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Obligation de défendre de l’assureur : la Cour se prononce dans un cas d’inexécution contractuelle

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Dominic Boisvert Et Dardia Garcelle Joseph

2021-08-16 11:15:00

Un avocat et une étudiante font la paire pour revenir sur une récente décision de la Cour supérieure…
Me Dominic Boisvert et Dardia Garcelle Joseph, les auteurs de cet article. Source : Site web de Lavery
Me Dominic Boisvert et Dardia Garcelle Joseph, les auteurs de cet article. Source : Site web de Lavery
L'obligation de défendre des assureurs continue de faire couler de l’encre. Le 18 mars dernier, la Cour Supérieure s’est à nouveau penchée sur le sujet, en application des faits pertinents au litige (1).

Les faits

En avril 2016, l’entrepreneur général Cégerco inc. (« Cégerco ») a retenu les services de Construction Placo inc. (« Placo ») pour la fourniture et l’installation d’un revêtement extérieur constitué de panneaux muraux métalliques, eux même fabriqués par Kingspan Insulated Panels Ltd (« Kingspan »).

Le 24 mai 2017, Cégerco a résilié son contrat avec Placo en raison des nombreux retards accumulés par cette dernière dans l’échéancier des travaux. Placo a donc intenté des procédures contre Kingspan pour récupérer les sommes qu’il lui avait avancées et contre Cégerco en raison des dommages causés par la résiliation du contrat. Or, ces dernières parties se sont portée demanderesses reconventionnelles, alléguant un défaut d’exécution de Placo.

Faisait l’objet d’une demande reconventionnelle de la part de Cégerco et de Kingspan, Placo s’est tournée vers son assureur afin que celui-ci assume sa défense dans le cadre des demandes reconventionnelles faites à son encontre.

Or, l’assureur a décidé d’adopter comme position qu’elle n’avait pas l’obligation de défendre Placo ni d’accepter sa demande d’indemnisation. Placo s’est donc adressée à la Cour supérieure par l’entremise d’une demande de type Wellington pour que l’assureur prenne fait et cause pour elle dans le cadre du litige l’opposant à Cégerco et Kingspan.

Motifs

Après avoir repris de manière succincte les principes encadrant les demandes de type Wellington ainsi que les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt de principe Progressive Homes(2), la Cour conclut que les dommages réclamés dans le cadre de la demande reconventionnelle de Kingspan ne découlent pas de dommages matériels ou d’un « sinistre ». Ce faisant, elle ne s’attarde pas davantage sur cette question, car elle est d’avis que la couverture d’assurance n’est pas applicable.

Ensuite, la Cour se penche sur la demande reconventionnelle de Cégerco. Ici aussi, elle retient que les dommages réclamés ne sont pas des dommages matériels au sens de la police d’assurance applicable. Ainsi, après avoir procédé à une analyse de la ventilation des dommages présentée par Cégerco, elle retient que ceux-ci sont des dommages économiques résultant du fait que Placo n’a pas exécuté son obligation, soit de livrer des panneaux conformes.

La Cour souligne d’ailleurs que la portée de la couverture d’assurance de responsabilité civile applicable ne comprend pas « les pertes économiques liées à des produits défectueux ou non conformes ».

La Cour distingue les faits en l’espèce de ceux de l’arrêt Progressive Home précité(3), soulignant que le contrat n’a ici tout simplement pas été exécuté. La Cour indique que puisque les panneaux n’ont pas été installés au bâtiment, ils ne peuvent pas être la cause des dommages matériels subis par Cégerco. Elle est d’avis que ces dommages « résultent plutôt d’un incident normal sinon prévisible qui aurait pu survenir dans le cours normal des activités de toute entreprise ». Ainsi, selon la Cour, bien que Cégerco ait été obligée de prendre des mesures pour pallier le retard dans la livraison des panneaux et que ces mesures ont pu résulter en des dommages à l’ouvrage, l’inexécution du contrat par Placo n’est pas la source d’un sinistre rendant possible l’application de la couverture d’assurance.

Pour ces raisons, la Cour rejette la demande Wellington de la demanderesse et défenderesse reconventionnelle Placo.

Conclusion

Ce que nous retenons de cette décision, c’est que bien que l’obligation de défendre de l’assureur prenne naissance dès qu’il y a une possibilité que les dommages matériels réclamés relèvent de la police d’assurance, les dommages purement économiques subis en raison d’une inexécution contractuelle ne fournissent pas une assise juridique suffisante justifiant le déclenchement de l’obligation de défendre de l’assureur.

#Construction Placo inc. c. Kingspan Insulated Panels Ltd., 2021 QCCS 1230
#Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d’assurances générales Lombard, 2010 CSC 33, [2010] 2 R.C.S. 245.
#Id.

Sur les auteurs

Me Dominic Boisvert exerce au sein du groupe Litige du cabinet Lavery. Sa pratique est principalement axée sur le droit des assurances et la responsabilité civile.

Dardia Garcelle Joseph s’est jointe à l’équipe Lavery en 2019 et y effectuera son stage du Barreau en 2021.
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