La qualité de vie en droit, est-ce possible ?

Pierre Arcand
2012-04-10 08:30:00
Bonjour
Je commence ma 2ème année de pratique au sein d’un moyen cabinet, j’y travaille depuis mon stage. Je me promène entre le litige et le droit transactionnel, les deux m’intéressent mais je fais des heures de fou et à moyen terme, je désire avoir une qualité de vie. Est-ce possible ? Et si oui dans quel secteur devrai-je me diriger ?
Réponse
Cher lecteur,
C’est très possible de combiner une carrière en droit et une belle qualité de vie, encore faut-il définir ce qu’on entend par qualité de vie. D’entrée de jeu, je vous dirais que ce qui est plus difficilement conciliable ce n’est pas le droit et la qualité de vie mais plutôt des revenus importants combinés à des dossiers stimulants, le tout en se limitant à 35 ou 40 heures par semaines.

Il est certain que si l'on considère la rémunération générale des avocats en pratique privée de plus de 10 années d’expérience, les 120 000$ ne sont pas exceptionnels. D’un autre côté, à dix ans de pratique vous aurez environ 35-40 ans. Un revenu à cet âge, ou même plus vieux, comblerait 97,3% de la population. Il faut quelques fois mettre les choses en perspective et se demander : « il me faut combien pour vivre ?»
Je ne rejette pas d’emblée la possibilité de concilier la pratique en moyen ou grand cabinet, et la qualité de vie. Avec une rémunération de 150 000$, jusqu’à des montants indécents pour certains associés de grands cabinets, on peut se payer une belle qualité de vie. Cependant il faut trouver de la qualité dans son travail parce qu’on y passera une bonne partie de sa vie. On pourra se gâter, se permettre de merveilleuses vacances en famille, inscrire les enfants dans les meilleures écoles, leur permettre de pratiquer des sports dispendieux, etc… Mais on doit faire une croix sur la garderie à 16h30, le conjoint devant faire sa large part.
Tout est question de choix et de priorités, et ces aspects sont vraiment personnels. De plus, ce sont des points de vue qui tendent à évoluer avec l’âge, ce qui rend encore plus difficile l’accession à cette sacro-sainte qualité de vie.
Pour en revenir à votre question de façon plus spécifique, celle-ci exclut les heures de fou, alors je déduis qu’il est important pour vous d’avoir vos soirées et vos week-ends (sauf lors de périodes plus intenses qui ne devraient pas survenir trop régulièrement). Litige, transactionnel, droit du travail, assurances ou autres secteurs? Tous les secteurs impliquent des périodes de stress, tant en pratique privée qu’en entreprise. Votre qualité de vie future ne dépend pas du choix de secteur de pratique, mais plutôt du type de pratique que vous choisirez.
Selon ma définition personnelle de qualité de vie, les gens qui semblent le plus concilier des revenus substantiels, une latitude au niveau de l’horaire et au niveau du choix de dossiers, sont des avocats en pratique privée solo ou ceux dans de petits cabinets. Ils limitent leurs frais généraux, facturent 1000 heures par année à un taux horaire de 250$; il leur reste 150-175K$ dans leurs poches. Ils ne sont cependant pas venus au monde comme ça. La plupart on travaillé très fort pour se bâtir une clientèle et une réputation mais peuvent aujourd’hui jouir des efforts consentis.
Si la qualité de vie pour vous est inconciliable avec des concepts comme clientèle et facturation, alors vous devriez considérer une pratique en entreprise, au sein d’un organisme ou de la fonction publique.
Ces types de pratique offrent moins de latitude au niveau des horaires et du choix de dossiers, mais compensent en vous garantissant un chèque toutes les deux semaines, des assurances collectives, le travail en collégialité et bien souvent, un fond de pension intéressant. Ces types de pratiques ne garantissent pas automatiquement un « rythme de vie relax ». Si vous voulez avoir vos soirées et week-end, choisissez votre employeur en conséquence, vous devrez probablement également laisser tomber vos aspirations à être le prochain VP, directeur ou sous-ministre. Question de choix et de priorités…
Je conclurai cette chronique en revenant sur le fait que ce à quoi on aspire, a tendance à évoluer avec l’âge. Je conseille donc à tous les jeunes juristes, de garder le plus de portes ouvertes et surtout de ne pas hausser vos obligations financières en fonction de votre revenu. Vivez selon vos besoins et non de vos revenus. C’est la seule façon d’être capable de ralentir un jour et de profiter de la vie avant la retraite.
J’espère que ma réponse vous aidera dans votre cheminement et vous souhaite une bonne semaine.
La Question au Recruteur
Chaque semaine, le recruteur juridique Me Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.
La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.
Sur l'auteur
Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.