Opinions

Le Projet de loi 68 : Quand et comment un employeur peut demander un certificat médical

Main image

Naomi-Edith Barandereka, Loïc Turner Et Caroline-Ariane Bernier

2025-01-24 11:15:19

Naomi-Edith Barandereka, Loïc Turner et Caroline-Ariane Bernier, les auteurs de cet article. Source : McCarthy
Naomi-Edith Barandereka, Loïc Turner et Caroline-Ariane Bernier, les auteurs de cet article. Source : McCarthy
Quid du Projet de loi 68 en droit du travail?

Avec comme objectif de réduire le fardeau administratif des professionnels de la santé et ainsi améliorer l’accès aux soins de santé dans la province, l’Assemblée nationale du Québec a sanctionné le Projet de loi n°68, la Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins (ci-après le « PL-68 ») le 9 octobre dernier. Ce projet de loi apporte des modifications à la Loi sur les normes du travail (ci-après la « LNT ») et à la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée. Cette nouvelle législation entraîne des changements significatifs pour les employeurs, en particulier ceux qui sont auto-assurés, dans la gestion des absences pour cause de maladie de leurs employés.

1. La gestion des absences pour cause de maladie

À partir du 1er janvier 2025, les employeurs ne pourront plus exiger de leurs employés un document attestant des motifs de leur absence pour cause de maladie (ex. un certificat médical) pour justifier les trois (3) premières absences pour maladie, d’une durée de trois (3) jours ou moins sur une période de douze (12) mois. Le PL-68 ne prévoit aucune exception permettant à l’employeur de demander un document justifiant l’absence lors de ces périodes, peu importe si l’absence tombe à un moment précis de l’année (par exemple, avant ou après une jour férié). L’objectif de cette modification est de réduire le fardeau administratif des professionnels de la santé qui doivent sinon prendre du temps pour rédiger des billets médicaux pour des absences de courte durée.

Cela veut dire que :

Les employeurs pourront exiger un certificat médical dès la 4e journée d’absence des trois (3) premières périodes d’absences maladie sur une période de douze (12) mois;

Et

Les employeurs pourront exiger un certificat médical dès la première journée d’absence de la 4e période d’absence maladie et plus sur une période de douze (12) mois, dans la mesure où les circonstances le justifient conformément au premier paragraphe de l’article 79.2 de la LNT. En effet, comme c’est déjà le cas présentement, l’employeur ne pourra toutefois en faire la demande que si les circonstances le justifient — par exemple, en cas d’informations incomplètes, d’activités incompatibles avec l’état de l’employé ou de soupçon d’abus.

Il est important de se rappeler que l’employé a tout de même l’obligation d’aviser l’employeur le plus tôt possible de son absence et des motifs de celle-ci. Ces modifications ne donnent donc pas le droit à un employé de simplement s’absenter sans donner de motifs pour cette absence. Ainsi, l’employeur pourrait encore exiger, par le biais de ses politiques, que l’employé fournisse certaines informations en cas d’absence, sans toutefois pouvoir obliger l’employé à présenter un document pour attester de son absence maladie.

Par ailleurs, le PL-68 ne modifie pas non plus le nombre de journées d’absence pour maladie qui doivent être rémunérées. Comme c’est présentement le cas, seuls les deux (2) premiers jours d’absence pour cause de maladie doivent être rémunérés en vertu des obligations statutaires des employeurs.

2. La gestion des absences pour raisons familiales

Quant aux absences pour raisons familiales, soit pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé d’un membre de la famille ou d’une personne pour laquelle la personne salariée agit comme proche aidant, les employeurs ne pourront plus demander de certificat médical à un employé pour justifier une telle absence. Si les circonstances le justifient, l’employeur pourra tout de même requérir tout autre document pouvant attester des motifs de l’absence pour raisons familiales.

Ceci étant dit, le PL-68 ne modifie par l’obligation de l’employé d’aviser son employeur de son absence le plus tôt possible et de prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise et la durée du congé.

3. Des changements dans les régimes d’avantages sociaux

Les modifications apportées à la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée auront également un impact notable. Ces changements s’appliqueront aux assureurs au sens de la Loi sur les assureurs ainsi qu’aux régimes d’avantages non assurés, doté ou non d’un fonds, et qui accord à l’égard d’un risque une protection qui pourrait être autrement obtenue en souscrivant une assurance de personnes. » Les employeurs auto-assurés seront donc visés par les modifications apportées par le PL-68.

Dès l’entrée en vigueur du premier règlement pris en vertu de l’article 29.1 du PL-68 qui sera adopté par le gouvernent[6], les assureurs ou les administrateurs de régime d’avantages sociaux ne pourront plus contraindre un assuré ou un bénéficiaire à recevoir des services médicaux pour prétendre à un remboursement de services d’un intervenant du domaine de la santé ou des services sociaux ou un remboursement d’une aide technique (ex. une canne, prothèse auditive, etc.).

De plus, un assureur ou un administrateur de régime d’avantages sociaux ne pourra plus, même indirectement, exiger d’un assuré, d’un adhérent ou d’un bénéficiaire qu’il reçoive un service médical à une fréquence prédéterminée différente de celle jugée appropriée par le médecin traitant aux fins de maintenir le versement d’une prestation d’invalidité. Ces dispositions entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement, laquelle ne pourra être antérieure au 9 avril 2025.

À noter que, si le contrat d’assurance, une attestation d’assurance ou un régime d’avantages sociaux contient une clause permettant à l’assureur ou à l’administrateur de régime d’avantages sociaux d’exiger, contrairement aux articles du PL-68, d’un assuré qu’il reçoive un service médical, il est réputé avoir exigé un tel service et l'assuré sera alors réputé avoir contrevenu à ces nouvelles obligations légales. Ces dernières entreront en vigueur à la date fixée par le gouvernement, laquelle ne pourra être antérieure au 9 octobre 2027.

Un assureur ou un administrateur de régime d’avantages sociaux qui contrevient à ces nouvelles interdictions sera passible d’une amende de 10 000 $ à 1 000 000 $, ainsi qu’une sanction administrative pécuniaire d’un montant de 5 000 $ imposée par Santé Québec, de même que le recouvrement par Santé Québec du coût d’un service médical pris en charge par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) auprès de l’assureur ou de l’administrateur.

4. À retenir : quelles sont les conséquences pour les employeurs ?

Les modifications législatives vont requérir des employeurs une adaptation de leurs politiques de gestion des absences pour cause de maladie. Ceux qui sont auto-assurés devront également s’ajuster aux nouvelles exigences législatives.

Nous rappelons que le PL-68 n’interdit pas à l’employeur de demander à l’employé absent les motifs de son absence, mais plutôt interdit à l’employeur de demander à l’employé de fournir un document motivant cette absence pendant certaines périodes protégées. De plus, l'employeur conserve le droit de demander un document justifiant toute absence qui n'est pas liée à une maladie ou à des raisons familiales, lorsque l'employé invoque d'autres motifs d'absence.

Les employeurs syndiqués devront revoir les dispositions de leurs conventions collectives afin de vérifier dans quelle mesure le PL-68 vient affecter les dispositions existantes. Certains employeurs pourraient considérer entamer des discussions avec le syndicat afin de voir comment la convention collective peut être ajustée pour répondre aux nouvelles exigences du PL-68 tout en s’assurant du maintien des opérations.

Les employeurs auto-assurés devront également veiller à ce que leurs documents relatifs aux assurances ne contiennent pas de clause allant à l’encontre des interdictions prévues au PL-68. Si c’est le cas, ils devront les modifier afin de se conformer aux nouvelles obligations.

À propos des auteurs

Naomi-Edith Barandereka est avocate chez McCarthy.

Loïc Turner est avocat en droit chez McCarthy.

Caroline-Ariane Bernier est associée chez McCarthy au sein du groupe du droit du travail et de l’emploi du bureau de Montréal.

441
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires