L'ex-grand patron des procureurs québécois se lance en politique avec le PLQ
Radio -Canada
2022-05-16 10:49:00
« Je regarde ce qui se passe actuellement au Québec dans le domaine de la justice et ça m'inquiète. J'ai des craintes. Je pense que le système ne fonctionne pas comme il le devrait. J'ai le goût de passer à l'avant-scène pour réformer les choses qui ne tournent pas rond. »
Me André Albert Morin veut non seulement qu'un plus grand nombre de citoyens ait accès au système juridique, mais aussi redonner à ce dernier l'indépendance nécessaire.
« Je pense que M. Jolin-Barrette a de la difficulté à comprendre ce que doit être le rôle d'un procureur général. Ce que je vois jusqu'à maintenant, c'est beaucoup d'affrontements et ça vient me chercher. [...] Toute la tension, par exemple, qu'il a créée avec la juge en chef de la Cour du Québec. Pour moi, ce n'est pas acceptable! L'indépendance des tribunaux est un élément fondamental de notre société et de notre droit. De vouloir toujours s'immiscer et empiéter sur cette indépendance-là, ce n'est pas sain pour notre démocratie ni pour le Québec », dit-il en entrevue avec notre bureau parlementaire.
Me Morin fait référence aux nombreux désaccords publics entre la juge Lucie Rondeau et le ministre Simon Jolin-Barrette. D'abord, ils ont croisé le fer lors de la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et conjugale, qui menace l'impartialité de la cour, selon la juge Rondeau.
Mme Rondeau a aussi décrété que les juges de la Chambre criminelle ne siégeront qu'une journée sur deux (plutôt que deux jours sur trois) à compter de septembre, afin de leur donner plus de temps pour rendre des décisions complexes par écrit. Inquiet des délais potentiels, le ministre lui a demandé de revoir sa décision.
Le bilinguisme des juges
Le torchon brûle également entre les deux au sujet du bilinguisme des juges. Estimant que les avocats devraient tous avoir des chances égales d'accéder à la magistrature, le ministre a tenté de modifier le processus de sélection des juges pour éviter que la maîtrise de l'anglais soit exigée. La Cour supérieure avait jugé son intervention illégale.
Me André Albert Morin se défend de manquer lui-même d'indépendance en semblant se ranger du côté de la juge Rondeau. Le processus de sélection au Québec fonctionne depuis des années. Ce n'est pas nouveau et ça fonctionne très bien! Cette attitude du ministre est difficile à comprendre et elle est même choquante! Je ne dis pas à Mme Rondeau ce qu'elle doit faire, bien au contraire! Il faut laisser la magistrature faire son travail.
Me Morin se décrit lui aussi comme un ardent défenseur de la langue française, notamment par son engagement à l'occasion des journées de la francophonie.
Une plus grande justice pour tous
Impliqué auprès de l'accueil Bonneau et récipiendaire d'un prix accordé par ses pairs pour son engagement humanitaire auprès des pauvres et des malades, Me Morin veut augmenter les seuils de l'aide juridique et permettre aux citoyens d'accéder à davantage d'information, en toute transparence.
« Il y a un autre aspect qui vient me chercher, c'est toute la question de la justice dans le Grand Nord du Québec [...] On doit interagir avec des communautés autochtones et des Inuit. Je pense qu'il y a moyen de repenser la justice pour écouter ces gens-là, les intégrer et tenir compte de leurs préoccupations. Il faut être capable de donner une justice à l'ensemble de la population du Québec. Je ne vois rien du côté du gouvernement qui s'en va dans ce sens-là! », ajoute-t-il.
Me Morin est également préoccupé par la pénurie de main-d'oeuvre dans les palais de justice.
« Il y a non seulement des délais, mais aussi un manque de procureurs. Ils sont épuisés! Il faut aussi des avocats de la défense et des avocats de l'aide juridique. Il faut s'assurer d'être capable de rendre une justice de proximité. »
Il tentera de succéder à l'ancienne ministre libérale Christine St-Pierre, qui a annoncé dernièrement qu'elle ne sollicitera pas de nouveau mandat.