Mémoire de la CSN - Un véritable accès à la justice est possible, maintenant !

L'équipe Droit-Inc
2008-03-19 06:30:00
« La question complexe des poursuites-bâillons justifiait à elle seule la tenue d’une commission parlementaire distincte. »
Après avoir souligné la qualité et la rigueur du rapport d’évaluation préparé par le ministère, Louis Roy a observé que notre système de justice repose encore trop sur la confrontation et pas suffisamment sur la recherche de solutions.
« La confrontation favorise les mieux nantis, ceux qui ont les moyens d’utiliser les failles de notre Code de procédure civile pour déstabiliser leurs adversaires avec une panoplie de moyens procéduraux. »
« Le système judiciaire devrait être réformé pour éviter que les affrontements entre grandes entreprises, qui monopolisent pendant plusieurs années les cours de justice, cessent et que la classe moyenne puisse y trouver son compte, ce qui n’est pas le cas actuellement."
« La classe moyenne finance en grande partie le système de justice et elle a de plus en plus de difficulté à y avoir accès, faute de moyens. À cet égard, nous croyons qu’il est temps d’agir."
« Quand, dans une société fondée sur la primauté du droit, de plus en plus de citoyens se représentent seuls devant une cour de justice faute d’avoir l’argent pour se payer un avocat, il y a là un problème d’équité citoyenne."
« D’autres difficultés d’accès demeurent criantes d’injustice, dont celle des personnes travaillant au salaire minimum et des aînés qui sont toujours exclus du Régime d’aide juridique. »
Compte tenu de ces faits, la CSN recommande : que la conférence de règlement à l’amiable soit obligatoire pour toutes les parties dans les cas de litiges civils ou commerciaux (la confrontation doit faire place à la recherche de solutions et de conciliation) ; que les dispositions du code permettent l’appel de plein droit lorsque la Cour supérieure intervient pour infirmer une décision d’un tribunal administratif ; qu’en matière de recours collectif, toute forme de rémunération (aux avocats) basée sur un pourcentage soit interdite et que le paiement d’honoraires en fonction du nombre d’heures effectivement travaillées soit imposé, en tenant compte de l’expertise du procureur et de la complexité de la cause (dans certains cas, les recours collectifs profitent bien davantage aux procureurs qu’aux victimes) ; que le règlement de la demande d’aide aux recours collectifs soit modifié afin d’y prévoir que les conventions signées avec le Fonds d’aide aux recours collectifs soient accessibles au public sans restriction (compte tenu de son caractère public ou quasi public).
Le ministère oublie l’aide juridique…
Le vice-président de la CSN remarque par ailleurs que le rapport d’évaluation du ministère est muet en ce qui concerne l’important Règlement sur l’aide juridique.
« Il ne pourrait y avoir une véritable réforme de l’accès à la justice sans des modifications importantes au Régime d’aide juridique. En effet, la CSN est très préoccupée par le peu d’accès offert aux personnes à faible revenu dans une société où la primauté du droit est proclamée. »
En conséquence, elle recommande : que les seuils d’admissibilité à l’aide juridique soient haussés pour qu’une personne seule, travaillant au salaire minimum (40 h/semaine) soit admissible à l’aide juridique gratuitement ; que les seuils d’admissibilité des autres catégories de requérants, y inclus le volet avec contribution, soient modifiés en conséquence ; que l’admissibilité à l’aide juridique se fasse à partir du revenu mensuel des requérants ; que l’indexation annuelle des seuils d’admissibilité soit maintenue.
L’enjeu des SLAPP : la liberté d’expression
En ce qui concerne les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique (ou poursuites-bâillons, communément appelées SLAPP), qui sont définies par les auteurs du rapport gouvernemental comme des « poursuites judiciaires entreprises contre des organisations ou des individus engagés dans l’espace public dans le cadre de débats mettant en cause des enjeux collectifs et visant à limiter l’étendue de la liberté d’expression de ces organisations ou individus et à neutraliser leur action par le recours aux tribunaux pour les intimider, les appauvrir et les détourner de leur action », la CSN croit que le véritable enjeu en cette matière concerne la liberté d’expression. L’abus de procédures et l’épuisement des ressources, croit-elle, ne constituent que des moyens de faire taire.
Selon la CSN, la solution au problème des poursuites-bâillons passe par une intervention législative énergique qui protège fermement la prise de parole des citoyens, compte tenu du fait que la liberté d’expression se trouve au cœur de toute démocratie. On ne saurait empêcher une entreprise de poursuivre des citoyens devant les tribunaux, estime-t-elle, mais on peut faciliter le rejet sommaire des poursuites-bâillons par des mécanismes procéduraux inscrits au Code de procédure civil, prévoir le versement de dommages-intérêts punitifs contre les auteurs de telles poursuites, et supporter financièrement les victimes par un fonds d’aide.
La CSN croit d’autre part que toutes ces mesures seront insuffisantes pour endiguer le phénomène si on ne s’attaque pas au fond du problème, soit la préséance accordée à la réputation sur la liberté d’expression.
« Les citoyens désireux de s’impliquer dans les débats d’intérêt public doivent pouvoir le faire en toute tranquilité d’esprit et sans toujours devoir s’autocensurer de crainte d’une poursuite en diffamation », de commenter Louis Roy.
Puisque les risques de succomber à une telle poursuite sont trop présents actuellement en droit québécois, il est temps d’assortir l’implication sociale du citoyen d’une forme d’immunité relative en faisant en sorte que la prise de parole soit protégée, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle, selon la CSN.
« Bref, il faut reconnaître le droit de participation publique, l’encourager, le protéger. »
La centrale syndicale opte donc pour l’adoption d’une loi antipoursuites-bâillons.