Procès Rozon : Pénélope McQuade dit témoigner « pour celles qui n’ont pas de voix »

Une des victimes présumées de l’animateur a témoigné au palais de justice de Montréal…

C’est accompagné de son avocat que Pénélope McQuade s’est présentée au palais de justice de Montréal pour témoigner au procès civil contre Gilbert Rozon. Ce témoignage était particulièrement risqué pour l’animatrice, déjà visée, tout comme Julie Snyder, par une poursuite en diffamation de 450 000 $ de l’ex-magnat de l’humour.

Questionnée par les journalistes sur sa motivation à témoigner dans un procès dans lequel elle n’a rien à gagner, l’animatrice a répondu : « Parce qu’il faut le faire pour celles qui n’ont pas de voix et pour donner la voix à d’autres ».

Mme McQuade est la cinquième femme appelée à la barre dans le cadre d’une preuve de faits similaires. Les témoignages de huit femmes s’ajoutent à ceux des neuf demanderesses pour tenter de démontrer un comportement de prédation et un modus operandi de la part de Gilbert Rozon. Les neuf demanderesses réclament près de 14 millions de dollars en dommages pour des attouchements ou des agressions sexuelles qu’elles auraient subis entre 1982 et 2004.

Pénélope McQuade allègue avoir été agressée par Gilbert Rozon en juillet 1997, au moment où elle était une jeune chroniqueuse culturelle à l’émission Salut, bonjour de TVA.

« Je me souviens d’avoir été adossée au mur, d’avoir été surprise et d’avoir paniqué », a-t-elle raconté lundi, lors de son court témoignage.

Elle couvrait alors le festival Juste pour rire et se rendait ensuite à une fête qui avait lieu au musée du même nom, avant de se diriger vers son lieu de travail, très tôt le matin, a-t-elle expliqué. Il était environ 3 h lorsqu’elle est entrée dans une salle de bain individuelle. Selon son récit, elle s’est brièvement regardée dans le miroir, puis Gilbert Rozon a surgi dans la pièce, a fermé et verrouillé la porte.

« La lumière s’est éteinte, il m’a prise, enlacée, de façon assez contraignante », a raconté l’animatrice qui se souvient avoir dit à plusieurs reprises : « Gilbert, non, Gilbert, non ».

Mais celui-ci n’aurait pas desserré son étreinte. Mme McQuade affirme s’être glissée sous ses bras pour se défaire de son emprise et quitter la salle de bain. Elle a raconté avoir rapidement rejoint son copain qui l’accompagnait et lui avoir demandé de partir avec elle.

« Je veux juste partir, j’ai honte, je ne veux pas que personne le sache », signale avoir dit Pénélope McQuade, affirmant qu’elle se sentait alors « particulièrement vulnérable ». Elle a porté plainte à la police en 2017, mais sa plainte n’a pas été retenue.

« J’avais l’impression d’avoir affaire à une espèce de mille-pattes »

Chloée Giroux Lachance, aujourd'hui vice-présidente de la section caméra de l'AQTIS, syndicat du milieu du cinéma, a aussi témoigné jeudi. Tout comme ceux de Pénélope McQuade et de Julie Snyder, son témoignage faisait partie de la preuve de faits similaires.

Elle avait 18 ans lorsqu’elle aurait été agressée sexuellement par Gilbert Rozon dans une chambre d’hôtel de Perpignan, en France. Mme Giroux Lachance a raconté qu'elle prenait part à un voyage à l’occasion de l’exposition universelle de Séville, en 1992, avec le conjoint de sa mère, Luc Laporte, qui était l’architecte des musées Juste pour rire.

Il avait été invité par Gilbert Rozon et sa femme Danielle Roy, mais sa conjointe ne pouvait pas être présente. Chloé Giroux avait convaincu sa mère de la laisser les accompagner pour son premier voyage en Europe.

L'agression serait survenue vers la fin d’un séjour marqué par plusieurs comportements déplacés de la part de Rozon. Gilbert Rozon aurait fait irruption dans sa chambre, tôt un matin, alors qu’elle était vêtue seulement d’une jaquette. J’avais l’impression d’avoir affaire à une espèce de mille-pattes, a décrit avec assurance la femme qui dit avoir tenté en vain de se dégager des mains de Gilbert Rozon.

Malgré ses protestations, l’ex-patron de Juste pour rire se serait précipité sur elle pour se frotter et toucher son corps, dont ses seins, avant de la projeter sur le lit. « J’ai vu qu’il allait me pénétrer, ce qu’il avait déjà fait évidemment avec ses doigts. Il râlait, avait le visage tendu », a confié Chloé Giroux Lachance avec dégoût. Après avoir tenté de le raisonner, la jeune femme aurait lancé un cri, ce qui aurait mis fin à l'agression.

Gilbert Rozon se serait ensuite relevé et, pendant qu’il se rhabillait, il lui aurait lancé : « De toute façon, j’étais trop excité, ça n'aurait pas duré assez longtemps ». Lorsqu’il a ouvert la porte, sa femme Danielle Roy était dans le corridor de l’hôtel. S’en serait suivie une scène de cris et de larmes, selon le récit livré devant le tribunal. Chloé Giroux Lachance et son beau-père auraient pris la décision de devancer leur retour à Montréal après cet incident.

La femme, qui a aujourd'hui 51 ans, n’avait encore jamais témoigné publiquement de cette présumée agression. Elle avait contacté les policiers à la suite de l’arrestation de Gilbert Rozon pour l’agression d’une croupière au Manoir Rouville Campbell. Elle devait témoigner au procès, qui n’a finalement pas eu lieu, Gilbert Rozon ayant plaidé coupable juste avant l’ouverture des procédures et obtenu une absolution inconditionnelle. Les témoignages de la partie demanderesse devraient se terminer cette semaine pour ensuite laisser place à la défense.