Ce que j’ai appris en Afrique du Sud
Céline Gobert
2013-07-24 15:00:00
D’une certaine façon, c’est un peu comme si le Québec, dans lequel il a grandi, l’avait suivi malgré les kilomètres, sans lui en vouloir d’avoir désiré s’éloigner de lui pendant sept mois pour tenter une expérience nouvelle.
Qu’est donc venu faire Me Koné, avocat de 26 ans, originaire de la Côte d’Ivoire et fier habitant du Canada, dans la capitale administrative de l’Afrique du Sud ?
Travailler pour ‘Lawyers for Human Rights’, une ONG, fondée par des avocats blancs, qui a pris beaucoup d’essor lors de l’Apartheid- leur grand défi étant d’y mettre fin.
Sa décision de participer au Programme International des Jeunes Juristes de l’ABC (PIJJ), qui permet à des juristes canadiens d’effectuer un stage à l’étranger, est née d’un goût prononcé pour le droit international et social.
C’est donc naturellement qu’après des études de droit à McGill, un stage au contentieux de la ville de Longueuil, et un passage à l’Aide juridique de Drummondville, il se décide à voir autre chose.
Cible mouvante ?
Pour Me Koné, barreau 2011, l’opportunité d’intégrer une ONG locale lui paraît intéressante. Il souhaite aider au mieux le personnel sur place et les locaux, s’ajuster humblement aux défis sur place sans jamais imposer ses vues.
À cause de la publicité qui est faite sur l’Afrique du Sud, la première réaction de l’avocat, lorsqu’on lui annonce sa destination, est d’avoir un peu peur pour sa sécurité personnelle. À l’époque, il se remet d’une blessure, boîte un peu.
« J’avais peur d’être une cible mouvante», plaisante-t-il.
Il réalise très vite qu’il se trompe complètement : il ne s’y sent pas du tout en danger. Au contraire, la richesse des cultures et des gens, le frappe en plein coeur.
« L’Afrique du Sud, c’est 11 langues officielles, des gens réunis malgré eux qui sont en train de bâtir des choses exceptionnelles ensemble. Un métissage, et des auteurs, des cinéastes, qui offrent des perspectives différentes.»
Pour lui, c’est clair: de grandes choses vont se passer en Afrique du Sud. « Cela pourrait être la base d’une révolution de tout le continent», confie-t-il.
Des dossiers éprouvants
Au travail, tout lui plaît. L’atmosphère, les dossiers.
« L’esprit d’équipe, l’absence de hiérarchie, la façon de traiter les collègues : tout cela m’a fait du bien.»
Tout le monde est important, raconte-t-il à Droit-Inc, de la personne qui s’occupe à nettoyer les planchers aux plus hauts placés, c’est une dynamique très différente, selon lui, de la dynamique canadienne.
Parfois, c’est dur. L’éloignement, l’âpreté des conditions de vie de la population. Car s’il effectue beaucoup de travail administratif et de recherches, il offre aussi son aide aux réfugiés de Somalie ou de la République démocratique du Congo.
Il les guide, suit leurs dossiers, lance des recours constitutionnels pour défendre leurs droits. Et ce, en dépit des infrastructures pas toujours de son côté notamment lors des collaborations avec des bureaux à distance. Pannes de courant, coupures d’internet ralentissent alors son travail.
« Cela ouvre les yeux à des réalités très différentes. Dans ces dossiers, les gens n’ont littéralement rien à perdre, cela peut devenir difficile parfois quand il s’agit de jeunes enfants qui vont se faire déporter ou qui n’ont pas accès à l’éducation.»
Alors, pour souffler un peu, Me Laurent Koné fait des barbecues entre collègues, envoie des courriels à sa mère, se balade dans son quartier très populaire, sans auto, sans demeurer parqué avec les expatriés.
Il aime tellement ce qu’il fait qu’il pense même rester. Il en a la possibilité. Mais il comprend alors qu’il y a un travail à faire ici, et peut-être même surtout, au Canada.
« Une grande partie de l’’instabilité des réfugiés est créée par les industries occidentales, parfois canadiennes, qui exploitent les ressources là-bas. On se demande alors : doit-on faire le travail là bas ? Ou doit-on le faire ici ?»
Trop attaché au sirop d’érable !
Alors, en novembre dernier, Me Koné refait ses valises, reprend un avion, direction Montréal. En ce moment, il travaille avec un avocat en droit de l’immigration.
L’Afrique du Sud l’a changé.
« Dans la vie de tous les jours, et professionnellement, je rationalise beaucoup plus les problèmes, qui ne sont pas si graves que cela en général.»
Gérer de grandes responsabilités. Garder son sang froid. Développer une carapace. Relativiser. Des choses qu’il a appris directement sur le terrain. Pourtant, son Canada de coeur lui manquait...
« Je ne me suis jamais senti aussi canadien qu’en Afrique du Sud ! lance l’avocat. Je suis attaché à tellement de choses ici !»
Pour preuve: il avait apporté avec lui une boîte de conserve remplie de sirop d’érable pour l’offrir en cadeau. Finalement, il l’aura égoïstement gardé pour lui. Comme un trésor.