Un nouveau régime d’union parentale
Radio-canada Et Cbc
2024-03-28 12:00:44
Le Code civil du Québec sera modifié pour encadrer les droits et les obligations des conjoints de fait avec enfants, notamment en cas de séparation...
Le Code civil du Québec sera modifié pour encadrer les droits et les obligations des conjoints de fait avec enfants, notamment en cas de séparation – un changement attendu depuis plusieurs années dans la province, où plus de 40 % des couples vivent en union libre.
Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a déposé mercredi matin à l'Assemblée nationale le projet de loi 56 destiné à instituer un nouveau régime d’« union parentale » pour ces ménages dont le statut juridique méritait, selon le gouvernement Legault, d'être modernisé.
Pour ce faire, Québec modifiera le Code civil en s'inspirant du débat juridique entourant l'affaire Éric contre Lola, qui avait fait les manchettes dans les années 2010.
L'affaire s'était rendue jusque devant la Cour suprême du Canada, la plaignante – désignée par un nom d'emprunt pour protéger l'anonymat des enfants impliqués – réclamant une compensation financière pour avoir mis sa carrière de côté pendant que le père, lui, s'était enrichi en travaillant.
La cause avait fait sensation, car le couple n'était pas marié, donc théoriquement non assujetti aux droits et obligations découlant d'une union officielle.
Un régime flexible
Plus d'une décennie plus tard, le projet de loi 56 viendra modifier le Code civil, notamment afin de préciser que la formation d'une union parentale « emporte la constitution d’un patrimoine » formé de certains biens des conjoints (résidence familiale, meubles, véhicules automobiles).
La pièce législative prévoit néanmoins que les conjoints pourront, d’un commun accord, « modifier la composition » de ce patrimoine ou « se soustraire complètement de son application » en planifiant un partage différent de leurs actifs en fonction d’une entente commune.
Son entrée en vigueur ne sera pas rétroactive. Seuls les conjoints de fait qui sont les parents d’un même enfant né ou adopté après le 30 juin 2025 seront soumis à celle-ci.
Les ménages non mariés ayant eu un ou des enfants avant cette date pourront toutefois se placer sous la protection du régime s'ils le veulent en allant voir un notaire.
« On ne voulait pas marier les Québécois de force », a résumé Simon Jolin-Barrette en conférence de presse, mercredi.
Donner le choix aux couples
Le projet de loi 56 propose diverses protections en cas de séparation des couples en union parentale. Il vient notamment « faciliter » la demande de prestation compensatoire au tribunal pour les parents qui estimeraient s'être appauvris après avoir contribué à l'enrichissement du patrimoine de l'autre conjoint, a expliqué le ministre.
Comme dans le cas des mariages, les biens acquis avant l'union seront exclus du calcul. Une maison entièrement payée, par exemple, ne sera pas partageable, a illustré M. Jolin-Barrette.
Contrairement au mariage, toutefois, la contribution d'un parent à un REER ou à un fonds de pension ne sera pas considérée dans l'appréciation du patrimoine établi dans le cadre d'une union parentale, le ministre ayant voulu garder deux régimes distincts afin de « donner le choix » aux couples d'opter pour celui qui leur convient le mieux.
Le projet de loi propose aussi d'instaurer une mesure de protection sur la résidence familiale, pour éviter qu'un enfant soit forcé de quitter son nid familial à très brève échéance. Ainsi, en cas de séparation, le tribunal pourra attribuer un droit d'usage temporaire du domicile au conjoint qui obtient la garde des enfants.
« L'objectif est de limiter autant que possible les contrecoups de la séparation pour l'enfant », a expliqué le ministre Jolin-Barrette, mercredi.
« Partant du principe qu'un enfant qui se retrouve au milieu d'une rupture sera certainement affecté et déboussolé affectivement, nous voulons éviter qu'il soit en plus déraciné de son milieu et qu'il perde ainsi ses repères », a-t-il poursuivi.
La pièce législative présentée mercredi propose par ailleurs de permettre au conjoint en union parentale d'hériter de son conjoint décédé s'ils faisaient vie commune depuis plus d'un an.
Les familles recomposées ne seront pas protégées de facto par le nouveau régime, dans la mesure où celui-ci ne pourra être évoqué qu'après la naissance d'un enfant en commun.
Le Code civil amendé ne permettra pas non plus aux conjoints de fait de réclamer une pension alimentaire pour eux-mêmes en cas de séparation. Tout au plus le gouvernement leur offrira un « service de calcul » pour les aider à fixer, sans l'intervention du tribunal, le montant d'une pension alimentaire pour enfants.
Le troisième volet d'une vaste réforme
Le projet de loi 56 donne suite aux travaux d'un comité consultatif mis sur pied par le gouvernement péquiste de Pauline Marois, au pouvoir à l'époque de la saga Éric contre Lola, et à un rapport produit par ledit comité, en 2015.
Les libéraux de Philippe Couillard, au pouvoir de 2014 à 2018, avaient choisi de ne pas légiférer sur ces questions jugées délicates.
La pièce législative du ministre Jolin-Barrette, qui s'accompagnera de consultations particulières, s'inscrit dans le cadre d'une vaste réforme du droit de la famille, dont certains volets ont déjà été adoptés dans les dernières années, notamment en lien avec le concept de filiation.
Cette réforme s'est amorcée sous la législature précédente avec le dépôt du projet de loi 2, qui a ultimement permis aux personnes trans et non binaires de faire changer leur marqueur de sexe auprès du directeur de l’état civil et qui a donné le droit aux enfants adoptés de connaître l'identité de leurs parents biologiques.
Scindée en deux, la pièce législative a également débouché, après les élections générales de 2022, sur d'autres changements, ceux-là destinés à protéger les enfants nés à la suite d’une agression sexuelle ainsi que les droits des mères porteuses issus d’un projet de grossesse pour autrui. Le projet de loi 12 a été adopté en juin dernier.