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Lois québécoises: le texte anglais compte aussi

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Edmund Coates

2015-11-11 11:15:00

Selon l’auteur, l’Assemblée nationale est négligente quant à ses travaux relatifs aux textes en anglais ce qui occasionne d’importantes ambiguités...
Edmund Coates est un avocat et jurilinguiste montréalais
Edmund Coates est un avocat et jurilinguiste montréalais
Selon les attentes d’observateurs de la Cour suprême du Canada, le périple judiciaire de Gilles Caron devrait se terminer dans quelques semaines. La Cour suprême du Canada y rendrait public son jugement quant à cette question : une proclamation de 1869 a-t-elle légué un droit au bilinguisme législatif aux Albertains ? Quelle que soit la décision, l’Assemblée nationale du Québec ne pourra ni la louanger ni la critiquer sereinement.

À travers la panoplie des lois du Québec, les textes anglais sont truffés d’ambiguïtés, d’obscurités, de choix terminologiques discutables et de discordances avec les textes français.

Nos tribunaux doivent tenter d’harmoniser les deux textes officiels d’une loi, mais leurs décisions peuvent bien suivre le sentier tracé par l’un ou l’autre texte. Ainsi, la négligence de l’Assemblée réduit l’accessibilité et la certitude du droit pour tous, qu’ils soient anglophones ou francophones.

Les formulations initiales des projets de loi sont déposées à l’Assemblée en français et en anglais. Mais les comités de l’Assemblée ne se penchent que sur le texte français. Les comités proposent ensuite une série d’amendements. Seul le texte français des amendements existe quand ceux-ci sont discutés et soumis au vote de l’Assemblée. Suivant ce vote, la préparation du texte anglais est confiée aux traducteurs, effectuant ainsi les traductions dans des délais très serrés.

Il y a pire encore : ces cas où le texte anglais final n’existe pas, même quand l’Assemblée vote sa dernière approbation d’un projet de loi (par exemple, des projets de loi adoptés vers la fin d’une session ou sous le bâillon). Les traducteurs sont alors soumis à une course contre la montre, avant la brève cérémonie de signature par le lieutenant-gouverneur.

Dans le Renvoi sur les droits linguistiques au Manitoba, la Cour suprême enseigne que « l’usage simultané de l’anglais et du français est donc requis pendant tout le processus d’adoption des lois [au Québec] ». La Cour s’appuyait sur l’arrêt Blaikie de la Cour supérieure du Québec et l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Certains prétendront qu’il serait pratiquement impossible que les deux textes soient accessibles aux élus de l’Assemblée nationale quand les amendements aux projets de loi sont discutés et votés. Pourtant, l’Assemblée du Nouveau-Brunswick, l’Assemblée du Manitoba et le Parlement fédéral procèdent en français et en anglais à chaque étape, sans difficulté particulière.

Enfin, certains proposeront qu’en cas d’une contestation judiciaire de son incurie, l’Assemblée nationale puisse refuser de collaborer au processus de preuve. Il semble fantaisiste de présumer que l’Assemblée agirait de mauvaise foi et tenterait de nier l’existence d’une situation qui ressort de la lecture de ses documents publics.

L’Assemblée nationale devrait revoir sa procédure et respecter ses obligations constitutionnelles. Bon nombre d’élus de l’Assemblée sont à l’aise en anglais ; par exemple ceux qui sont juristes. Si une loi mérite d’être adoptée par l’Assemblée nationale, elle mérite d’être bien formulée en anglais et en français.

Edmund Coates est un avocat et jurilinguiste montréalais.

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