Projet de loi 96 : les services publics essentiels doivent être exemptés
Janet Cleveland Et Garine Papazian-Zohrabian
2021-12-16 11:15:00
Le projet de loi 96 propose d’interdire aux employés du secteur public de communiquer avec les individus à qui ils donnent des services dans des langues autres que le français, sauf certaines exceptions. Ces exceptions incluent les personnes ayant fréquenté l’école primaire en anglais au Canada, les Autochtones et les personnes immigrantes pendant les six premiers mois après leur arrivée au Québec.
L’État québécois a le devoir de promouvoir l’usage du français afin de s’assurer que ce soit la langue publique commune du Québec. Mais il a également le devoir de s’assurer que toute personne qui réside au Québec, peu importe son niveau de connaissance du français, ait un accès équitable aux services publics qui sont essentiels à sa santé et son bien-être.
Si le projet de loi est adopté, il serait interdit aux employés du secteur public de communiquer avec les immigrants et réfugiés installés au Québec depuis plus de six mois dans une langue autre que le français (ou l’anglais, dans les institutions bilingues reconnues), sous peine de sanctions disciplinaires.
Même le recours à des interprètes payés par l’État serait prohibé. Ces dispositions s’appliqueraient à tout le secteur public, y compris le réseau de la santé et des services sociaux, le réseau scolaire, les municipalités et la fonction publique. Seules des circonstances exceptionnelles permettraient le recours à d’autres langues.
Ce n’est pas réaliste de supposer qu’en six mois les nouveaux arrivants apprendront suffisamment le français pour communiquer concernant des sujets complexes et importants comme l’éducation de leurs enfants, les soins de santé ou l’admissibilité à un programme de sécurité du revenu. Peu d’entre eux peuvent suivre des cours de francisation à plein temps parce qu’ils doivent travailler et s’occuper de leurs familles, alors l’apprentissage du français peut facilement s’échelonner sur plusieurs années. Cela peut être encore plus long pour des personnes âgées, peu scolarisées ou celles qui portent des séquelles de deuils ou de traumatismes. Instaurer délibérément des barrières linguistiques aura pour conséquence d’accentuer les inégalités sociales et risque de compromettre les droits sociaux, économiques et sanitaires de personnes vulnérables.
Santé des nouveau-nés
En guise d’exemple, une réfugiée, au Québec depuis plus de six mois, rencontre l’infirmière du CLSC pour le suivi postnatal de son nouveau-né. L’infirmière n’aurait pas le droit d’avoir recours à un interprète pour lui expliquer l’importance de faire vacciner le bébé. Même si la femme parle suffisamment le français pour se débrouiller au quotidien, il est fort possible qu’elle ne maîtrise pas assez le français pour une conversation aussi complexe et sensible. Si l’infirmière ne peut pas communiquer adéquatement avec la maman, c’est la santé du bébé qui est mise en péril.
La liste des situations où la qualité des services publics, la sécurité des usagers et le consentement éclairé dépendent du dépassement de la barrière de la langue est longue. Pensons par exemple à l’évaluation des besoins éducatifs des jeunes, des compétences parentales ou des enjeux de santé et de sécurité au travail et plus largement à l’accompagnement et au soutien des personnes immigrantes vulnérables (problèmes de défavorisation, de santé mentale, etc.).
Selon nous, les intervenants du secteur public devraient avoir la marge de manœuvre d’évaluer la situation de la personne pour décider s’il est indiqué de communiquer avec elle dans une autre langue que le français et, au besoin, de recourir à un interprète subventionné par l’État.
Par conséquent, nous demandons deux amendements :
Premièrement, exempter les services publics essentiels (santé et services sociaux, éducation, aide juridique, santé et sécurité au travail, sécurité du revenu, etc.) des dispositions interdisant de communiquer dans des langues autres que le français (ou l’anglais dans les institutions bilingues).
Deuxièmement, allonger considérablement la période pendant laquelle les personnes immigrantes peuvent recevoir des services dans des langues autres que le français (ou l’anglais dans les institutions bilingues).
Pour soutenir les nouveaux arrivants dans leur parcours d’intégration, il est important qu’ils se sentent accueillis et respectés. Les recherches ont montré que les approches linguistiques coercitives freinent l’apprentissage d’une langue seconde et le sentiment d’appartenance à une nouvelle société, en plus de contribuer à des discriminations directes et indirectes. Offrir des services essentiels dans une langue que l’utilisateur comprend ne nuit aucunement à sa francisation. Au contraire, l’accès à des services publics visant à assurer une sécurité économique de base, un bon état de santé et la réussite éducative des enfants favorisera l’intégration des personnes immigrantes et réfugiées comme membres à part entière de la société québécoise.
Janet Cleveland est chercheuse sur les droits et le bien-être des réfugiés et migrants à statut précaire à l’Institut universitaire Sherpa ; Garine Papazian-Zohrabian est Directrice scientifique de l’équipe de recherche interdisciplinaire sur les familles réfugiées et demandeuses d’asile.
Pour consulter la liste de signataires, cliquez ici.
Anonyme
il y a 3 ansFaite votre choix, la liste est pleine de diversité:
http://www.youtube.com/watch?v=NBmRCPfV7lk
DSG
il y a 3 ansI usually stay away from the language issue because it is old, boring and disconnected from the realities of everyday life. But I can't help pointing out the hypocrisy of the authors of this article. No one cares that Bill 96 clearly violates the Canadian constitution on multiple fronts and violates the rights of English Canadians afforded to them in the Official Languages Act. But as soon as it impacts immigrants and refugees, these do-gooders have hissy fits and cry foul. I honestly don't care about this issue but if I did I would leave Canada for a while and come back as a refugee. By doing so I would attain protected status.
Aanonyme
il y a 3 ansThere's no hypocrisy here, there are simply 2 different problems with Bill 96. One is the refusal to provide services in English to new immigrants, which is discriminatory but shielded by the notwithstanding clause. The other is the violation by Bill 96 of certain language rights protected by the the Constitution Act, 1867 or the Criminal Code, which can still be challenged in court because it is not subject to then notwithstanding clause. As for the Official Languages Act, it only affects the federal government and its contractors, so it is largely irrelevant. That said, if you would like to leave Canada for a while, nothing is stopping you.
Pirlouit
il y a 3 ans"One is the refusal to provide services in English to new immigrants, which is discriminatory"
Ben oui toi donc toutes les nations dans le monde qui "impose" des services dans leurs langues sont discriminatoires ?
"The other is the violation by Bill 96 of certain language rights protected by the the Constitution Act, 1867 or the Criminal Code, which can still be challenged in court because it is not subject to then notwithstanding clause"
Comme quoi ? Faut arrêter les attaques si vous êtes pas capable de donner des exemples.
Aanonyme
il y a 3 ansRestreindre l'accès aux serivces selon les origines (les anglophones de souche peuvent se faire servir en anglais, les autres pas) est discriminatoire à sa face même.
En matière d'administration de la justice, le P.L. 96 créerait une nouvelle obligation de joindre « une traduction en français certifiée… à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant d’une personne morale » et ce, à ses propres frais. Il n’est pas clair comment cette obligation peut être conciliée avec le droit accordé par l’art. l'art. 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 aux justiciables de recourir à l’une ou l’autre des langues anglaise et française devant « tous les tribunaux » du Québec.
Aussi, il appartiendrait exclusivement au ministre de la Justice et au ministre de la Langue française – plutôt qu’aux juges en chef ou présidents de tribunaux – de décider si la fonction de juge ou une autre fonction juridictionnelle exigent la connaissance d’une langue autre que le français. C’est à se demander si le gouvernement comprend que la Cour du Québec juge la vaste majorité de causes criminelles et que l’art. 530 du Code criminel donne à l’accusé le droit absolu à l’accès à la justice dans la langue officielle qu’il estime être la sienne, l« donc tenus d’être institutionnellement bilingues afin d’assurer l’emploi égal des deux langues officielles du Canada » : R. c. Beaulac, [1999] 1 RCS 768.