Pantalons de camouflage au palais: des juges refusent de siéger

Agence Qmi
2015-06-12 09:11:00

« On ne s’y attendait pas », a lancé un avocat qui s'est frappé aux portes closes ce jeudi.
Les juges ont en effet vu d’un très mauvais œil les moyens de pression des forces de l’ordre du palais, qui réclament une bonification salariale afin de se rapprocher des salaires des agents des services correctionnels.
« Ce qu’on demande équivaut à une hausse salariale de 5000 dollars par année, a expliqué le constable Jacques Daoust, délégué syndical des constables spéciaux du palais de justice de Montréal. Et même si on nous accorde cette hausse, on restera le corps d’agents de la paix le moins payé. Les agents de la faune et les contrôleurs routiers ont de meilleurs salaires ».
À l’heure actuelle, un constable spécial à temps plein gagne environ 50 000 dollars par année, a précisé le constable Daoust.
Pressions
Depuis quelques jours, les constables spéciaux ont entamé des pressions dans le cadre du renouvellement de leur convention collective, échue depuis le 31 mars dernier.
La semaine dernière, une voiture aux couleurs des constables spéciaux était garée devant le palais de justice, tandis que les agents arboraient sur leurs gilets pare-balles un autocollant avec le slogan « menotté par l’austérité ».
Depuis mercredi, ils portent également un brassard où ils appellent le gouvernement à la négociation.
C’est d’ailleurs ce moyen de visibilité qui a causé l’ire de certains juges, notamment à Gatineau et en Montérégie, et dans des palais de justice en région. Le litige vient du fait que ces brassards véhiculent un message, si bien que les constables ont décidé de porter des pantalons non réglementaires, mais où rien n’est inscrit.
Rhabillés
Le syndicat, qui compte environ 350 membres dans les palais de justice du Québec, ainsi qu’à l’Assemblée nationale et certains édifices gouvernementaux, a prévenu ses membres d’éviter les pantalons de camouflage dans les salles d’audience, et d’opter plutôt pour des jeans ou des pantalons propres.
Malgré tout, ce n’est pas assez pour certains juges, qui ont tout simplement décidé de fermer leur salle. Les constables spéciaux dans ces salles n’ont pas eu d’autres choix que d’aller revêtir leurs pantalons réglementaires.
« On est pris là-dedans, parce qu’on n’a pas le droit de faire des moyens de pression, juste de visibilité », a indiqué le constable Daoust.
Réaction
Le chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau a réagi face aux moyens de pression des constables spéciaux, qui sont aussi présents à l’Assemblée nationale.
« Ce sont des moyens de pression (...) chose certaine, je pense que tout le monde a droit de faire valoir son point de vue, a-t-il dit. Nous sommes dans une situation de négociation, on sait que le gouvernement n’est particulièrement pas généreux.»
« Que ce soit des moyens de pression dans le cadre du processus de négociation, ça m’apparaît tout à fait approprié », a ajouté le leader de l’opposition officielle.
Le juge en chef associé de la Cour du Québec a pour sa part rappelé que les magistrats étaient maîtres dans leur salle d’audience, sur tout ce qui touche le décorum.
« En règle générale, la philosophie est de dire non (aux moyens de visibilité qui affectent le décorum), a expliqué le juge Mario Tremblay. Mais un juge peut quand même décider de siéger pour faire avancer un dossier. Les juges ne prennent pas position, c’est géré individuellement, selon le contexte.»
Image
Rappelons que la police de Montréal avait causé un tollé mardi, alors que les agents ont gardé leurs pantalons de camouflage lors des funérailles de l’ex-premier ministre Jacques Parizeau.
Il n’y aurait toutefois pas de liens avec les uniformes des forces de l’ordre du palais de justice ce jeudi. Et le syndicat des constables ne pense pas que les événements de mardi nuiront à l’image des constables spéciaux.
« Tout ce qu’on a, ce sont des moyens de visibili té pour faire valoir nos droits, a expliqué le constable Daoust. Même au niveau des juges, on sent qu’on est soutenu. Ils ne sont pas contre nos moyens, mais certains demandent à ce que l’on porte l’uniforme réglementaire dans leurs salles.»