J’ai visé les J.O
Marie Pâris
2013-11-28 15:00:00
Elle a passé le Barreau de l’Ontario en 2012, après avoir fait son stage de formation professionnelle chez Torys, où elle a été embauchée en août dernier. Et si à 33 ans elle vient juste d’être assermentée, c’est qu’elle a un parcours hors du commun: avant le droit, elle a eu une première carrière d’athlète.
En effet, Rebecca a représenté le Canada dans de nombreuses compétitions de volley-ball, un sport qu’elle a pratiqué à un niveau professionnel pendant six ans. L’avocate, qui mesure 5,8 pieds, «ce qui est plutôt petit pour une volleyeuse», a commencé à frapper la balle à l’âge de 15 ans. Au début, elle avoue qu’elle était plutôt mauvaise.
«J’ai commencé à jouer durant un été, et je suis revenue en déclarant: “je vais m’entraîner fort et faire tout ce que je peux pour y arriver”. J’ai toujours voulu représenter le Canada en tant qu’athlète, et un jour je me suis dit que je devais réaliser ce rêve.»
Entre le terrain de sport et les bancs de la faculté
Elle décide de ne pas prêter attention à ses parents, qui ne la prennent pas vraiment au sérieux au début, ou aux gens qui la pensent dingue de consacrer près de trois heures par jour à ses entraînements.
«Ma famille a toujours été très heureuse pour moi et m’a apporté beaucoup de soutien, mais ils avaient un peu peur que je gâche ma vie à consacrer tant de temps au sport», raconte Rebecca.
La jeune femme est prévoyante, et décide de suivre un parcours universitaire en plus de sa pratique sportive. De 2003 à 2006, elle s’inscrit à des cours d’anglais, histoire et politique à la Western Ontario University. Ses cours sont entrecoupés d’aller-retours à London, chez ses parents, pour s’entraîner.
Puis elle bifurque vers le droit et intègre l’Université de Toronto. «Ma mère et mon beau-père étaient de grands avocats, ça m’a peut-être influencée; et j’adore lire et analyser, donc le droit me paraissait une suite naturelle», explique la jeune avocate.
Six ans de compétitions
Si elle a choisi cette université, c’est aussi pour son équipe de volley-ball, très reconnue, et son entraîneuse Kristine Drakich, ancienne meilleure joueuse de beach-volley du Canada. Pendant trois ans, Rebecca s’entraîne entre les cours, en intérieur et en extérieur.
«Je ne dormais vraiment pas beaucoup… Je devais être très organisée et disciplinée pour suivre le rythme.» Son secret pour tenir: «Je suis passionnée de sport et de droit; et j’aime entraîner mon esprit autant que mon corps».
Une fois diplômée, en 2006, elle démarre sa carrière d’athlète professionnelle. Elle se finance grâce à des campagnes de sponsoring, à l’aide de sa famille, et aussi à travers une petite entreprise spécialisée en événements corporatifs qu’elle lance.
«J’y travaillais dès que je ne faisais pas de sport», se souvient Rebecca. C’est qu’elle en veut… Elle s’entraîne notamment avec des athlètes olympiques; c’est là qu’elle décide de viser les J.O. S’ensuivent six ans de voyages autour du monde, et de compétitions où elle représente le Canada dans l’équipe nationale de volley-ball.
Rebecca partage notamment son temps entre la Californie et le Brésil, pour leurs bords de mer - car si le Canada a des infrastructures pour le beach-volley, elles ne peuvent pas vraiment remplacer une plage. Elle tombe en amour avec la ville de Joao Pessoa - et peut aujourd’hui se targuer d’avoir sur sa fiche d’avocate le portugais parmi ses langues parlées.
«J’ai donné tout ce que je pouvais au volley-ball»
Elle tourne à un rythme de quinze compétitions en moyenne par an, et près de douze heures de sport par jour, entre les échauffements, l’entraînement, les étirements et les soins. «Je me suis souvent sentie dépassée, et vraiment, vraiment fatiguée», confie l’ancienne athlète.
«Et puis j’ai fini par épuiser mes chances d’arriver un jour au Jeux Olympiques. J’ai donc décidé de prendre ma retraite, en janvier 2012. J’ai senti que c’était le moment: j’étais si fatiguée! J’avais donné tout ce que je pouvais au volley-ball.»
Ses médailles (une bonne quarantaine), elle ne les a pas gardées: «J’avais plus l’impression d’être une championne dans les moments difficiles que lorsque je gagnais des récompenses, parce que je pouvais inspirer les gens».
Rebecca quitte l’univers du sport professionnel sans regret, persuadée d’avoir donné son maximum, et «très fière de l’avoir fait». L’athlète a encore un autre rêve… Qu’elle décide de suivre.
«Après l’expérience intense que j’ai vécue, disons que suivre le rythme du métier d’avocat est un tout petit peu plus facile à tenir», confie la jeune femme en riant. Aujourd’hui, son passé fascine ses confrères avocats et lui apporte immédiatement le respect.
Qi-gong au bureau
Certes, elle est passée du coq à l’âne en troquant ballon et plages contre tailleur et bureau, mais ses patrons voient plutôt cette première carrière comme un atout.
«Ils considèrent que cela m’a apporté de la maturité, de l’expérience. Ils voient à quel point je peux être passionnée, enthousiaste et positive», rapporte Rebecca. Elle cite d’ailleurs les nombreux sondages montrant que les employés avec une expérience dans l’armée ou en sport savent beaucoup mieux travailler en équipe et sont de bons candidats à embaucher.
Mais l’avocate n’a pas abandonné totalement le sport pour autant. Elle mentore notamment des joueurs de volley de haut niveau: elle les motive, les conseille, un rôle qu’elle qualifie comme «une sorte de psychologue du sport».
Joueuse dans l’équipe de soccer de Torys, elle fait aussi de la méditation, du yoga, de l’ultimate frisbee ou du qi-gong - et parfois même au bureau. «En semaine, il me faut au moins une heure de sport par jour», raconte Rebecca.
Quand on lui demande où elle trouve le temps, elle répond qu’il ne s’agit que d’une question de priorités. Son message à la communauté juridique: «Il est très important d’avoir une passion, un hobby. Prenez le temps de faire ce qui vous rend heureux!»
Quant à elle, sa passion reste la même: aider son équipe. Cette fois, en tant qu’avocate.