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Surprise au tribunal : Des tribunaux québécois rejettent des règlements d’actions collectives

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Jessica Harding Et Anaïs Nguyen

2024-08-29 11:15:12

Jessica Harding et Anaïs Nguyen, les auteures de cet article. Source : Osler, Hoskin & Harcourt
Jessica Harding et Anaïs Nguyen, les auteures de cet article. Source : Osler, Hoskin & Harcourt
Focus sur une récente tendance des tribunaux québécois…

Nous avions déjà fait état de la tendance récente des tribunaux québécois (en anglais seulement) à réduire les honoraires des avocats des demandeurs lors de l’approbation des règlements d’actions collectives. Au cours des derniers mois, les tribunaux québécois ont démontré une rigueur accrue dans le processus d’approbation des règlements d’actions collectives. Ces jugements soulignent l’engagement des tribunaux à protéger les droits des membres du groupe et à s’assurer que les règlements sont équitables, raisonnables et dans l’intérêt véritable du groupe. Le refus d’approuver certains règlements d’actions collectives envoie un message clair aux plaideurs et aux parties : pour être approuvé, un règlement doit résister à l’examen judiciaire.

Cadre juridique des règlements d’actions collectives au Québec

Au Québec, les actions collectives sont régies par le Code de procédure civile (le CPC), qui énonce les exigences légales relatives à l’autorisation, au déroulement et au règlement des actions collectives. En vertu des articles 590 et suivants du CPC, pour lier les membres du groupe, le règlement d’une action collective doit être approuvé par le tribunal. Le rôle du tribunal est de s’assurer que le règlement est équitable, raisonnable et dans l’intérêt véritable du groupe, compte tenu de nombreux facteurs, notamment les probabilités de succès du recours, les risques d’un procès et les avantages pour les membres du groupe.

Jugements récents refusant l’approbation d’un règlement

Récemment, des tribunaux québécois ont refusé d’approuver des règlements d’actions collectives pour diverses raisons. Ces décisions soulignent la vigilance des tribunaux quant à la protection des intérêts des membres du groupe. Les raisons invoquées pour justifier ces refus incluaient notamment l’insuffisance de l’indemnité devant être versée aux membres du groupe et les honoraires disproportionnés des avocats du groupe.

Indemnité insuffisante

Les règlements qui prévoient une indemnité inadéquate aux membres du groupe sont susceptibles d’être rejetés. Le tribunal examine de près le montant du règlement pour s’assurer qu’il est proportionnel au montant réclamé par le groupe. Dans l’affaire Ohayon c. Dollarama,[1] une action collective portant sur les pratiques tarifaires de Dollarama, le tribunal a analysé la valeur globale du règlement, le mécanisme de distribution aux membres du groupe et le processus de notification servant à informer les demandeurs potentiels.

Le règlement proposé, qui s’élevait à 2,5 millions de dollars, prévoyait la remise aux membres admissibles du groupe d’une carte-cadeau transférable d’une valeur maximale de 15 $. Les cartes-cadeaux devaient être distribuées au moyen de l’appli Dollarama. Afin d’en informer le grand public, les parties ont réalisé une campagne de notification en bonne et due forme.

Le montant à distribuer à chacun des membres admissibles du groupe tomberait en dessous de 15 $ si le nombre total de réclamations dépassait 89 756, ce qui, selon le tribunal, allait vraisemblablement se produire, puisque 1 282 052 personnes s’étaient préenregistrées auprès de l’administrateur des réclamations. Le tribunal a souligné qu’un préenregistrement précédant l’approbation du règlement pouvait fausser les estimations des parties. Bien que certains tribunaux aient approuvé le préenregistrement dans certains contextes, le tribunal n’a trouvé aucune raison de s’écarter du mécanisme d’exclusion (opt-out) applicable au Québec. Malgré la suggestion du Fonds d’aide aux actions collectives de prolonger la période d’enregistrement, le tribunal a rejeté cette suggestion, car elle compliquait indûment la structure du règlement et n’avait pas été envisagée à l’origine. Le tribunal a réitéré son incapacité à modifier l’entente de règlement, qu’il ne peut qu’approuver ou rejeter.

Il est intéressant de noter que le tribunal a exprimé des préoccupations concernant le sort des données des membres du groupe collectées par Dollarama dans le cadre de la mise en œuvre du règlement, y compris au moyen de son appli, compte tenu de la valeur intrinsèque des données pour l’entreprise.

Distribution disproportionnée

Le règlement qui favorise de manière disproportionnée certains membres du groupe par rapport à d’autres ou qui prévoit des honoraires excessifs pour les avocats du groupe au détriment du groupe peut être considéré comme inéquitable. Le tribunal examine le plan de distribution afin d’assurer un traitement équitable. Dans l’affaire Walid c. Compagnie Nationale Royal Air Maroc,[2] le tribunal a refusé d’approuver un règlement prévoyant une indemnité de 800 $ par membre du groupe, principalement parce que les honoraires des avocats du groupe risquaient de dépasser le montant qui serait finalement distribué aux membres. Il a également fait référence aux récentes modifications apportées à la Loi sur les procureurs del’Ontario,[3] qui prévoient qu’un procureur n’a pas droit à un montant supérieur à celui de son client dans le cadre d’un règlement. En l’espèce, les parties avaient prévu que l’approbation du règlement serait conditionnelle à l’approbation des honoraires des avocats du groupe. En refusant d’approuver les honoraires des avocats du groupe, le tribunal n’a pas pu approuver le règlement qu’il jugeait par ailleurs acceptable et équitable.

Le tribunal a également apporté un éclairage intéressant sur le calendrier de paiement des honoraires des avocats du groupe, qui sont souvent versés avant tout paiement aux membres du groupe. La participation continue des avocats du groupe aux étapes du règlement serait grandement améliorée si ces honoraires étaient versés plus tard dans le processus de règlement.

Les tribunaux peuvent refuser d’approuver un règlement d’action collective pour d’autres raisons, notamment si le processus de négociation a été inadéquat, s’il y a un manque de transparence ou si les modalités du règlement n’ont pas été clairement communiquées aux membres du groupe. De plus, s’il ne dispose pas d’une preuve suffisante pour déterminer que le règlement est équitable, un tribunal peut refuser de l’approuver.

Conséquences pour les règlements futurs

Les récents jugements des tribunaux québécois ayant refusé d’approuver des règlements d’actions collectives ont des conséquences importantes pour les règlements futurs. Les parties doivent s’appliquer à élaborer des règlements équitables et raisonnables. Les avocats du groupe doivent veiller à s’engager dans un véritable processus de négociation, à assurer une représentation adéquate, à faire preuve de transparence auprès des membres du groupe et à chercher à toucher des honoraires raisonnables qui ne compromettent pas l’équité du règlement.

Principaux points à retenir

Le refus des tribunaux québécois d’approuver certains règlements d’actions collectives rappelle les normes rigoureuses auxquelles ces règlements sont assujettis. Il incombe aux praticiens de tenir compte de ces jugements et de s’efforcer de conclure des règlements qui résistent à l’examen judiciaire. Ce faisant, ils s’acquitteront non seulement de leurs obligations professionnelles, mais ils préserveront également l’intégrité du mécanisme de l’action collective en tant qu’outil d’accès à la justice.

[1] Ohayon c. Dollarama, 2024 QCCS 1363.

[2] Walid c. Compagnie Nationale Royal Air Maroc, 2024 QCCS 2674.

[3] Ententes sur des honoraires conditionnels, Règl. de l’Ont. 563/20, pris en application de la Loi sur les procureurs, L.R.O. 1990, chap. S.15.

À propos des auteures

Jessica Harding est associée chez Osler, Hoskin & Harcourt au bureau de Montréal. Sa pratique se concentre sur les litiges civils et commerciaux, et plus particulièrement, sur les actions collectives de consommateurs, les litiges en matière de responsabilité du fait d’un produit, l’arbitrage et le droit international privé.

Anaïs Nguyen est étudiante d’été chez Osler. Dans le cadre de ses études, elle a effectué un stage de recherche à la Cour supérieure du Québec auprès de l’Honorable Catherine Piché en plus d'avoir été assistante de recherche auprès du professeur Patrice Deslauriers en responsabilité civile.

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