Santé et sécurité : l’impact du tiers dans la détermination de l’imputation de l’employeur
Sharlie Lafrance
2024-09-18 11:15:35
Focus sur une récente décision du Tribunal administratif du travail…
Dans la décision Centre de services scolaire Marie-Victorin, 2024 QCTAT 1766, 15 mai 2024 (j.a. Pierre St-Onge), le Tribunal administratif du travail doit déterminer si la demande de transfert d’imputation de l’employeur, le Centre de services scolaires Marie-Victorin, doit être acceptée.
La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a reconnu préalablement que la travailleuse, une technicienne en éducation spécialisée, a subi une lésion professionnelle, soit un syndrome de stress post-traumatique, après qu’un élève l’ait menacé de prendre un fusil et de la tirer.
L’employeur prétend que l’imputation a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison d’un accident de travail attribuable à un tiers.
Le Tribunal doit donc déterminer : 1) Est-ce que lésion professionnelle est majoritairement attribuable à un tiers? ; et 2) Est-ce que les menaces dont est victime la travailleuse correspondent à une situation d’injustice pour l’employeur?
Pour bénéficier du transfert d’imputation, l’employeur doit démontrer la survenance d’un accident du travail, la présence d’un tiers, la participation majoritaire de ce tiers au fait accidentel et finalement et qu’il est imputé injustement du coût des prestations qui en découlent.
En premier lieu, l’accident du travail n’est pas en litige, puisqu’il est reconnu par la CNESST. Ensuite, la preuve soumise au Tribunal permet de conclure que la lésion professionnelle est entièrement attribuable à un tiers, soit l’élève qui a menacé la travailleuse. Sans les paroles prononcées par cet élève, la travailleuse n’aurait pas subi d’accident du travail. Ces critères sont donc satisfaits.
Finalement, pour déterminer si un employeur est imputé injustement, plusieurs facteurs peuvent être pris en compte. Le Tribunal peut ainsi analyser les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, puis les risques attribuables à l’unité de classification à laquelle il appartient. Il peut aussi considérer toutes les circonstances ayant un impact dans le fait accidentel.
En l’espèce, le Tribunal est d’avis que la situation vécue par la travailleuse est exceptionnelle, anormale et s’assimile à la commission d’un acte criminel. Il ne s’agit donc pas d’un risque inhérent aux activités de l’employeur.
Le Tribunal accueille la contestation de l’employeur et déclare que la totalité du coût des prestations versées en raison de la lésion professionnelle subie par la travailleuse doit être imputée aux employeurs de toutes les unités.
À propos de l’auteure
Sharlie Lafrance est avocate chez RBD. Elle consacre maintenant sa pratique à la défense des intérêts des salariés provenant des milieux policiers et ambulanciers du Québec. Elle traite des différents enjeux relatifs aux rapports collectifs du travail ainsi qu’au domaine de la santé et sécurité au travail.