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Le Canada impose d’importantes sanctions et mesures économiques à la Russie

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Vladimir Shatiryan, Roy Millen, Ora Morison Et Brady Gordon

2022-03-04 11:15:00

Deux associés et deux avocats d’un cabinet international examinent les répercussions des sanctions pour les entreprises canadiennes…
Vladimir Shatiryan, Roy Millen, Ora Morison et Brady Gordon, les auteurs de cet article. Source: Site web de Blakes
Vladimir Shatiryan, Roy Millen, Ora Morison et Brady Gordon, les auteurs de cet article. Source: Site web de Blakes
Les 24 et 28 février 2022, le gouvernement du Canada a annoncé de nouvelles sanctions économiques de grande portée ainsi que d’autres mesures ciblant la Russie, en rapport avec l’escalade de l’attaque par cette dernière contre l’Ukraine. Ces annonces font suite aux mesures semblables imposées par les gouvernements d’autres pays membres du G7.

Ces nouvelles sanctions et mesures ont été introduites par des modifications au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Russie (le « Règlement visant la Russie ») et au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Ukraine (le « Règlement visant l’Ukraine »). Bon nombre d’entre elles sont entrées en vigueur le 24 février 2022, tandis que des mesures additionnelles sont entrées en vigueur le 28 février 2022.

Le gouvernement du Canada a également annulé les licences d’exportation existantes visant le transfert de marchandises contrôlées vers la Russie et refusera d’émettre de nouvelles licences d’exportation, sous réserve de certaines exceptions humanitaires très limitées.

Ces mesures pourraient avoir des répercussions importantes sur les entreprises canadiennes qui exportent vers la Russie, ou qui font affaire avec cette dernière ou des entreprises qui y sont établies.

Le gouvernement du Canada a fait savoir que d’autres mesures ciblant la Russie suivront. Nous mettrons à jour le présent bulletin au fur et à mesure que des changements à la situation se produiront.

Interdictions de vaste portée visant le secteur financier russe

Prenant un tournant significatif, le gouvernement du Canada a inscrit la plupart des institutions financières en Russie à l’annexe 1 du Règlement visant la Russie. En vertu de ce règlement, il est interdit de fournir tout service financier ou des services connexes aux institutions et aux personnes inscrites à l’annexe 1 et, dans la plupart des cas, d’effectuer une opération portant sur un bien détenu par ces institutions ou personnes. Les institutions financières russes qui ont été ajoutées à l’annexe 1 comprennent cinq des six grandes banques de la Russie qui étaient inscrites avant cela à la liste des entités désignées à l’annexe 2 du Règlement visant la Russie et qui ont fait l’objet de sanctions sectorielles interdisant uniquement les opérations désignées sur des titres de créance et des capitaux propres. Aux termes du nouveau programme de sanctions, presque toutes les opérations avec ces institutions financières sont interdites, y compris les services de correspondant bancaire, les prêts et les investissements. Les entreprises canadiennes devront également réévaluer leurs transactions actuelles ou envisagées avec des contreparties qui dépendent du financement de ces institutions financières désignées.

De façon similaire, de nombreuses sociétés d’énergie russes qui figuraient auparavant à l’annexe 3 du Règlement visant la Russie se trouvent désormais inscrites à l’annexe 1 et sont donc assujetties au cadre d’interdiction générale.

Le 28 février 2022, le gouvernement du Canada a également modifié le Règlement visant la Russie afin d’inscrire la Banque centrale russe, le fonds souverain russe et le ministère des Finances russe à la liste des personnes désignées de l’annexe 1. Dans le cadre de modifications apportées précédemment au Règlement visant la Russie, lesquelles ont été publiées le 24 février, ces entités étaient inscrites à une autre annexe et ainsi assujetties à une interdiction qui se limitait aux opérations sur de nouvelles émissions de titres de dette par ces entités. Cependant, par suite de l’inscription de la Banque centrale russe, du fonds souverain russe et du ministère des Finances de la Russie à l’annexe 1, presque toutes les transactions avec eux sont désormais interdites. Cette mesure vise à empêcher la Russie de puiser dans ses réserves de change international. À cet égard, il y a lieu de noter aussi que la Banque du Canada a été ajoutée à la liste des institutions financières qui sont tenues d’effectuer des vérifications et de produire des déclarations à l’égard des biens de personnes désignées en vertu du Règlement visant la Russie.

Dans l’ensemble, plus de 400 particuliers et entités ont été ajoutés à la liste des personnes désignées de l’annexe 1, y compris d’autres grandes sociétés russes, des membres du parlement russe et d’autres fonctionnaires russes, ainsi que des membres de leur famille et leurs entreprises. À la suite des modifications initiales du 24 février, le gouvernement du Canada a publié de nouvelles modifications au Règlement visant la Russie le 28 février 2022, afin d’ajouter le président russe Vladimir Poutine et d’autres membres clés du gouvernement russe au nombre des personnes inscrites à l’annexe 1.

Les interdictions visant les personnes désignées inscrites à l’annexe 1 ne s’appliquent pas expressément aux filiales de ces personnes. Cependant, les entreprises canadiennes se livrant à des transactions avec des entités qui sont liées à une personne désignée devront évaluer attentivement les répercussions de cette relation sur la conformité aux interdictions.

De plus, le Canada et d’autres pays membres du G7 ont annoncé que plusieurs banques russes seront exclues du système de messagerie bancaire SWIFT.

Le gouvernement du Canada a également annoncé, mais n’a pas encore publié, des modifications au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant le Bélarus, lesquelles cibleront des particuliers de ce pays. Le présent bulletin sera mis à jour en ce qui a trait à ces sanctions additionnelles dès que les règlements s’y rapportant seront publiés.

Régions de l’Ukraine

Des modifications apportées au Règlement visant l’Ukraine interdisent des activités liées à des régions situées dans l’est de l’Ukraine, lesquelles sont désignées dans ce règlement comme étant « la dite République populaire de Donetsk et [le] territoire qu’elle contrôle dans la région de Donetsk dans l’est de l’Ukraine » et « la dite République populaire de Louhansk et [le] territoire qu’elle contrôle dans la région de Louhansk dans l’est de l’Ukraine » (respectivement, la « région de Donetsk » et la « région de Louhansk »).

Ces restrictions sont semblables en grande partie à celles qui visent actuellement la région de Crimée et interdisent aux Canadiens et aux personnes au Canada de se livrer aux activités suivantes :
  • effectuer un investissement qui comporte une opération relative à un bien se trouvant dans la région de Donetsk ou la région de Louhansk et qui appartient à l’une ou l’autre de ces régions ou à une personne qui s’y trouve, ou qui est détenu ou contrôlé par l’une ou l’autre de ces régions ou par une personne qui s’y trouve;

  • fournir ou acquérir des services financiers ou connexes à l’égard d’un investissement dans la région de Donetsk ou la région de Louhansk;

  • importer, acquérir, ou vendre des marchandises de la région de Donetsk ou de la région de Louhansk, ou de toute personne s’y trouvant, ou exporter des marchandises destinées à l’une ou l’autre de ces régions ou à une personne s’y trouvant;

  • fournir une aide technique à la région de Donetsk ou à la région de Louhansk, ou à toute personne s’y trouvant;

  • fournir des services financiers ou d’autres services liés au tourisme à la région de Donetsk ou à la région de Louhansk, ou à toute personne s’y trouvant, ou acquérir de tels services auprès d’eux.


Champ d’application

Comme tout autre règlement canadien sur les sanctions, les nouvelles interdictions prévues au Règlement visant la Russie et au Règlement visant l’Ukraine s’appliquent à toutes les entités constituées au Canada, à tous les citoyens canadiens qui résident au Canada ou ailleurs, ainsi qu’à toutes les entités et à tous les particuliers se trouvant au Canada. Les sanctions s’appliquent immédiatement.

Les institutions financières, les courtiers en valeurs mobilières, les gestionnaires de portefeuille, les gestionnaires de fonds, les dépositaires et autres participants des marchés de capitaux et intervenants du secteur des services financiers, ainsi que toutes les entreprises canadiennes faisant affaire avec des entreprises établies en Russie ou détenues ou contrôlées par des Russes, devraient veiller à ce que leurs programmes de contrôle et de conformité en matière de sanctions tiennent compte des ajouts aux listes de personnes désignées, des nouvelles interdictions relatives aux titres de dette, ainsi que des régions visées par les nouvelles sanctions.

Permis d’exportation

Le gouvernement du Canada a également annulé toute licence d’exportation existante émise avant le 24 février 2022, en vertu de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, pour l’exportation et le courtage d’articles à destination de la Russie. De plus, il a suspendu le traitement de toute nouvelle demande de licence d’exportation à l’avenir. Par conséquent, tout article figurant sur la Liste des marchandises et technologies d’exportation contrôlée du Canada et nécessitant une licence d’exportation ne pourra être exporté vers la Russie à compter du 24 février 2022. Aucune exception n’est prévue pour permettre l’exportation d’articles aux termes d’ententes contractuelles préexistantes ou de licences d’exportation émises antérieurement. Seules les demandes de licences d’exportation liées à des utilisations finales limitées, telles que des fournitures médicales et des besoins humanitaires, seront évaluées au cas par cas à l’avenir.

De plus, les interdictions existantes établies aux termes du Règlement visant la Russie à l’égard de l’exportation, de la vente, de la fourniture et de l’expédition de marchandises destinées à l’exploration ou à la production de pétrole en mer, à l’exploration de schiste bitumineux ou à la production d’huile de schiste, ou à l’exploration pétrolière ou à la production de pétrole dans l’Arctique, demeurent en vigueur.

Conclusion

Puisqu’à plusieurs titres, le Canada est un pays commerçant, les entreprises canadiennes devront, à la lumière de ces nouvelles mesures, examiner attentivement leurs relations d’affaires et leurs transactions pour s’assurer de leur conformité aux interdictions élargies relatives à la Russie.

À propos des auteurs

Vladimir Shatiryan et Roy Millen sont associés chez Blakes à Toronto et à Vancouver, tandis qu’Ora Morison et Brady Gordon font partie de l’équipe d’avocats du cabinet, également à Toronto et à Vancouver.

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2 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    Le Canada fait la guerre au séparatisses, ici comme ailleurs!
    Les choses commencent à se clarifier: pour le Canada il y a la bonne Ukraine, à l'ouest, qu'il faut aider, et la mauvaise Ukraine peuplée de séparatisses russophones, à l'ouest, qu'il vise maintenant par des sanctions économiques.

    Ce matin, au radio-journal de 8h sur le 95.1 FM, un journaleux de Radio-Canada disait que l'instauraiton de couloirs humanitaires avait échoué et que les portes paroles de Kiev nient que les russophones de l'ouest soient persécutés.

    Traduction: les russophones de l'ouest de l'Ukraine peuvent être bombardés par Kiev, depuis 2014, dans l'indiférence médiatique, car ce sont des séparatisses.

    Les séparatistes russophones de l'ouest de l'Ukraine sont chez eux, mais Justin veut leur faire la guerre, comme au séparatistes d'ici. Avis à Bernard Drainville, ex-élu du PQ, qui la semaine dernière fustigeait le chef du parti vert du Québec, après que ce dernier ait qualifié de raisonnables les demandes de la Russie.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 2 ans
    "La plupart", "5 sur 6", "presque toutes", ...
    "le gouvernement du Canada a inscrit la plupart des institutions financières en Russie à l’annexe 1 du Règlement visant la Russie."

    Lesquelles ne sont pas visées, et pourquoi?


    "Les institutions financières russes qui ont été ajoutées à l’annexe 1 comprennent cinq des six grandes banques de la Russie qui étaient inscrites avant cela"

    Cinq sur six? Comment se nomme cette sixième banque?



    "presque toutes les opérations avec ces institutions financières sont interdites"

    Quelles opérations sont encore possibles?


    "Les entreprises canadiennes devront également réévaluer leurs transactions actuelles ou envisagées avec des contreparties qui dépendent du financement de ces institutions financières désignées."

    Réévaluer selon quels critères?


    Le Canada fait-il comme l'Allemagne, qui se bombe le torse avec des "sanctions", sauf quand ça concerne ses achats de gaz russe?

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