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La perte de jouissance est-elle un sinistre couvert?

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Patrick Henry

2024-04-17 11:15:29

Patrick Henry, l'auteur de cet article. Source: Robinson Sheppard Shapiro
Patrick Henry, l'auteur de cet article. Source: Robinson Sheppard Shapiro
Focus sur une récente décision de la Cour du Québec en matière de droit des assurances…

La Cour du Québec s’est prononcée récemment sur cette question dans l’affaire Long‑BÉ Express Limited contre Service Routier ML Inc. et Intact Compagnie d’Assurance.

Dans le contexte d’une demande de type « Wellington », Service Routier demandait que son assureur prenne son fait et cause et assume sa défense et ses frais dans le cadre de la poursuite intentée par Long-B Express Limited.

Service Routier offrait un service de mécanique de véhicules lourds et Long-BÉ a confié à cette dernière l’installation d’un moteur usagé datant de 2012 en remplacement du moteur d’origine, beaucoup plus vieux, datant de 2001.

Le véhicule a été confié le 15 août 2019, mais Long-BÉ n’a pu le récupérer qu’en décembre de la même année, soit après 3 mois et demi, ce qu’elle a considéré comme déraisonnable, ayant été privée de l’usage de son camion.

Elle réclame donc de Service Routier une perte de revenu de travail. C’est dans ce contexte que le tribunal a analysé la couverture d’assurance, et plus particulièrement la définition de « dommage matériel ». Le « dommage matériel » était défini dans le contrat d’assurance comme :

« 13.1 Toute détérioration ou destruction d’un bien corporel, y compris la privation de jouissance en résultant. Cette dernière est réputée survenir en même temps que la détérioration ou la destruction l’ayant causée; ou

13.2 La privation de jouissance de biens corporels qui n’ont pas été endommagés. Celle-ci est réputée survenir au moment du sinistre l’ayant causé. »

Quant au mot « sinistre », il était défini comme « tout accident, ainsi que l’exposition continuelle ou répétée à des risques essentiellement de même nature. »

Après avoir passé en revue les règles usuelles relatives à l’obligation de défendre, à savoir que celle-ci est distincte de l’obligation d’indemniser et a une portée beaucoup plus large que cette dernière, l’assuré doit bénéficier du doute qui puisse exister tôt dans le litige.

Toutefois, bien qu’en principe la privation de jouissance soit couverture, le tribunal conclut qu’il doit y avoir un « dommage matériel » résultant d’un « sinistre ». Ainsi, malgré que la définition de « dommage matériel » tel que précité inclut la privation de jouissance de biens corporels qui n’ont pas été endommagés, il faut néanmoins, conclut la cour, que le sinistre nécessite la survenance d’un accident ou l’exposition continuelle ou répétée à des risques essentiellement de même nature.

Malheureusement pour l’assuré, la partie demanderesse n’alléguait aucun tel accident ou sinistre dans ses procédures. Il s’agissait simplement d’une privation de jouissance relative à l’exécution du contrat conclu entre les parties puisque la demande qualifie le délai d’exécution des travaux de réparations comme étant déraisonnable.

Ainsi, le tribunal conclut que « l’allégation d’un manquement à une obligation contractuelle n’est pas en soi un accident ou un sinistre ». Bien plus ce manquement contractuel résulte d’une incompétence à exécuter le contrat et par conséquent, le non-respect du délai d’exécution ne peut se qualifier d’accident ou de sinistre, de telle sorte que la requête de type « Wellington » fut rejetée.

À propos de l’auteur

Patrick Henry est avocat plaidant et associé au sein du groupe droit des assurances du cabinet Robinson Sheppard Shapiro.

Sa pratique porte sur le litige civil, la responsabilité civile et professionnelle, et la responsabilité du fabricant. Il a plaidé devant toutes les instances judiciaires et tribunaux d’appel, notamment à quatre reprises devant la Cour suprême du Canada.

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