L’heure de la retraite a sonné !
Camille Dufétel
2023-07-07 15:00:00
Droit-Inc s’est entretenu à ce sujet avec Mes Claude Marchand, Barreau 1979, et René Roy, Barreau 1977, qui prennent leur retraite de Norton Rose Fulbright à Québec. Me Marchand y était associé. Me Roy l’a aussi été, mais est devenu avocat-conseil ces deux dernières années.
Votre retraite est actée depuis le 1er juillet, c’est ça ?
Claude Marchand (C.M.) : Moi j’ai une entente particulière avec le bureau pour régler mes affaires personnelles et faire le pont entre les clients et les avocats qui vont continuer, parce qu’en matière de litige, il y a des dossiers qui ont existé qui rebondissent à un moment donné pour toutes sortes de raisons. Jusqu’au 31 décembre, je vais être disponible, mais théoriquement, je ne rends plus de services juridiques.
René Roy (R.R.) : J’arrête complètement même si je peux avoir à intervenir si besoin est, avec une entente. Mais étant donné ma pratique, j’étais un peu comme un service à l’intérieur de la boîte, j’avais moins de clientèle directe que Claude.
Pouvez-vous revenir sur votre carrière ? Quand avez-vous rejoint NRF ?
C.M. : Je suis rentré chez Olgilvy Renault en 2006 après avoir passé 27 ans dans un bureau de pratique privée où j’ai débuté comme stagiaire, avant d’y être avocat et associé. C’est un cabinet qui n’existe plus, qui a fusionné avec Joli-Cœur Lacasse qui est devenu Therrien Couture Joli-Cœur.
Après ces 27 ans, j’ai eu une offre de la part d’Ogilvy Renault, donc je suis allé chez eux. C’est devenu Norton Rose quelques années plus tard, et Norton Rose Fulbright quelques années ensuite.
J’ai pratiqué principalement dans le domaine bancaire, dans la réalisation des sûretés et tous les volets qui touchent à la faillite, l’insolvabilité, les restructurations d’entreprises… Je travaillais autant pour les syndics que pour les banquiers, tout dépendant des mandats.
Mes mandats les plus importants ont été dans l’affaire de Québec Central, une compagnie de chemins de fer qu’on a restructurée. Par la suite, j’ai eu à travailler dans la restructuration de Réal Grondin inc. J’ai travaillé également dans la liquidation de tous les actifs de Carrières Bob-Son, où je représentais la compagnie de caution Intact. Toujours pour Intact, j’ai travaillé dans plusieurs mandats d’importance (...).
Ma spécialisation remonte au début de ma pratique, dans mon stage. Un avocat qui faisait de la perception de comptes d’honoraires a quitté le bureau. Il avait un gros volume et j’ai hérité de ce volet-là, ce qui m’a amené à rencontrer des syndics, à connaître des banquiers, à développer une expertise en faillite, et c’est un domaine que j’ai toujours aimé. Ce sont des dossiers importants qui normalement s’ouvrent et se ferment dans un délai entre huit et douze mois, en dehors de certaines exceptions.
R.R. : Je suis arrivé en 2015. Avant, j’étais chez Fasken Martineau, après la liquidation de mon premier bureau qui était Flynn, Rivard.
Quand j’ai fait mes cours de droit, j’aimais les chiffres, ce qui n’est pas le cas de beaucoup d’avocats. J’ai fait un cours en administration pour être CA après le droit et j’ai pratiqué dans une firme comptable d’envergure nationale pendant cinq ans. C’est là que j’ai pris mon expérience en fiscalité. J’ai aussi été enseignant en partie. Finalement, j’ai commencé à travailler comme avocat spécialisé en droit corporatif et en droit fiscal chez Flynn, Rivard, et j’ai continué comme ça.
À mon arrivée chez Fasken à Québec, il n’y avait pas de fiscaliste comme tel, mais il y en avait à Montréal. J’ai fait 10 ans puis j’ai reçu une offre de rejoindre Norton Rose Fulbright dans le même domaine, plus particulièrement pour être en soutien aux jeunes avocats, car le responsable du secteur était très occupé avec ses dossiers. Je suis arrivé vers 60 ans, je leur avais donné une garantie pour quatre ou cinq ans, mais j’en ai fait neuf !
Mes mandats, c’était beaucoup lorsqu’on avait de grosses réorganisations fiscales, de faire le lien, de réaliser les planifications fiscales que souvent des clients avaient à préparer avant, par exemple, de faire l’acquisition d’actions de compagnies, ces choses-là. C’était beaucoup de droit corporatif, notamment (...).
Qu’est-ce qui vous a plu dans le fait de travailler chez NRF ?
C.M. : Je suis parti d’un bureau où on était à l’époque 23 ou 24 avocats, avec une façon de travailler complètement différente des grosses organisations. C’est la plus belle décision que j’ai prise dans ma carrière, lorsque j’ai dit oui à Ogilvy Renault. Je ne regrette pas mes 27 premières années, mais les 17 dernières ont été fantastiques pour moi.
J’ai eu accès à des dossiers que je n’aurais pas eus dans mon ancien bureau. J’ai appris à travailler avec les jeunes avocats, il y avait une synergie, je travaillais beaucoup avec des avocats de Montréal, j’ai eu pendant six ou sept ans plusieurs gros dossiers à Montréal.
Ç'a été une adaptation facile pour moi, il y a des ressources, dans un bureau comme Norton Rose Fulbright, qu’on ne peut même pas s’imaginer. On a une crédibilité vis-à-vis de la Cour, du Tribunal, des banquiers, même si je ne dis pas que d’autres avocats ne l’ont pas. La crédibilité est une question qui ne se pose jamais avec ce cabinet.
C’est une organisation qui donne tous les moyens dont on a besoin pour arriver à de bons résultats.
R.R. : On m’avait promis une atmosphère d’équipe chez les associés, que j’ai retrouvée. J’ai apprécié le support et le dévouement des associés avec qui j’ai travaillé. J’ai aussi vraiment apprécié le personnel de soutien qu’on avait.
Comment s’est passée la décision de partir à la retraite ? Comment voyez-vous la suite ?
C.M. : Je me suis assis dès mes 66 ans avec Me Olga Farman et on a discuté de la façon dont on voulait terminer ça. J’ai donné 44 ans de ma vie à cette profession que j’adore, mais le temps fait son œuvre.
J’ai un chalet dans les Cantons-de-l’Est, deux petits-enfants que j’adore et qui demeurent à Montréal donc on va essayer de s’organiser une vie pour faciliter les choses. Maintenant, si vous me demandez si je risque de m’ennuyer, la réponse est oui !
Mais je vais trouver des activités, j’ai été anciennement un joueur de golf, j’ai commencé à regarder mes bâtons de golf… Je suis un amateur de chasse, de plein-air, j’ai fait beaucoup de ski. Évidemment, vous allez me dire qu’une fois ces activités passées, je vais devoir m’occuper !
Oui, je vais m’occuper, mais je ne veux plus rendre de services professionnels. C’est un métier qui est exigeant et lorsqu’on a un pied en dehors de l’organisation, les lois changent tellement… Je ne veux pas prendre de risque. J’ai réussi à faire une carrière sans avoir de problème déontologique, avec des clients très satisfaits, donc je veux finir sur cette note.
Il y a aussi ma femme, avec qui je suis depuis 38 ans et qui ne m’a pas vu tellement souvent, donc on va avoir l’occasion de se redécouvrir. On va prendre ça au fur et à mesure et, en espérant que la santé va vouloir suivre, on devrait être capable d’arriver à quelque chose d’aussi beau de ce que j’ai connu pendant mes 44 années comme avocat.
R.R. : Je ne suis pas sûr de m’ennuyer. Ça va me donner du temps pour faire encore plus de sport. J’espère demeurer en santé, c’est un élément important. Je suis aussi grand-père, je vais avoir plus de temps aussi pour ce rôle, et je voudrais faire plus de voyages. Si la santé est là, je pense que je vais apprécier cette période. J’ai le goût de me reposer. Les délais, je ne m’en ennuierai plus !
J’ai joué jeune au golf, j’ai fait du tennis, du ski alpin, du ski de fond… Je veux peut-être me remettre au golf !
Que conseillez-vous aux jeunes avocats qui débutent ?
R.R. : De garder un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ce qui n’est pas toujours facile dans de gros cabinets car on travaille fort. Il faut savoir garder cet équilibre pour apprécier le travail sur la durée.
C.M. : Je dirais comme René pour l’équilibre.
C’est une profession dure. Je vais parler pour les avocats de litige, on a des clients et des juges à satisfaire, des avocats avec qui on est en conflit, même si c’est un grand mot. Mais le temps que le dossier dure, parfois ça brasse un peu. Donc je leur dirai de ne pas se décourager et de s’assurer d’être capables d’avoir une communication facile avec les avocats plus vieux.