Quoi de neuf sur le plan de l’écoblanchiment?
Camille Dufétel
2024-01-09 14:15:28
Certaines entreprises doivent être vigilantes pour éviter l’écoblanchiment et donc demander conseil à des avocats… Droit-inc en parle avec une directrice, avocate.
Pour éviter l’écoblanchiment, en anglais « greenwashing », certaines entreprises qui ont recours à un marketing « vert » pour attirer les acheteurs doivent faire preuve de vigilance concernant ce qu’elles communiquent.
Me Andrée-Anne Perras-Fortin, directrice, avocate chez Robic à Québec et dont la pratique est axée sur le droit des contrats liés à la propriété intellectuelle, le droit d’auteur et le droit des marques de commerce, a récemment livré une opinion à ce sujet.
Droit-inc a souhaité en savoir plus sur ce qu’elle constate dans son quotidien d’avocate à ce niveau.
Qu’est-ce qui peut mener une entreprise à être accusée d’écoblanchiment?
En fait, il faut parler de l’affaire Keurig. Une entente de consentement a été conclue dans cette affaire au début de l’année 2022. Ça a fait l’objet d’une attention médiatique importante. C’était un dossier qui portait sur les capsules de café à usage unique. L’entreprise Keurig Canada inc. représentait ses capsules (K-Cup) de café à usage unique comme étant recyclables.
Cependant, il y a eu une demande d’enquête au niveau du Bureau de la concurrence. Ce qui en est ressorti, c’est que les indications concernant le caractère recyclable des capsules étaient fausses ou trompeuses dans certains cas. Donc à la base, les déclarations n’étaient pas complètement fausses parce que c’est vrai qu’on pouvait recycler les capsules.
Mais il s’avérait qu’en dehors des provinces du Québec et de la Colombie-Britannique, elles n’étaient pas largement acceptées par les programmes de recyclage municipaux. Donc au niveau de la faisabilité de la recyclabilité, c’était trompeur.
Les indications de Keurig donnaient l’impression générale au consommateur qu’il suffisait de retirer la pellicule sur le dessus de la capsule et de vider le contenu pour recycler le tout. Mais il y avait des étapes supplémentaires (dans certaines municipalités) pour que les capsules soient recyclées.
Les représentations fausses ou trompeuses, ça tombe sous le contrôle du Bureau de la concurrence, au fédéral. Ce dernier a mis à jour de façon concomittante des lignes directrices qui avaient déjà été publiées auparavant.
De façon très large, ce qu’on a dit, c’est qu’il fallait s’assurer que les représentations environnementales étaient véridiques, non-trompeuses, spécifiques et précises, fondées et vérifiables, qu’elles puissent être testées, que les épreuves soient suffisantes et appropriées, etc. Tout le détail est sur le site du Bureau de la concurrence.
Ce qu’on voit dans nos dossiers, c’est que les clients sont un peu plus frileux à faire des représentations environnementales parce qu’on n’a pas de ligne directrice claire sur ce qui constitue une déclaration fausse ou trompeuse.
Des entreprises hésitent donc à communiquer sur le plan environnemental?
Oui, c’est un phénomène, elles ont peur de faire de l’écoblanchiment. On appelle ça l’éco-silence ou le « greenhushing » en anglais. C’est un phénomène en croissance.
Le Bureau de la concurrence dit que l’écoblanchiment est le fait pour une entreprise de présenter ses produits ou ses services comme ayant plus d’avantages environnementaux qu’elle n’en a réellement. C’est assez large comme définition.
Des clients viennent ainsi vous voir pour vous demander des conseils sur les mentions qu’elles peuvent faire ou non?
Oui, ils veulent avoir des guides sur comment faire les mentions, comment les énoncer. Je fais de l’accompagnement de la conformité.
Les entreprises veulent connaître leur marge de manœuvre à la lumière des développements récents.
Ce qui est intéressant au niveau des développements récents, c’est qu’un projet de loi a été publié en novembre au fédéral. Il s’agit du projet de loi C-59 qui vient apporter certaines modifications à la Loi sur la concurrence (note: partie 5, section 6, par. 236(1)).
Parmi les modifications, on a fait un ajout qui vise les déclarations environnementales. On ne sait pas encore si ça va devenir force de loi, mais cet ajout figure au niveau des pratiques commerciales trompeuses.
Donc tout cela risque de se dessiner de plus en plus précisément?
Potentiellement, oui. Ce n’est pas fait encore, c’est un projet de loi.
Au niveau des conseils à donner aux entreprises concernant leurs déclarations environnementales, vous devez ainsi miser sur la prudence?
On a rehaussé notre degré de prudence. On surveille cela attentivement parce qu’on a ce projet de loi qui vient aborder la notion de déclarations environnementales. (...) On voit émerger certaines préoccupations qui vont se traduire éventuellement dans les lois.
Une autre chose qui fait en sorte qu’on est peut-être un peu plus appelé à conseiller les entreprises, ce sont les fameux facteurs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), qui préoccupent davantage les entreprises au niveau du financement, des investisseurs par exemple…
On demande certaines informations aux entreprises par rapport à ces facteurs donc elles veulent montrer patte blanche, ou patte verte, si on veut! Elles veulent se montrer le plus transparentes possible, avoir une image de bons citoyens corporatifs à l’aide de ces facteurs.
Ça fait aussi partie des préoccupations un peu plus importantes depuis quelques années.