Une justice en attente

Agence Qmi
2013-09-30 15:00:00

«On tire sur l’élastique, croit Me Joëlle Roy, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates de la défense. Deux ans, c’est maintenant accepté (…). On tient pour acquis que c’est comme ça.»
Et ce, même si la Cour suprême a statué dans l’arrêt Morin qu’un délai raisonnable entre l’inculpation et le procès est de 14 à 18 mois. «La situation se détériore», confirme François Rolland, juge en chef de la Cour supérieure du Québec.
Ces procédures sont un calvaire pour les victimes et leur famille, mais aussi pour les accusés, qui vivent pendant des années avec le stress d’un dossier non réglé.
«C’est comme une blessure qu’on gratte tout le temps. Ça ne guérit jamais», dit Louise Roux, dont le fils a été tué par un chauffard coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort.
Dans les cas d’abus sexuel, on peut attendre cinq ans jusqu’au procès, estime le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, dont la fille Julie a été assassinée en 2002.
«Le délai doit être beaucoup plus court. Il faut ramener ça à deux ou trois ans maximum», martèle-t-il.
Manque de ressources

Le ministère de la Justice québécois a récemment ajouté 20 nouveaux juges à la Cour du Québec, qui entend 97 % des causes criminelles de la province. Ces postes sont déjà comblés et six autres juges seront nommés dans les prochains mois (pour des remplacements après des départs à la retraite et autres).
«Il faudra attendre un peu avant d’en voir l’impact», prévient Élizabeth Corte, juge en chef de la Cour du Québec.
Des juges à la retraite sont également nommés comme suppléants et sont rémunérés à la journée.
«Nous avons réaménagé des salles à Laval et à Longueuil, et nous en avons créé plusieurs à Montréal», explique Me Joanne Marceau, porte-parole du ministère.
À la Cour supérieure, où se déroulent les procès devant jury, on attend l’aval du ministère de la Justice fédéral pour obtenir de nouveaux juges, ce à quoi n’est pas soumise la Cour du Québec. Le ministère fédéral s’est borné à répondre que «la demande est actuellement examinée».
L’accroissement du nombre de causes et leur complexification allongent aussi les délais.
«Les enquêtes policières se sont raffinées et il y en a davantage, estime Me René Verret, porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Dans un cas de malversation, la preuve, si elle avait été imprimée, aurait représenté 29 étages de documentation!»
Avec l’imposition récente de peines minimales, les gens risquent davantage la prison et intentent plus de recours en justice, croit Me Danièle Roy, porte-parole de l’Association des avocats de la défense de Montréal.
«Il y a une avalanche de contestations qu’on ne voyait pas avant», avance-t-elle.