Opinions

Analyse de la conduite de l’employeur en cas d’harcèlement psychologique

Main image

Sharlie Lafrance

2025-01-16 11:15:34

Sharlie Lafrance, l'auteure de cet article. Source : RBD
Sharlie Lafrance, l'auteure de cet article. Source : RBD
Focus sur une récente décision du Tribunal d’arbitrage…

Dans la décision Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Brasserie Labatt (CSN) et Brasserie Labatt (Carol-Ann Lebreux), 2024 QCTA 514 (a. Me Nathalie Faucher), le tribunal d’arbitrage est saisi de deux griefs déposés par le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Brasserie Labatt (CSN) au nom de la plaignante. Le premier grief constitue une plainte en harcèlement psychologique contre une gestionnaire de l’employeur et le second conteste un avis écrit émis suivant le départ hâtif de la plaignante sans avoir fourni un certificat médical exigé par la gestionnaire.

Pour conclure à du harcèlement psychologique, la salariée doit démontrer la présence de conduites qui contiennent les éléments suivants : 1) être vexatoires ; 2) être répétées ; et 3) être hostiles ou non désirées. Ensuite, ces conduites doivent constituer : 1) une atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique de la salariée ; et 2) entraîner un milieu de travail néfaste pour la victime. Une seule conduite grave peut également constituer du harcèlement.

Ensuite, si la preuve démontre que la plainte est fondée, l’employeur doit démontrer qu’il a pris les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement ou qu’il est intervenu pour la faire cesser, sans quoi sa responsabilité sera retenue.

Tout d’abord, la plainte de harcèlement psychologique de la plaignante compte 12 allégations. Parmi celles-ci, il y a les demandes d’aides non accordées ou offertes en l’absence de besoin. Ce sont d’ailleurs les seules situations retenues par l’arbitre qui constituent du harcèlement psychologique. À titre d’exemple, la preuve révèle qu’à plusieurs reprises, la salariée a demandé de l’aide puisqu’elle ne pouvait pas répondre à la demande, mais sa gestionnaire a fait défaut de lui en fournir.

Le harcèlement psychologique étant démontré, il faut vérifier si l’employeur s’est acquitté de ses obligations. La preuve démontre que l’employeur a adopté une politique pour contrer le harcèlement au travail. Cette même politique comporte également un mécanisme de plaintes ainsi qu’un processus d’enquête et de règlement des plaintes. Ainsi, le volet prévention est rempli par l’employeur.

Par ailleurs, la preuve démontre que l’employeur a pris les moyens raisonnables à sa disposition pour faire cesser le harcèlement. Il a notamment fait une enquête sérieuse et complète, puis il a déplacé la gestionnaire, de sorte que cette dernière et la salariée n’auraient plus à travailler ni interagir ensemble. Ce volet est donc également rencontré par l’employeur.

Le tribunal accueille en partie le premier grief. Il conclut que la salariée a vécu du harcèlement psychologique, mais l’employeur a agi afin de prévenir et de faire cesser le harcèlement. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner de remèdes prévus dans la Loi sur les normes du travail.

Finalement, concernant le deuxième grief, puisque la gestionnaire connaissait les circonstances du départ de la travailleuse, l’exigence de fournir un billet médical devenait déraisonnable. En effet, malgré le silence de la convention collective quant à l’obligation de fournir un certificat médical lors d’une absence ponctuelle, l’employeur a le droit d’en exiger en raison de ses droits de gestion. Cela étant dit, une fois que l’employeur connaissait le motif de son indisposition, des crampes menstruelles, la demande de l’employeur devenait déraisonnable et abusive, de sorte qu’aucune sanction disciplinaire n’aurait dû être imposée à la plaignante. Le tribunal accueille donc le deuxième grief et ordonne à l’employeur de retirer l’avis écrit du dossier de la salariée.

À propos de l’auteure

Sharlie Lafrance est avocate chez RBD. Elle consacre maintenant sa pratique à la défense des intérêts des salariés provenant des milieux policiers et ambulanciers du Québec. Elle traite des différents enjeux relatifs aux rapports collectifs du travail ainsi qu’au domaine de la santé et sécurité au travail.

134
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires