Le droit municipal est-il corrompu ?

Pierre Arcand
2012-12-03 08:30:00
Bonjour Me Arcand,
Je suis un jeune avocat et je travaille dans un cabinet spécialisé en droit municipal. Avec la commission Charbonneau et tout ce qu’on raconte sur la façon de faire en politique municipale, je me demande si je fais bien de pratiquer dans ce secteur. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Réponse
Cher lecteur,
Bien que les révélations de la commission Charbonneau puissent rendre nerveux plusieurs intervenants du milieu municipal, je ne crois pas pour autant que vous devriez remettre en question votre choix de carrière. Il est vrai qu’on parle d’élection clé en main, de collusion et surtout de corruption, mais je crois que les cabinets d’avocats sont moins impliqués que les entrepreneurs et les ingénieurs ne le sont.

1. La collusion : ce que tend à démontrer la commission, c’est qu’il y avait collusion entre les entrepreneurs, parfois avec l’aide des employés municipaux, afin d'augmenter la valeur des contrats et ainsi les profits faits sur ces derniers. Avez-vous déjà entendu parler de collusion entre bureaux d’avocats ? Ceux qui connaissent les cabinets œuvrant dans le secteur municipal, savent qu’il y a peu de chance qu’ils s’assoient ensemble pour manipuler les taux horaires ou toute autre chose.
2. L’origine de l’argent : on parle beaucoup d’enveloppes, peu importe leur couleur, et il est permis de croire que ces enveloppes contiennent des billets. D’où viennent ces billets ? À mon avis, majoritairement du travail au noir ou d’argent acquis illégalement, notamment en faisant des profits anormaux sur certains contrats. Les avocats travaillant en droit municipal, parce qu’ils travaillent à un taux horaire, ont rarement accès à des honoraires non déclarés, ou à des profits faramineux sur certains mandats ou contrats. Ils font leurs heures et sont très bien payés, mais ce n’est pas assez pour justifier de donner des enveloppes.
3. L’interaction avec les autres fournisseurs de services : les mandats des juristes les mettent rarement en contact direct avec les autres intervenants (entrepreneur, ingénieurs, etc… ) ce qui limite les chance de se faire éclabousser par les révélations faites à la commission. De plus, j’ai tendance à croire que les gens un peu croches ont plus de réticences à impliquer des avocats dans leurs magouilles, du moins je l’espère sincèrement.
Est-ce que j’en conclus que les avocats n’ont rien à se reprocher ? Je n’irai pas jusque là, mais je crois sincèrement qu’ils sont un peu plus timides que les autres intervenants. Il est vrai que les avocats qui œuvrent en municipal donnent du temps lors des élections, en échange de mandats si les gens aidés gagnent leurs élections. Tant que lesdits mandats sont bien exécutés et qu’il n’y a pas de surfacturation au dépend du contribuable, je ne vois pas de problème. Est-ce la meilleure façon d’octroyer des mandats ? Non. Est-ce que le contribuable est lésé ? Non. Est-ce qu’il ne s’agit pas d’une forme de corruption, car je te donne de mon temps et tu me donnes des mandats ? À vous de tracer la ligne, pour ma part, bien que je souhaiterais évoluer dans un monde à l’abri de tout jeu de pouvoir, je n’y vois qu’une situation inévitable qui, par ailleurs, n’est pas dommageable en soi. Je vous souligne de nouveau que les mandats doivent cependant être bien exécutés et en l’absence de toute surfacturation.
Je terminerai en vous disant qu’on aura beau souhaiter que les mandats soient toujours attribués au mérite, il est utopique de penser qu’on y arrivera. Vient un moment où il y a deux ou trois personnes qui peuvent très bien faire le travail et une décision doit être prise. Ça va toujours aller du bord de la personne qui nous a aidé, et ce sera toujours ainsi tant qu’on ne comptabilisera pas le temps des bénévoles dans le budget des élections. Je ne dis pas que ce serait une bonne idée…
J’espère avoir dissipé vos doutes et je vous souhaite une bonne semaine.
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Sur l'auteur
Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.