La Cour suprême se penchera sur la syndicalisation des cadres de premier niveau
Yanick Gagnon-Carbonneau, Valérie Allard & Marc-André Groulx
2022-10-05 11:15:00
Au Québec, le Code du travail (le « Code ») vient encadrer l’exercice de la liberté d’association par ses différentes dispositions. Les cadres ont toujours été exclus de la définition de « salarié » prévue à l’article 1l) du Code, faisant en sorte qu’ils n’ont pas accès à la procédure d’accréditation en vue de se syndiquer.
La raison de cette exclusion est simple : les cadres exercent généralement des fonctions de représentation de l’employeur dans leurs relations avec les autres salariés. S’est alors posée la question à savoir si cette exclusion des cadres de la définition de salarié porte atteinte au droit à la liberté d’association protégée par l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés et par l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Après que le Tribunal administratif du travail (le « TAT »), la Cour supérieure du Québec dans le pourvoi en contrôle judiciaire, puis la Cour d’appel du Québec se soient penchés sur la question de la syndicalisation de cadres de premier niveau dans une même affaire, c’est au tour du plus haut tribunal du pays de s’en saisir.
En effet, le pourvoi à la Cour suprême du Canada a été autorisé en date du 29 septembre 2022 suite à la demande d’autorisation d’appel logée par la Société des casinos du Québec et le Procureur général du Québec.
L’affaire se trouvant maintenant devant la Cour suprême peut se résumer ainsi. Le 8 février 2022, la Cour d’appel, dans Association des cadres de la Société des casinos du Québec c. Société des casinos du Québec, est venue rétablir une décision interlocutoire du TAT à l’effet que l’exclusion des cadres de la définition de « salarié » au Code constitue une entrave substantielle à la liberté d’association.
Dans sa décision, le TAT avait déclaré cette exclusion constitutionnellement inopérante à l’égard des membres de l’Association des cadres de la Société des casinos du Québec (l’« Association »), qui regroupait des cadres, et aux fins de l’examen de la requête en accréditation présentée par cette dernière.
Plus précisément, la Cour d’appel a décidé que le TAT était bien-fondé de conclure que l’exclusion prévue au Code privait l’Association d’une indépendance suffisante aux fins de l’exercice de sa liberté d’association et que l’absence de recours ou de mécanisme en cas de négociation de mauvaise foi, de même que l’impossibilité d’appliquer les dispositions entourant le droit de grève, avait pour effet de causer une entrave substantielle au droit d’association des cadres de premier niveau de la Société des casinos du Québec.
La conclusion du TAT selon laquelle il existait des moyens moins préjudiciables de réaliser l’objectif législatif considérant l’absence de nuance quant au niveau des cadres exclus de la notion de « salarié » et l’absence de distinction quant au rang hiérarchique dans l’entreprise, la nature de leurs fonctions et leur implication, ou non, aux négociations avec les groupes syndiqués a été confirmée par la Cour d’appel.
Cette dernière a finalement confirmé la conclusion du TAT à l’effet que cette atteinte au droit d’association ne pouvait être justifiée sur la base du conflit d’intérêts comme le prétendait le Procureur général du Québec en première instance.
Considérant l’importance que revêtent les enjeux soulevés dans cette affaire et ses répercussions possibles sur le droit des rapports collectifs de travail au Québec et au Canada, nul n’est surpris de voir la Cour suprême se saisir du dossier. Ne reste plus qu’à attendre la décision du plus haut tribunal du pays.
Yanick Gagnon-Carbonneau est avocat chez BCF Avocats au groupe Droit du travail et de l’emploi, à Québec. Il détient un baccalauréat en droit de l’Université Sherbrooke. Durant son parcours universitaire, il s’est impliqué à titre d’ambassadeur dans la promotion de l’égalité d’accès à la formation juridique.
Valérie Allard est avocate au sein de l’équipe de Droit du travail et de l’emploi. Elle détient un baccalauréat en droit de l’Université Laval et est membre du Barreau depuis 2017. Elle a complété un stage au cabinet Michaud Lebel avocat avant de se joindre à BCF.
Marc-André Groulx est avocat dans le groupe Droit du travail et de l’emploi. Il détient un baccalauréat en droit et une maîtrise en droit public de l’Université de Montréal. Durant sa carrière, il a développé une expertise en droit fédéral du travail, de relations de travail dans l’industrie de la construction et de procédures spéciales.