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Les présumées victimes de Rozon n’ont pas dit leur dernier mot

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Radio-Canada Et Cbc

2024-12-09 14:15:09

Laurent Debrun. Source : Spiegel Sohmer
Laurent Debrun. Source : Spiegel Sohmer
Neuf femmes poursuivent un ancien dirigeant pour des événements remontant à plusieurs décennies.

Sept ans après le mouvement #MoiAussi et les premières allégations d’agression sexuelle faites publiquement contre l’ex-patron de Juste pour rire Gilbert Rozon, neuf présumées victimes amorcent une ultime tentative pour obtenir réparation dans le cadre d’un procès civil commun qui s’ouvre lundi à Montréal.

Après un refus de la Cour d’appel d’autoriser l'action collective intentée contre l'ex-producteur, ces neuf femmes, dont l’ex-belle-sœur du producteur, Martine Roy, ont déposé des poursuites individuelles, lui réclamant 14 millions de dollars.

Au cours des prochaines semaines, Lyne Charlebois, Guylaine Courcelles, Annick Charette, Patricia Tulasne, Danie Frenette, Anne Marie Charette, Mary Sicari, Sophie Moreau et Martine Roy témoigneront tour à tour devant la juge Chantal Tremblay, de la Cour supérieure. Quarante-trois jours d’audiences sont prévus pour ce procès, qui doit se poursuivre jusqu’au 28 mars 2025.

Gilbert Rozon nie toutes les allégations depuis le début. En 2022, en prévision du procès en diffamation qu'il a intenté contre Julie Snyder et Pénélope McQuade, il affirmait être la cible des mensonges de femmes motivées par la vengeance, la rivalité, l'argent et la publicité.

Les avocats de Gilbert Rozon sont Me Mélanie Morin, Me Pascal Pelletier et Me Laurent Debrun du cabinet Spiegel Sohmer.

Les avocats des neuf femmes sont Me Bruce Johnston, Me Anne-Julie Asselin et Me Jessica Lelièvre du cabinet Trudel Johnston & Lespérance.

Fardeau de preuve différent en matière civile

En décembre 2020, Gilbert Rozon avait été acquitté au criminel des accusations de viol et d'attentat à la pudeur portées contre lui par Annick Charette, l’une des demanderesses dans le cadre du procès civil qui s’amorce lundi. La juge de la Cour du Québec Mélanie Hébert avait alors indiqué que le verdict d'acquittement ne signifiait pas pour autant que les incidents reprochés ne s’étaient pas produits. Elle avait toutefois indiqué qu’il subsistait un « doute raisonnable », même si la version de Gilbert Rozon apparaissait « moins plausible » que celle d’Annick Charette.

Gilbert Rozon. Source : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Gilbert Rozon. Source : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Le procès qui s’amorce pourrait être plus corsé pour Gilbert Rozon, puisque le fardeau de la preuve est moindre lors d’une poursuite civile. Le demandeur n’a pas à démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé. C’est plutôt le critère de la prépondérance des probabilités qui prévaut.

Ainsi, la juge Chantal Tremblay devra évaluer attentivement la preuve présentée par les deux parties et trancher en faveur de celle qui lui aura présenté la version des faits qu’elle juge la plus probable, la plus crédible.

Annick Charette est la seule des 13 femmes dont la plainte pour agression sexuelle contre Gilbert Rozon a mené à des accusations criminelles. Six mois après sa défaite en cour, elle a intenté une poursuite civile de 1,3 million de dollars. Elle sera la troisième à témoigner.

Tout en estimant avoir été « salie et dégradée » lors du procès criminel, Annick Charette reproche à Gilbert Rozon d'avoir « inventé une histoire sordide » dans son témoignage à la Cour, au point où elle a eu l'impression de subir « un deuxième viol ». C'est ce qu'on peut lire dans la requête introductive d'instance déposée au palais de justice de Montréal.

Mme Charette affirme avoir été violée par Gilbert Rozon en juin 1980, alors qu’elle était une étudiante de 20 ans. Après une soirée dans une discothèque, il l’aurait entraînée dans une résidence de Saint-Sauveur, où il se serait jeté sur elle en mettant sa main dans son décolleté et en tentant de lui enlever sa culotte. La jeune femme se serait débattue et il aurait arrêté.

Par la suite, il aurait refusé de la reconduire chez elle et lui aurait suggéré de rester dormir dans la maison, dans une autre chambre que la sienne. Quelques heures plus tard, elle se serait réveillée alors que Gilbert Rozon, sur elle, tentait d’avoir une relation sexuelle. La femme se serait sentie contrainte, dominée et oppressée, et ne l'aurait pas repoussé. Elle dit avoir pensé qu'il s'agissait de la façon la plus rapide que cela se termine.

Qui sont les autres victimes présumées?

Lyne Charlebois sera la première des neuf femmes à être appelée à la barre, lundi. La réalisatrice demande 1,7 million de dollars en dommage à Gilbert Rozon, qu’elle accuse d’agression sexuelle au printemps 1982. Après un souper à trois avec son conjoint, la femme, alors âgée de 24 ans, serait sortie prendre un verre avec Gilbert Rozon pour parler d’un potentiel contrat de photographie. Il l'aurait alors attirée chez lui en prétextant vouloir changer de chemise et l’aurait agressée sexuellement.

La réalisatrice aurait hésité à porter plainte, car elle se blâmait pour son insouciance, écrivent ses avocats dans la poursuite. Elle a tenté de porter plainte une première fois en 1998, mais les policiers lui auraient fait comprendre que son cas remontait à trop longtemps.

C’est Guylaine Courcelle qui témoignera en deuxième. Elle est l’une des trois présumées victimes qui se sont ajoutées au premier groupe de plaignantes en 2022. Elle allègue que l’ex-producteur l’a agressée sexuellement dans sa résidence en 1987, alors qu’elle avait 22 ans. Elle lui réclame 1,9 million de dollars en dommages-intérêts.

Le témoignage d’Annick Charette, la troisième plaignante à la barre, sera suivi de celui de Patricia Tulasne. Cette dernière est la première femme à avoir intenté une poursuite civile contre Gilbert Rozon. Elle réclame 1,6 million de dollars et allègue avoir été brutalement violée par M. Rozon en 1994.

Bruce Johnston. Source : Trudel Johnston & Lespérance
Bruce Johnston. Source : Trudel Johnston & Lespérance

L'actrice affirme qu'elle avait 35 ans et qu'elle jouait dans une pièce de théâtre présentée au festival Juste pour rire lorsque Gilbert Rozon, après un souper de groupe, l'aurait reconduite chez elle, l'aurait suivie contre son gré dans son appartement et l’aurait violée.

On entendra aussi le témoignage de Danie Frenette, qui demande 2,2 millions de dollars en dommages pour des gestes qui remontent à 1988. C'est lors d'une fête organisée chez lui pour célébrer la fin du festival Juste pour rire que Gilbert Rozon aurait entraîné la jeune femme vers des buissons, loin des autres convives, pour l’agresser sexuellement, peut-on lire dans la demande introductive d'instance. À la suite de cette agression, Gilbert Rozon l'aurait harcelée pendant des mois, puis à nouveau violée, après s'être présenté chez elle sans avertissement, en pleine nuit.

La sixième plaignante à prendre la parole sera Anne-Marie Charette. Elle réclame 1,29 million de dollars pour avoir été séquestrée et agressée sexuellement en 1987, à l’âge de 25 ans. Elle aurait été attirée dans une chambre d’hôtel par Gilbert Rozon sous un prétexte lié au travail. Une fois sur place, il aurait verrouillé la porte et se serait jeté sur elle malgré ses protestations, selon les documents déposés à la Cour.

Mary Sicari affirme quant à elle avoir été agressée et harcelée sexuellement à d’innombrables reprises entre 1988 et 2004, alors qu’elle travaillait pour Les Films Rozon et Les Productions Rozon. Elle demande 1,25 million de dollars.

Sophie Moreau, la fille du défunt humoriste Jean-Guy Moreau, est la seule présumée victime qui était mineure au moment des agressions alléguées en 1988 et 1989. Alors dans la trentaine, Gilbert Rozon lui aurait fait subir des attouchements à plusieurs reprises. Elle était réceptionniste pour Juste pour rire et avait 15 ans à l’époque. Elle poursuit le fondateur de Juste pour rire pour 1,25 million de dollars.

Martine Roy, l’ex-belle-sœur du fondateur de Juste pour rire, témoignera en dernier. À l’époque des agressions, Gilbert Rozon était en couple avec Danielle Roy, la sœur de la présumée victime. Martine Roy accuse Gilbert Rozon d’avoir tenté de l’embrasser de force en 1993, puis de l’avoir brutalement violée en 1995. Elle le poursuit pour 1,35 million de dollars.

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