Comment un employeur doit-il réagir face à des allégations d’inconduite sexuelle ?
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Sébastien Parent
2017-10-24 10:15:00

Les conséquences sont immédiates et assez brutales. En moins de quelques heures, leurs émissions télévisuelles ou radiophoniques sont suspendues indéfiniment ou illico bannies de la programmation. Les différentes entreprises recourant à ces personnalités connues pour leurs publicités les larguent les unes après les autres. Leurs compagnies de production sont affectées, entraînant également des dommages collatéraux non négligeables chez les artistes, techniciens et employés œuvrant pour ces dernières.
Dans la foulée de ces évènements se pose la question de savoir comment un employeur doit réagir lorsqu’un de ses salariés fait l’objet de telles dénonciations dans les médias. Le congédiement s’impose-t-il immédiatement ? Ne devrait-il pas plutôt faire preuve de prudence étant donné que les faits reprochés ne sont qu’au stade des allégations ? Alors, comment protéger la réputation de l’entreprise ?
L’imposition d’une suspension administrative
En fait, la réponse se trouve dans l’arrêt Cabiakman provenant de la Cour suprême du Canada. Selon cette décision de principe, l’employeur dispose d’un pouvoir de suspension administrative, lui permettant de faire la lumière à propos des faits portés à sa connaissance et ainsi éviter de prendre une décision hâtive.
Pour être valide, la mesure administrative doit notamment avoir pour objectif de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise, ce qui comprend sa réputation. De plus, l’interruption du lien d’emploi doit être pour une période déterminée ou déterminable. La durée de la suspension doit être relativement courte de préciser le plus haut tribunal du pays.
C’est donc une mesure préventive, qui se distingue d’une mesure disciplinaire. En effet, à ce stade-ci, l’idée d’une mesure punitive relativement aux inconduites sexuelles reprochées à l’employé est écartée puisqu’une enquête s’avère nécessaire afin d’en confirmer le bien-fondé. C’est pourquoi le salarié devra être rémunéré au cours de la suspension, à moins de circonstances exceptionnelles.
Deux scénarios possibles selon l’endroit de l’inconduite
Selon le premier, les gestes à connotation sexuelle se déroulent dans le cadre de la prestation de travail du salarié. Et même si de tels gestes peuvent également être prohibés par le Code criminel, pas question d’attendre que des accusations criminelles soient portées contre l’employé. Dès qu’une inconduite de nature sexuelle est portée à sa connaissance, l’employeur peut réagir immédiatement et suspendre administrativement le salarié pour fin d’enquête.
Vous avez vécu du harcèlement sexuel au travail? Écrivez-nous en toute confidentialité à: Moiaussi@droit-inc.com
Si les témoignages recueillis auprès de son personnel confirment ultimement les allégations initiales, dans ce cas il est très clair que l’employeur est en droit de sévir, ce qui peut aller jusqu’au congédiement. Plusieurs lois imposent d’ailleurs à l’employeur d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité de son personnel, en plus de devoir offrir un milieu de travail exempt de harcèlement.
Quant au second, les évènements d’inconduites sexuelles se déroulent hors du travail, mais font l’objet d’une dénonciation auprès des policiers ou d’accusations criminelles. L’employeur sera alors justifié de suspendre son employé jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu au sujet de sa culpabilité ou de son innocence. Une fois le processus judiciaire complété, l’employeur prendra une décision éclairée quant au lien d’emploi du salarié, compte tenu de la gravité de l’infraction criminelle commise et de son lien avec le poste occupé.
Le problème des dénonciations dans l’espace public : le phénomène #moiaussi
L’employeur se retrouve dans une position extrêmement inconfortable face aux dénonciations d’agression ou d’inconduite sexuelles dans les médias et sur la place publique, lorsque les évènements allégués se sont déroulés dans le cadre de la vie privée du salarié, c’est-à-dire à l’extérieur du travail.
D’un côté, ce n’est pas très flatteur de voir un de ses salariés à la une d’un grand quotidien indiquant qu’il montre ses parties génitales en public ou qu’il abuse de son pouvoir pour agresser autrui. Bien entendu, l’employeur cherchera à se dissocier de ce genre de conduite déviante.
De l’autre, il faut tenir compte du fait que le salarié, dans la plupart des cas, ne fait l’objet d’aucune plainte formelle auprès des flics, aucune accusation criminelle n’est portée contre lui et encore moins une décision d’un quelconque tribunal le déclare coupable ou le reconnait fautif de quoi que ce soit.
Or, un des principes de la suspension administrative c’est qu’elle doit être limitée dans le temps et que sa durée doit être déterminable.
Dans un tel contexte, jusqu’à quel moment l’employeur suspendra-t-il le salarié faisant l’objet d’allégations dans les médias ? La durée de la suspension sera-t-elle tributaire de l’espoir qu’une victime se décide à déposer une plainte formelle ? Si aucune plainte n’est déposée, qui tranchera en fin de compte le bien-fondé des accusations ? Les individus adeptes des lignes ouvertes ? Les internautes sur les médias sociaux ?
Le système de justice pénale est loin d’être parfait, on ne peut le nier! Pour cinq victimes d’agression ; une seule qui dénonce. Cela ne légitime toutefois pas un individu à se faire justice soi-même. Certes, il est urgent de repenser le processus judiciaire pour les crimes à connotation sexuelle, ce qui implique de le rendre plus humain pour les victimes.
Sauf qu’en droit canadien, toute personne, même l’auteur du crime le plus odieux, a le droit de bénéficier d’un procès juste et équitable, d’une défense pleine et entière et surtout, de la présomption d’innocence tant et aussi longtemps qu’un tribunal ne l’a pas déclarée coupable hors de tout doute raisonnable. Cette personne conserve également son droit à la sauvegarde de sa réputation.
Vous avez vécu du harcèlement sexuel au travail? Écrivez-nous en toute confidentialité à: Moiaussi@droit-inc.com
Bref, perdre son emploi indéfiniment en raison d’allégations d’inconduite sexuelle qui n’ont toujours pas été dénoncées devant le forum approprié balance au rancart la présomption d’innocence, qui n’est pas seulement un concept juridique qu’on enseigne dans les facs de droit, mais aussi un droit constitutionnel bien réel.
On peut s’inquiéter, avec raison, de cette nouvelle voie parallèle aux tribunaux qui s’érige en justice citoyenne. L’idée d’un tribunal populaire, où monsieur et madame tout le monde qualifient un être de violeur ou d’agresseur, avant qu’un juge n’ait pu trancher l’affaire au terme d’un procès (civil ou criminel), est franchement inquiétante dans un État de droit comme le nôtre.
#Étatdedroitaussi ?
incompertusx
il y a 7 ansOk une tape sur les fesses a en principe tous les attributs d'une voie de fait, mais ça ne vaut pas un congédiement. Les jokes de cul non plus. Et même une tape sur les fesses accompagnée par des jokes de cul ne doit pas non plus conduire au congédiement à la première dénonciation! Par contre, ça peut créer un excellent poste du genre #moiaussi de sorte que l'employeur sera contraint à appliquer des mesures plus sévères par rapport à la gravité du geste. J'ai un problème que l'intégrité sexuelle __de la femme__ est rendue plus importante que le droit de gagner sa vie __pour un homme__. Ce sont les doubles-standards et la présomption du viol inacceptable dans notre système de droit.
Anonyme
il y a 7 ansC'est le dommage causé par les gestes eux même envers la réputation de l'entreprise qui entre en jeu ici...
Si les gestes sont démontrés, même s'il n'y a pas d'accusation, le devoir de loyauté et le lien de confiance peuvent se briser d'un coup sec dans ces situations...
SBS
il y a 7 ans"J'ai un problème que l'intégrité sexuelle de la femme est rendue plus importante que le droit de gagner sa vie pour un homme".
WOW ET REWOW! Je vous souhaites de vous faire harceler et intimider sans relâche jusqu'à ce que vous n'ayez plus envie de rentrer au boulot. Vous pourrez, par la suite, refaire ce commentaire de gros colon.
incompertusx
il y a 7 ansJ'aime comment le féminisme montre finalement sa vraie face ici. Ce n'est pas la recherche de proportionnalité ou de l'égalité, c'est de la haine envers les hommes. Continuez comme ça.
AC
il y a 7 ansVous êtes un idiot ou un troll.
"J'ai un problème que l'intégrité sexuelle de la femme est rendue plus importante que le droit de gagner sa vie pour un homme".
Finalement, vous êtes un idiot ou un troll et un idiot.
SBS
il y a 7 ansles hommes et les femmes subissent du harcèlement par des hommes ou des femmes et autant les hommes que les femmes ont le droit de gagner leur vie.
Je ne suis pas féministe, je suis réaliste. Vous, vous êtes épais ou épaisse
Anonyme
il y a 7 ansJe pense que tu ne comprends pas l'enjeu. En 2017, si le mec est colon et fait ce genre de gestes, il devrait être sanctionné. D'accord avec toi quant à la proportionalité, mais ce n'est pas une compétition entre intégrité physique et droit à gagner la vie. Dans cette situation, il y a une victime. Et ce n'est pas la personne qui subit les conséquences de son geste. Ce n'est pas de la haine des hommes que de se chercher à justement faire respecter son intégrité physique.
Je suis un homme et si tu me traite de féministe, ce sera bien la première fois que ça arrive...
Anonyme
il y a 7 ansSuper commentaire. La raison en est absente. L'émotion, ça c'est important !!!! Pathétique, madame.
Parajuriste
il y a 7 ansL'intégrité sexuelle ou l'intégrité tout court ne devrait jamais céder au "droit de travailler" d'un abuseur. Rien à voir avec le féminisme. C'est la simple logique. Un lieu de travail ne devrait pas être le théâtre de tels comportements. Ça n'a juste pas sa place.
incompertusx
il y a 7 ansD'accord qu'il doit être sanctionné. Une tape sur les fesses mériterait, par exemple, tout au plus une amende en argent à moins d'une récidive.
Une consœur a donné un autre excellent exemple d'un bureau qui a interdit à un avocat de travailler avec les étudiantes-filles et avocats de moins de 5 ans.
Et oui c'est une compétition entre l'intégrité sexuelle des fesses et droit de gagner sa vie. Un confrère publie plus bas son exemple du Bombardier. Quel choix aura un employeur visé par un poste du genre #moiaussi à l'égard de son employé? Aucun choix - c'est le congédiement assuré.
incompertusx
il y a 7 ansAttention, on ne parle pas du viol ici. on parle du fait qu'une tape sur les fesses, qui est un délit assez léger peut conduire au congédiement, qui est la punition ultime. En ce sens-là, bien sûr que non!
Avocate
il y a 7 ansThe author is right that we should be having a conversation about the rule of law, but, with respect, he misses the larger picture. The author's conclusion relies on the premise that the rule of law applies robustly to abuses of power of a sexual nature - put another way, that all members of society are equally subject to the law, and this hashtag social movement subverts that equal application of the rule of law.
Yet, the #metoo/#moiaussi movement results from societal outrage at the impunity that some individuals who abuse their power in a sexual manner have historically benefited from. This impunity is fundamentally inconsistent with the rule of law. This impunity results both from their positions of power and/or privilege and - all too frequently - prevailing misogynist attitudes.
Vigilante justice is certainly inconsistent with the rule of law, but so too is the situation where victims are punished for coming forward, where victims simply refuse to come forward for fear of reprisals, or where the law is not applied equally to members of society based on their relative positions of power.
Sedia Stercoraria
il y a 7 ansJe crois qu'un employeur ne doit pas dire à un autre cadre, un collègue en autorité, que l'employée X a la cuisse légère. Il faut laisser ses collègues le découvrir par eux-mêmes, ce qui est souvent assez facile lorsqu'on a le flair.
Parajuriste
il y a 7 ansC'est vous...
Anonyme
il y a 7 ansLa semaine dernière Denise Bombardier se félicitait, dans son blogue, d'un usage des médias sociaux permettant aux femmes d'obtenir justice sans l'intervention du système judiciaire. Ce moyen, ajoutait-elle, était à son point de vu sans danger pour les gens n'ayant rien à se reprocher.
Étapes à suivre:
1.publiciser la choses sur les réseaux sociaux;
2.faire une déclaration publique d'indignation;
3.recueillir les messages indiqnés de la population;
4.invoquer que la mauvaise publicité oblige l'entreprise à renvoyer l'employé, qu'il soit coupable ou non.
C'est le progrès !