La Chine à la conquête du monde…par des fusions et acquisitions!

Henri Arslanian
2008-03-18 13:36:00
Le dragon chinois est maintenant bel et bien réveillé et est à la conquête du monde.
Il y a quelques années, les entreprises chinoises allaient à la conquête du monde de deux façons. Premièrement, elles sécurisaient des participations majoritaires dans le domaine de l’énergie et des ressources naturelles. Une bonne illustration est l’acquisition par la China National Petroleum Corporation en 2005 de PetroKazakhstan pour 4 milliards de dollars. Deuxièmement, elles s’empressaient de mettre la main sur des entités ayant une bonne réputation mais qui battaient de l’aile comme par exemple l’acquisition en 2005 par Lenovo de la division d’ordinateurs portatifs de IBM ou la tentative d’achat, quoique non réussie, la même année, de Maytag par la chinoise Haier. L’élan des investisseurs chinois a souvent été freiné non pas par des problèmes d’ordre financiers mais par des considérations politiques. Par exemple, la tentative d’acquisition par la China National Offshore Oil Corporation du géant américain Unocal pour 18,5 milliards a été bloquée aux États-Unis à la suite de pressions politiques et de considérations de sécurité nationale.
Il faut comprendre que la Chine a beaucoup d’argent et un grand désir de mettre la main sur des ressources naturelles et de la technologie étrangère. Récemment, le gouvernement chinois a créé un fond de 300 milliards, la China Investment Corporation, pour procéder à des investissements à l’étranger, un peu comme l’ont déjà fait la Norvège, l’Arabie Saoudite, Singapour et les Émirats Arabes Unis. En plus, les Chinois ont appris de leurs erreurs et ont changé leur stratégie d’acquisition, en partie pour éviter les problèmes politiques qui pourraient venir et bloquer leurs projets.
Les entreprises chinoises ont rapidement réalisé que procéder à des acquisitions moins médiatisées ou sans participation majoritaire est une approche plus raisonnable présentant de meilleures chances de succès. Par exemple, à l’été 2007, la China Investment Corporation a mis la main sur 10% du groupe Blackstone pour 3 milliards de dollars et la China Development Bank a acheté une part de 3,1 milliards de dollars dans la banque anglaise Barclays. À l’automne 2007, la banque chinoise CITIC a acquis une participation minoritaire de 1 milliard de dollars dans Bear Sterns (oui, celle qui fait les manchettes ces temps-ci) et la China Investment Corporation a continué sa vague d’acquisitions en mettant la main sur presque 10% de Morgan Stanley pour 5 milliards de dollars.
Les entreprises chinoises ont également continué à investir dans des régions du globe où il y a moins de réticences face aux investissements de l’empire du milieu. Par exemple, en 2007, la Industrial and Commercial Bank of China a acquis pour 5’5 milliards de dollars une participation minoritaire de 20% dans la plus grande banque d’Afrique, la Standard Bank Group Ltd.
Cette nouvelle stratégie permet aux entreprises chinoises de faire des investissements considérables sans être la cible de mesures protectionnistes. Un bon exemple de cela affecte indirectement le Québec. Il y a quelques mois, plusieurs analystes pensaient que les Chinois allaient mettre la main sur RioTinto, la société qui a acquis Alcan l’année dernière. Les Chinois avaient une autre stratégie et une alliance a eu lieu entre Chinalco et Alcoa pour faire l’acquisition de 9% de l’ensemble de Rio Tinto pour 14 milliards de dollars. Dans cette transaction, Chinalco n’avait pas besoin du support financier d’Alcoa (Alcoa n’a contribué qu’à 1,2 des 14 milliards), mais bien d’un partenaire non-chinois pour mieux faire passer la transaction.
Durant les mois et années à venir, il est fort probable que les entreprises chinoises continueront à faire des acquisitions à travers le monde. Le Canada, en partie grâce à ses secteurs minier, de l’énergie, des ressources naturelles et de la biotechnologie, sera un lieu prisé pour les investissements et les fusions et acquisitions par des entreprises chinoises. Tout cela va bien évidemment avoir un impact sur le monde des affaires au Canada. Avis aux avocats, ne soyez pas étonnés si un de vos clients se fait prochainement approcher par une entreprise chinoise!
Par Henri Arslanian
Note : L’auteur, stagiaire chez Fasken Martineau, vient de compléter une maîtrise en droit chinois à l’Université Tsinghua de Beijing. Il est également détenteur d’un baccalauréat en droit de l’Université de Montréal, d’une maîtrise en Common Law et droit transnational de l’Université de Sherbrooke et d’un certificat d’études économiques conjoint de la London School of Economics et de la Peking University.
L’auteur s’exprime ici à titre personnel.
Anonyme
il y a 17 ansUn article intéressant...
M. Arslanian, les chinois procèdent à des investissements plus "discrets" pour éviter de se faire bloquer, mais quelle est la stratégie ou quelles sont les intentions de la Chine par rapport aux divers problèmes d’éthiques notamment commerciales qui lui sont reprochés et qui cause ce blocage continuel un peu partout à travers le monde.
L'approche des chinois va-t-elle changer face au monde des affaires (et au monde en général) et lui permettre une plus grande transparence ou une meilleur acceptation de la communauté internationale?
La chine peut-elle aspirer à être le numéro 1 mondial dans un domaine particulier ou un autre ou devra-t-elle toujours se contenter de la place de l'investisseur minoritaire ?
Malgré l’engouement incroyable pour la Chine, est ce que ses techniques d’affaires ne vont pas finir par freiner son développement ?
Merci Beaucoup!