans un extrait du site internet des Kanien’keha:ka Kahnistensera.

Si les efforts déployés par les Kanien’keha:ka kahnistensera sont uniques, ils ne sont pas isolés. Depuis la publication du rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation, de nombreuses tombes anonymes d'enfants autochtones ont été découvertes près d'anciens pensionnats, suscitant un vif intérêt d'enquêter sur d'autres institutions, telles que les hôpitaux.

Une longue saga judiciaire qui se termine

Ce combat par la voie judiciaire débute en mars 2022 alors que les Kanien’keha:ka kahnistensera se tournent vers la Cour supérieure pour faire cesser les travaux de réaménagement d’une partie de l'ancien hôpital Royal Victoria en un nouveau complexe sur le campus de l'Université McGill.

En octobre 2022, le tribunal accorde une injonction suspendant les activités jusqu'à ce qu'un plan archéologique soit conclu entre les parties. Il s’agit d’une « victoire historique » : c’est la toute première injonction obtenue par un groupe autochtone non représenté devant un tribunal canadien.

Suite à de nombreuses rencontres et de négociations ardues, une entente de règlement est signée en avril 2023, mettant un terme au litige. Du moins, en théorie.

L'accord prévoyait l’établissement d'un panel de trois archéologues, mandaté de formuler des recommandations sur les techniques appropriées pour détecter des sépultures et de proposer des tierces entreprises pour mettre en œuvre ces procédés.

Le groupe d’experts a suggéré de déployer dans certaines zones des chiens détecteurs et des radars à pénétration de sol, avant de creuser des fosses d'essai en cas de détection d'anomalies. Comme de fait, neuf d’entre elles sont reniflées par l’escouade canine.

Ces dernières sonnent l'alarme : en fait, plus de 200 établissements au Québec seraient susceptibles d’héberger dans leur cour des tombes non marquées d’enfants autochtones, telles que l’ancien hôpital de la Miséricorde et un site d’entrepôts de la SAQ.

Cette découverte donne aussi lieu à une recrudescence des hostilités avec l'Université McGill et la SQI. Selon les femmes kanien’keha:ka, des manquements graves à l’entente de règlement sont commis. Outre l’hostilité manifestée sur le site à l’endroit des militantes, les deux parties mettent unilatéralement fin au mandat du panel, sous prétexte que l’entente est expirée.

C’est ainsi que les six femmes se tournent à nouveau vers la Cour supérieure en septembre 2023 afin de décrocher une ordonnance de sauvegarde d’urgence pour faire cesser les travaux dans certaines zones du site, ce qui leur est refusé.

Néanmoins, deux mois plus tard, celles-ci obtiennent gain de cause : la Cour supérieure réintègre le panel d’experts dans le projet, affirmant que la poursuite des travaux d'excavation cause aux plaignantes un « préjudice irréparable » qui ne peut être compensé et que les coûts associés au retard accumulé, à la hauteur de deux millions de dollars par mois, ne justifient pas le tort engendré.

Or, ce second triomphe judiciaire est de courte durée. Un banc unanime de trois juges de la Cour d’appel du Québec décrète, en août 2024, que ce juge de l’instance inférieure n’était pas habilité à émettre une ordonnance de sauvegarde en les circonstances, rendant caduque celle-ci.

Les Kanien’keha:ka kahnistensera et l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, un organisme qui s’est joint au litige, avaient invoqué l’« honneur de la Couronne », un principe phare inspiré de la Réconciliation. La Cour n’a toutefois pas retenu cet argument.

Peu importe, elles estiment toujours que le groupe des trois archéologues n'a pas été en mesure d'effectuer un travail en profondeur et d’élucider les événements survenus sur les flancs du mont Royal.

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